"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lu par curiosité pour voir la différence avec la série. Assez surprise, car je suis déçue par les personnages et par les événements qui défilent sans réellement « vivre » ou faire frémir le lecteur. En revanche, Poldark est plus sympathique que dans la série. Au contraire, la partie romantique est plus intéressante dans la série. Plus travaillé.
Tout d'abord, je tiens à sincèrement remercier les éditions L'Archipel pour cet envoi, ainsi que d'avoir réédité cette saga d'anthologie en français (du moins, d'avoir commencé à le faire). Avec ces deux magnifiques couvertures qui plus est... Je fonds totalement. Mais bref, passons. Etant actuellement une grande fan de la seconde adaptation de la BBC de l'immense fresque familiale et historique qu'est Poldark (douze tomes, quand même !), il me tardait de découvrir la plume de celui qui a su poser toute son imagination historique et romanesque sur le papier, Winston Graham. Alors, qu'en est-il de cette épopée tumultueuse qui vient tout juste de commencer avec ce premier tome ? Mes attentes étaient très hautes au vu d'une histoire extraordinaire... que je connaissais au fond déjà, la renommée de l'auteur l'ayant précédé et ayant inspiré le monde télévisuel. Les vents soufflant sur les sauvages falaises de Cornouailles auront-ils réussi à me transporter une seconde fois ?
Eh bien, à vrai dire... Oui, mais pas tout à fait. Ce que j'ai adoré, c'est que la plume de Winston Graham est très immersive. Elle dépeint à merveille les paysages à la beauté brute et indomptable des Cornouailles, les physionomies des personnages, leur caractère bien affirmé à chacun, leurs états d'âme, leurs sentiments multiples et tourmentés... Tout cela prend vie dans nos esprits et stimule notre imagination bouillonnante. Bref, loin d'être ennuyée par cette incroyable aventure sociale, familiale et sentimentale que la série, exceptionnellement fidèle en tout point ou à peu de choses près, du moins, je ne peux en juger qu'au niveau d'une bonne partie de la saison un pour l'instant, j'ai eu la sensation de revivre le retour de mon cher Ross au bercail et tout ce qui s'en suit de fort mouvementé et palpitant comme si c'était la première fois. Ce qui aurait dû être le cas si j'avais lu le livre en premier. Mais je ne me tracasse plus pour ce genre de questions, donc... Qu'est-ce qui m'a manqué alors ? Je suis sûre que vous connaissez déjà la réponse à cette interrogation : le fameux "je-ne-sais-quoi", cette petite étincelle qui vous démange, ce souffle de magie pure qui vous permet de voir le roman prendre littéralement vie sous vos yeux ébahis. Malgré l'écriture superbe de Winston Graham, qui promet une grande saga enchanteresse qu'il me tarde de lire à mon rythme, c'est cependant la scénariste Debbie Horsfield et l'ensemble de l'équipe de Poldark - remarquable adaptation en mini série de la BBC, qui a réussi à déclencher le "truc" qui m'hypnotise à chaque fois et me met le cœur en émoi.
