"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les mouvements sociaux qui ont affecté, dans de nouvelles formes de radicalité, de pratiques et de répertoires d'actions, au début de cette dernière décennie, les pays de l'aire culturelle en question, ne sont pas le fruit du hasard. Ils ne sont pas apparus tel un coup de tonnerre dans un ciel serein, comme ont semblé le découvrir des classes politiques et analystes rapides, faiblement informés des transformations qui travaillaient au fond ces pays. Ils remontent à loin et s'inscrivent dans des processus qui trouvent leur fondement dans les désenchantements qui ont suivi l'échec des nationalismes développementalistes à la fin des années 70, le reflux du « tiers-mondisme », la montée de mouvements identitaires, sous l'effet de l'emprise d'une mondialisation inégale. S'il y a eu ici ou là toujours, et ceci depuis les indépendances, des contestations de régimes politiques vécus comme illégitimes et oppressifs, que l'on songe au mouvement dit du « printemps berbère » , aux émeutes d'octobre 88 en Algérie, plus prés de nous, au mouvement des arouchs, aux émeutes de Redief , de Gafsa en Tunisie, de Sidi Ifni au Maroc, ces derniers ne sont pas apparus comme porteurs de modalités de transformations au fond des systèmes en place..
Il y a en effet quelque chose de transversal dans l'expression et l'affirmation de ces mouvements sociaux qui s'inscrivent dans un espace-temps de basculement vers de nouvelles demandes, de nouvelles façons d'être et de se représenter face au politique, à la paupérisation accrue de larges pans des sociétés, à la mal vie et aux dérives de la financiarisation du monde, d'autres façons, d'autres modalités de participation citoyenne qui sont en rupture avec les modes « traditionnels » de faire de la politique , d'exister , qui ont prévalus jusque là.
Dans cet espace temps des contestations tous azimuts, la part du national de ces mouvements, laisse place de plus en plus à des manifestations plus locales, plus territorialisées. La transmutation du local au national s'est développée en Tunisie, et en Egypte par la jonction avec les intelligentsias et les laissés pour compte des Etats en crise. Au Maroc le mouvement du 20 février s'est également développé sur une base nationale en s'ouvrant au départ des contestations à ces mêmes catégories. En Algérie le passage du local au national n'arrive pas à prendre à cause de la fragmentation du mouvement social et l'absence d'un leadership reconnu.
L'importance des réseaux sociaux numériques dans la sensibilisation de l'opinion publique et la mobilisation des foules est mise en évidence depuis la chute des dictateurs tunisien et égyptien. Les analystes médiatiques et les chercheurs universitaires ont aussitôt évoqué le rôle décisif du web 2.0 dans le déroulement et l'issue des évènements, déclenchés le 17 décembre 2010 suite à l'immolation par le feu du jeune commerçant ambulant Mohammed Bouazizi.
On a parlé de Révolution Facebook, Révolution en ligne ou encore Révolution 2.0. Selon nombre d' analystes , Facebook, Twitter, YouTube et les blogs ont été les armes de cette révolution. Les mots, les photos et les vidéos en ont été les munitions. Le web s'est transformé en un véritable espace public alternatif, un cyberespace d'engagement, où s'est constituée une large coalition de l'opposition de tous bords : cyberactivistes, blogueurs, journalistes dissidents, hommes politiques et syndicalistes. Le fait que des outils virtuels aient influencé une situation réelle pour mettre fin à aux dictatures, ont créé un effet domino dans le reste du monde arabe. Du Maroc jusqu'au Bahreïn, en passant par l'Égypte.
Il reste que le débat reste encore vif sur le véritable rôle des réseaux sociaux dans les mouvements de révolte qu'a connu le monde arabe. Certains observateurs, adeptes de la web-Révolution, sont persuadés que les réseaux sociaux sont les principaux catalyseurs de ces évènements. D'autres minimisent ce rôle, le limitant à un apport purement médiatique.
L'ouvrage se propose d'analyser et de comprendre les causes et les raisons des engagements de nouveaux acteurs, les modalités et les formes par lesquelles ils sont intervenus dans les mouvements sociaux et les effets sur les sociétés et leurs évolutions.
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