Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Les travailleurs immigrés, qui construisent ici les villes, les routes, les immeubles, les hôtels de luxe et les centres commerciaux, rouages de la grande mécanique capitaliste, viennent pour la plupart du Kerala, un petit État au Sud de l'Inde. Ils ont le statut de « travailleurs invités » et ont laissé leur passeport en arrivant.
Ces non-citoyens invisibles, migrants génériques, perdent leurs papiers, parfois même leur nom, voire leur langue, ou des morceaux d'eux-mêmes au bas des immeubles en construction... qu'une infirmière spécialisée vient patiemment recoudre soir après soir pour l'entreprise de construction.
Fable sociale et surréaliste, A titre provisoire donne une langue aux muets et une voix aux invisibles du Golfe Persique, en évoquant le travail, la précarité, la famille, la répression politique. Chaque personnage, avec ses mots et son récit dit ce que c'est que de vivre dans ces États « à titre provisoire ».
« À titre provisoire » est l’empreinte mémorielle en advenir. Il est crucial, dans une langue Babel inventive.
Satirique, politique, engagée, cette fable caustique est en mission. La radicalité d’une puissance d’écriture qui soulève une tempête de sable. Incandescente, un vecteur d’urgence absolue.
Les fragments sont des polyphonies, les tonalités des migrants. Le prisme de l’identité à fleur de peau et de quête.
« À titre provisoire », l’anonyme, le fantôme, l’ombre de l’ombre, sans angélisme, dans l’exactitude à peine troublée par le jeu fictionnel. Nous ne sommes pas dans l’heure du conte sage et convenu.
Mais le vif des cruautés, les vies fissurées. Les morceaux de verre sous les pieds lacérés. Le pouvoir créatif de Deepak Unnikrishnan qui sait le par cœur d’un provisoire, puisqu’il ne pourra jamais obtenir la nationalité du pays où il est né.
« Ce livre parle français parce que j’ai rencontré un saxophoniste à Bangalore. Tous les traducteurs devraient être musiciens ».
Les Émirats arabes unis dans le paradoxe le plus prégnant. 90 % des habitants sont étrangers. Le passeport confisqué dès l’arrivée. La migration comme un outil nécessaire, puis jeté au sol. Le pain moisi donné aux chiens. Les habitus affligés par la réalité. Ils, elles, sont ici. Pour construire des immeubles, des stades, des routes et des palais. Le bien commun par des petites mains qui ignorent le toucher de l’amour. L’ignorance des fraternités. Nous sommes dans un symbole fort. Une mise en abîme dévorante. Hommes et femmes venus de cet ailleurs. Sous la chaleur oppressante, les vêtements brûlés par les rayons d’un soleil qui frappe sans retenue aucune. Ils, elles, ne sont plus des humains. Mais des heures sans fin, seulement cela. Un homme exploité au possible. Le mirage du gain est un coup de soleil en plein cœur. Une femme étranglée par un trop plein d’ordres et de soumissions. Une esclave moderne. La féminité est restée au pays, dans l’ère des espoirs encore. Le néant est le compte des heures travaillées. Ils tombent tous comme des mouches. Morts avant le plausible retour sur la terre-mère. Les désillusions sont des larmes salées. La démesure d’un territoire, une fourmilière où la reine-mère est le capitalisme et l’arrogance. Les libertés sont interdites. Le mépris pour l’autre, cet étrange (er).
Les fragments sont des prises de paroles. D’eux, d’elles, de cette infirmière qui recolle les morceaux de chair de ceux, tombés d’un haut d’un immeuble. L’insolation d’un pays sans loi ni éthique.
Anonymes, les rêves brisés, les frustrations et interdits. Les pénibilités marquées au fer rouge. Les peines et les oublis, les déchéances et la perte d’estime de soi-même. Fantômes, non-citoyens, tous dans un cercle où s’agite la finance rieuse et mordante.
« Dans le temps, Hamdan était un modeste embryon de centre-ville, ni fait ni à faire, mais aujourd’hui, le quartier était géré dans l’idée d’optimiser la consommation d’ouvriers immortels par immeuble en construction. Anna avait du mal à suivre le rythme. Les travailleurs tombaient plus que jamais ».
« Khalid aimait répéter : « Les mensonges sont toujours découverts. Ils se décollent des gens comme de la boue séchée ». Il n’avait pas tort… Les trafiquants balançaient leurs cargaisons vivantes à des kilomètres des ports ou du rivage...La ville jouait avec ces gens, les pressant comme des citrons avant de les presser à partir ». « Pravasi signifie absence ».
Ce livre est une parole collective. L’obsession cardinale d’écrire les murmures, les bruits sourds, les mécanismes implacables, les diktats qui broient ces non-citoyens.
Nécessaire, poignant, les révoltes comme des étincelles qui brûlent les yeux.
Cette fable intranquille, sociologique, est une urgence de lecture. La capacité exhaustive qui prend sens dans sa plus réalité et solitude. Le chaos des existences éphémères.
Ce texte, témoin critique, « À titre provisoire » est la somme des vulnérabilités écorchées vives. Une fierté éditoriale. Traduit de l’anglais (Inde, États-Unis, Émirats) et préfacé par Pascal Sieger.
Sur la quatrième de couverture : la rumeur court que ce livre est difficile à trouver dans les librairies du pays où les hommes avalent leurs passeports afin de devenir eux-mêmes des passeports. (On se demande pourquoi).
Tout est dit.
Que ce livre traverse le monde !
Publié par les majeures Éditions Othello.
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