Ce n'est pas pour jeter des fleurs à la série (Oups. Trop tard. Déjà fait.), et je vais d'ailleurs m'en arrêter là pour cette fioriture d'éloges sur l'adaptation alors que c'est du livre dont je dois vous parler mais, si vous n'aviez QU'UN conseil à retenir de cette chronique, ce serait le suivant : vraiment, lisez les livres ET regardez la série. Ne vous privez pas de ce double plaisir car je peux vous assurer que les deux sont complémentaires et forment le mariage parfait. C'est tellement rare qu'une adaptation, ici télévisuelle, soit si fidèle et surtout sur la même longueur d'onde que les ouvrages d'origine que vous ne pourrez qu'être satisfaits de cette expérience "enrichie". Voilà, c'est tout pour moi. Maintenant, pour les néophytes de Poldark (Sérieusement, qu'est-ce que vous attendez pour vous immerger totalement dans ce chef d'oeuvre ?! Ah, je sais ! Que votre humble servante vous ouvre la marche à suivre, bien sûr.), laissez-moi vous présenter un homme vraiment pas comme les autres, qui ne manquera pas de chambouler votre existence, j'ai nommé le seul, l'unique : Ross Poldark. Il fait définitivement partie de mon panthéon des personnages romanesques qui m'ont marquée d'une pierre blanche. En effet, Ross n'est pas fait du même bois que les autres et a une conscience accrue du monde qui l'entoure : bien que faisant partie de la noble et vénérable famille des Poldark, Ross se sent bien plus proche des mineurs qu'il emploie et se considère comme l'ami de ces gens simples qui, eux au moins, ont une parole d'honneur tout comme lui et dont la dignité n'est pas à vendre comme cela peut être le cas au sein de la classe sociale des bourgeois/aristocrates de la trempe des Poldark, Warleggan, Penvenen et d'autres familles qui régissent la vie politique, juridique, économique, sociale ainsi que le monde du travail à cette époque-là. Autrement dit, ils se placent bien au-dessus du milieu ouvrier, qui trime comme il peut face à tant de privilèges qui ne leur sont pas accordés. Ross sait très bien qu'il faut brosser ces individus (ceux des familles implantées et de celles "nouveaux riches") dans le sens du poil afin d'obtenir un semblant de justice et de lucidité de leur part. La seule fois où il va faire preuve d'une honnêteté cassante mais nécessaire envers ses pairs qui ne jurent que par et qui n'entendent que l'hypocrisie, Ross va le regretter amèrement. J'admire profondément et sincèrement ce personnage qui, certes, va faire des erreurs, dont je n'approuve pas forcément tous les choix et les opinions, mais qui les assume jusqu'au bout et sait reconnaître ses faiblesses, ses manquements et qu'il peut avoir tort. Malgré le vilain tour que lui a joué le destin, en lui dérobant son père et sa bien-aimée fiancée, Ross ne va pas se laisser abattre, va garder courageusement sa rancune en lui et ne pas en blâmer sa famille (alors qu'il le pourrait) et va tout mettre en œuvre pour que l'héritage de son père renaisse de ses cendres et pour assurer à ses braves ouvriers leur pitance et un toit sous lequel faire vivre leur famille. Ross est un homme au fort tempérament, qui apprécie la franchise plus que tout autre chose. C'est quelqu'un de profondément bon et généreux, malgré sa personnalité complexe et son impétuosité, rendues à merveille par la fougue d'un de mes acteurs favoris, le saisissant Aidan Turner. J'aime infiniment ce personnage à la balafre hypnotique qui descend le long de son visage, à la beauté singulière et magnifique, qui ne veut absolument pas, sous aucun prétexte, se laisser corrompre et manipuler, et qui se bat constamment pour rester fidèle à lui-même dans un monde de loups mangeurs d'agneaux, qui n'a pas de principes ni de compassion. Je l'aime du plus profond de mon petit cœur débordant de tendresse pour lui.
Concernant son pendant féminin, Demelza, si j'ai bien reconnu sa personnalité douce, apaisante, pacifique, qui sait cependant s'enflammer pour les causes qui lui tiennent à cœur, qui lui semblent justes, et la détermination inébranlable et impressionnante qui l'anime alors, là où je m'attendais à faire face à la beauté flamboyante et superbe d'Eleanor Tomlinson, si la silhouette de Demelza est toujours fluette et gracile, bien que celle-ci doute sérieusement de sa beauté et de son influence alors qu'elle ne le devrait pas, ses cheveux se sont révélés être en réalité une tignasse noire comme le corbeau et ses yeux assortis, tels deux puits sans fond envoûtants, à l'éclat néanmoins d'une pierre précieuse. Cette description physique m'a fortement troublée, pour une raison bête comme chou : elle correspondait en tout point à celle de ma mère. J'y ai vu un peu naïvement un hommage à ma maman adorée de la part de l'auteur. C'est stupide, je sais. A tel point que je commence à douter de si les yeux de Demelza n'avaient pas toujours été bleus finalement, et non noirs comme les beaux yeux de la mama. Mais pour ce qui est de la chevelure, je suis formelle. Et, après tout, ce n'est pas le seul point commun qu'elles partagent : toutes les deux sont promptes à agir, sans arrière-pensée aucune, afin de changer ce qui ne va pas dans ce monde de brutes et d'assurer le bonheur d'autrui. Grâce à son jeune âge et à sa capacité de s'émerveiller de tout, Demelza a le cœur empreint d'une innocence touchante, qui l'amène à avoir un raisonnement somme toute très simple mais tout aussi fort et authentique sur les choses fondamentales de la vie. Par exemple, si deux êtres s'aiment d'un amour sincère, pourquoi cela gênerait-il les autres ? Par souci d'ego ? De fierté ? D'orgueil incapable de pardonner ou de demander pardon à l'offensé ? Ce sont tous ces sentiments néfastes qui étouffent les Poldark, là où Demelza, la petite nouvelle au sein de cette famille tourmentée et sacrément rancunière, n'est que gentillesse, écoute, compréhension et tolérance. Demelza ne veut aucun mal, simplement l'harmonie et la bonne entente entre tous, et je la respecte profondément pour cela. Ce qui a pu légèrement m'agacer par moments chez elle, c'est sa tendance à trop s'inquiéter du regard que les autres, autrement dit sa nouvelle famille et classe sociale, portent sur elle. Je trouvais qu'elle s'en souciait bien trop et tenait trop à leur plaire, alors qu'ils ne valent certainement pas mieux qu'elle, servante soustraite au petit peuple, bien au contraire. Mais cela peut aisément se comprendre après tout, cette envie d'être acceptée et approuvée par tous : Demelza n'est qu'une toute jeune femme, qui en a vu des vertes et des pas mûres, et a échappé à son enfance violentée grâce à toute la force de sa volonté et aussi grâce à un ange gardien impromptu prénommé Ross. Les gorges étranglées par leur jalousie et leur malveillance en ont vite fait de jaser et de juger la pauvre enfant sans la connaître. Dans un monde aussi hostile et fait de faux semblants, il devient alors aisé pour Demelza de se sentir déboussolée et de se déprécier. Heureusement que Ross est là pour lui rappeler qu'elle est bien au-dessus de tous ces mécréants et que ce petit bout de femme qu'elle est a lui aussi une sacrée force de caractère.
Pour ce qui est de la famille de Ross, les fameux, que dis-je, les légendaires Poldark, nous ne sommes pas non plus en reste ! Mon membre préféré de cette tumultueuse famille, en dehors de mon Ross chéri bien sûr, est incontestablement Verity, la colonne vertébrale de la famille. Cette jeune femme est juste extraordinaire. L'incarnation même de l'abnégation. Verity ne cesse de penser aux autres avant de penser à elle-même, elle fait toujours passer le bien-être de sa famille avant le sien et, sans elle, on sent bien que le somptueux domaine familial de Trenwith part à vau-l'eau, comme si son étincelle de vie et de joie l'avait quitté. En effet, alors que Verity va enfin vouloir poursuivre son rêve d'amour et décider de sa vie de femme indépendante, libre et heureuse auprès de l'homme qu'elle aime, de son côté, sa famille est totalement déboussolée et presque prête à lui mettre des bâtons dans les roues au départ ! Il faut dire qu'elle avait bien l'habitude de se reposer sur la petite Verity pour s'occuper de tout ce qui n'allait pas ! Heureusement que cette dernière peut compter sur son cher cousin et sur sa nouvelle cousine, enfin, plus une sœur à ses yeux et pour son cœur, Demelza. J'ai été très touchée par la grande complicité qu'elle partage avec l'un et par la profonde et sincère affection qu'elle éprouve pour l'autre. Verity est vraiment un personnage formidable, qui mérite d'avoir ce qu'il veut dans la vie. Pour ce qui est du reste de la maisonnée, je n'ai jamais trop apprécié le personnage du patriarche, Charles Poldark, qui ne m'est que peu sympathique. Mais je dois reconnaître que sa mort a un impact considérable sur la vie des habitants de Trenwith, comme si cela sonnait le glas d'une existence passée en ses murs et le début d'une nouvelle ère. Et quelle nouvelle ère ce sera... Bref, la mort de Charles ne peut que nous ébranler, qu'on le veuille ou non, qu'on aime ce dernier ou non. Cependant, s'il y a bien un personnage plus borné que son imposant père, c'est sans conteste celui de Francis. Le frère de Verity et cousin de Ross est celui qui incarne le mieux la rancune pugnace des Poldark. Drapé dans sa ridicule fierté de mâle Poldark, Francis est loin d'avoir le pardon facile. Et pour ce qui est d'admettre ses torts, n'en parlons même pas ! Je pense que, ce qui lui permet de canaliser sa colère injustifiée, c'est la sérénité que lui procure sa splendide femme, Elizabeth. Au début, celle-ci était une véritable énigme pour moi : comment peut-on préférer Francis à Ross ? Sérieusement ? Cela me paraissait impensable, un choix pareil. Et puis, je la voyais un peu comme la sorcière qui avait réussi à diviser deux cousins qui se considéraient comme des frères depuis l'enfance...alors qu'elle n'est en réalité coupable de rien ! Si ce n'est d'avoir trouvé en son cœur de la place pour deux êtres à la fois si proches et si différents. Honnêtement, alors que je ne supporte pas les triangles amoureux d'habitude, je le peux concevoir, et je viens de faire un grand pas en avant ! Elizabeth est à mes yeux juste une jeune femme courageuse qui essaye d'être une bonne épouse et une bonne mère et d'étouffer les sentiments qu'elle a pu éprouver pour son premier amour, qui appartient désormais à une autre, afin d'assurer la bonne entente entre les différents membres de sa famille par alliance. Tout comme Demelza et Verity, Elizabeth est une pacificatrice, et j'adore ce trio de femmes belles à l'intérieur comme à l'extérieur et si fortes. Enfin, j'aurais voulu en voir plus de la géniale tante Agatha. J'adore cette vieille dame très touchante, qui a vu des générations de Poldark grandir et se succéder au sein de la demeure de Trenwith, et son franc-parler juste excellent. Tante Agatha, c'est un peu l'âme de Trenwith en somme ! C'est simple, il me faut plus d'Agatha dans le prochain tome, je l'exige !
Au niveau des petites différences que j'ai pu repérer par rapport à ce qui m'était déjà familier, j'ai été tout d'abord surprise d'entrée de jeu par le prologue, où l'on fait la connaissance de Joshua Poldark, le père de Ross. Si j'étais déjà habituée au fait qu'il soit fréquemment mentionné au cours de l'histoire, je ne m'attendais cependant pas à le rencontrer en chair et en os. Ou plutôt, fait d'encre et de papier... En tout cas, on voit bien de qui le fils tient. je suis très heureuse d'avoir pu passer un moment avec Joshua Poldark, même si ce fût malheureusement bien trop court à mon goût. Ce qui me rend le plus triste, c'est que j'ai bien l'impression que Joshua s'est fait rouler dans la farine par son propre frère, Charles. Voilà un mystère à élucider par la suite, même si on en saisit immédiatement les tenants et aboutissants, à bien y réfléchir. Quoique, il serait fort probable que Charles ait commis quelques magouilles dans le dos de son frère. Affaire à suivre... En tout cas, j'espère que Winston Graham nous proposera quelques flashbacks concernant ce bon Joshua et sa femme Grace, qui m'avait l'air d'être une personne remarquable. Parce que, à part quelques réminiscences de Ross, on a fort peu à se mettre sous la dent. Et puis, je trouve qu'il est important d'en apprendre sur le passé afin de mieux éclaircir le présent. Je regrette également que le personnage du docteur Enys soit si effacé dans les livres, du moins pour le moment. Nouvel arrivant en cette partie des Cornouailles, le charmant petit village de Sawle, Dennis Enys (je ne m'y fais pas à cette rime, je préfère largement le prénom Dwight choisi dans la série) est un très bon médecin, passionné et impliqué dans tout ce qu'il fait, plaçant son métier et la santé de ses patients avant toute chose. Je place ainsi ce personnage haut dans mon estime, même si j'aurais aimé qu'il soit plus présent et "vivant". Comment l'expliquer... ? Surtout, ce qui m'a manquée, c'est que, dans la mini-série, ils ont fait en sorte que Ross et Enys se connaissent déjà lorsqu'ils se retrouvent en Cornouailles. En effet, ces deux personnages ont vécu leur expérience de la guerre d'Indépendance ensemble, en Amérique, et cela rend leur amitié encore plus forte et indestructible. Malgré cette absence de lien déjà noué dans les livres, on sent déjà que cette amitié naissante entre les deux hommes est telle une évidence et ne peut que grandir et se renforcer au fil des tomes. Je ne m'inquiète pas là-dessus.
Enfin, c'est le personnage de George Warleggan qui m'a réservé ma dernière surprise. Antagoniste notoire de cette histoire, ennemi juré de Ross (enfin, c'est lui-même qui s'est implanté ça tout seul dans le ciboulot...), j'ai été agréablement surprise par... son absence. De méchanceté. Dans ce premier tome, on prendrait presque George en sympathie : c'est un gentleman raffiné, courtois, qui ne cherche pas à faire de vagues, simplement à assurer la pérennité des affaires de sa famille nouvellement anoblie, si on compare à l'ancienneté et au prestige de celle des Poldark... Mais ne vous y trompez pas : Winston Graham nous introduit intelligemment George Warleggan comme étant le loup dans la bergerie. Disons plutôt que, pour l'instant, George se tapit encore avec son ressentiment et toute sa haine dans sa tanière. Cependant, on sait tous ce qu'il en est. Quel dommage... J'ai été étonnée aussi que Jud et Prudie, les vieux serviteurs de Joshua puis de Ross, n'aient pas fait plus de grabuge que ça. Je les aime bien ces deux-là, malgré leur fainéantise, leur comportement de drama queen et toutes les inquiétudes qu'ils peuvent causer à Ross et à Demelza. Nampara, ce n'est pas pareil sans eux. Et puis, j'ai eu droit à mon "It ain't fair, it ain't right, it ain't proper !", héhé ! J'ai un amour incommensurable pour cette phrase culte. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi !
Pour conclure, je ne peux que vous encourager à vous lancer dans cette aventure littéraire qui promet d'être aussi passionnante que périlleuse, non au niveau de l'écriture, qui est très fluide et qui nous embarque immédiatement dans les étendues éternelles des Cornouailles, mais au niveau de tout ce que nos personnages vont devoir affronter. Et je tiens à vous prévenir : vous n'êtes pas prêts pour ce qui va suivre. Cependant, vous devez vous y plonger la tête la première si vous ne voulez pas passer à côté d'une histoire terriblement romanesque et grandiose. Regardez également la mini-série de la BBC, cela vous fera vivre une expérience d'autant plus enrichie et captivante. Je n'ai pas vu le premier feuilleton télévisé produit par la BBC dans les années soixante-dix, du vivant de l'auteur donc, mais, si je tombe dessus un jour, je ne manquerai pas de le visionner et de vous en parler comme il se doit ! Vous pouvez compter sur moi. En attendant, si vous aimez les romances historiques qui vous saisissent le cœur et vous bouleversent l'âme, si vous aimez les cœurs en émoi, en proie à de vives émotions contradictoires et les âmes tourmentées, si vous tremblez de bonheur à l'idée de suivre sur des générations une histoire familiale mouvementée et assombrie de moments noirs mais aussi bénie d'instants à marquer d'une pierre blanche ; enfin, si rien ne vous fait plus plaisir que d'assister à l'émergence d'une rivalité légendaire, extrêmement sombre et fascinante, alors la saga des Poldark ne pourra que vous exalter et vous combler de palpitant. Pour ma part, je ne suis pas prête d'oublier ce ténébreux cavalier à la balafre au visage qui s'imprime sur votre rétine et dans votre mémoire sur son destrier dévalant la falaise qui surplombe les eaux troubles des Cornwall et de son cœur. Moi, en tout cas, je le reconnaîtrais entre mille, mon fringant et sublime capitaine, ainsi que cette silhouette maligne qui se cache dans les tréfonds de cette forêt verdoyante et amoureuse également de la nuit et qui n'attend qu'une chose : faire sombrer son ennemi...
Coucou les amis ! Aujourd'hui, je vous retrouve pour la chronique du tome deux de la saga des Poldark, Au-delà de la tempête. Pour commencer, je tiens à remercier du fond du cœur les éditions l'Archipel pour ce superbe envoi ainsi que pour leur patience. Je prends un véritable plaisir à redécouvrir l'histoire mouvementée et extraordinaire de cette incroyable dynastie familiale en français et par le biais des livres originels grâce à eux et je leur en suis extrêmement reconnaissante. Cependant, je ne vais pas vous mentir : pour le moment, si je ne devais vous conseiller qu'un seul format pour découvrir cette bouleversante aventure qui nous fait voyager dans le temps et dans l'espace, ce serait le format télévisuel. Explications.
Je ne vous cache pas que je suis ressortie effectivement assez confuse de ma lecture. Le livre se lit extrêmement bien et toutes les scènes et révélations que je connaissais déjà grâce à l'adaptation de la BBC, je les ai retrouvées ici. A peu de choses près, le livre et sa version télévisée sont tels des miroirs l'un de l'autre. Seulement, celui de la saga livresque me renvoie un reflet beaucoup plus flou que celui de son homologue télévisuel, qui est bien plus net de son côté.
Je m'en vais de ce pas vous donner des exemples concrets. En premier lieu, le découpage de la série et des livres ne semblent pas être les mêmes. En effet, la saison un de la série BBC s'achevait sur un événement d'une importance cruciale qui se produit dans la vie de notre fougueux Ross et de sa tendre moitié. Dans les romans, ce tournant décisif dans la vie de notre merveilleux couple a justement lieu au tout début de ce second tome. Je le sentais déjà mal en constatant que le premier livre ne se concluait pas sur cet épisode mais, pour le coup, j'ai été choquée de voir à quel point cela a été traité au-dessus de la jambe par l'auteur. Excusez-moi pour cette expression somme toute assez familière mais, là où la série a su faire survenir cet épisode tragique au bon moment et lui accorder toute l'importance et la gravité qu'il mérite, en le transformant par la même occasion en un cliffhanger insoutenable de grande qualité, non seulement Winston Graham place cette occurrence funèbre au mauvais moment, si jamais on peut parler de "bon" ou de "mauvais" moment pour une telle circonstance, mais en plus, envoyé, c'est plié, il n'en fait pas plus de cas que cela, au point qu'en quelques lignes, le drame est déjà passé et on en vient à se demander si cela a véritablement eu lieu ou non. C'est comme un mirage alors que cela devrait être un point d'encrage émotionnel hautement symbolique. Cette perte va en effet changer bien des choses dans la vie de notre couple phare et je trouve que l'auteur a sous-estimé ce fait pourtant évident de façon presque insultante. Je me rends compte que je peux me montrer assez virulente et sèche dans mon propos, et j'exagère sûrement un peu, mais quand même, cette absence flagrante de sentiments m'a passablement sidérée, même pour une intrigue censée se passer au dix-huitième siècle, et il fallait donc que je le souligne dans ma chronique, c'était obligé.
Un autre exemple somme toute parlant de ce que j'énonce : la naissance et l'évolution de la relation entre Dennis - que j'appelle toujours Dwight dans ma tête, c'est plus fort que moi - et Caroline, nouveau personnage principal auquel je me suis immédiatement attachée ici, alors que dans la série, m^es premières impressions n'étaient pas aussi encourageantes, pour une fois (même si l'actrice Gabriella Wilde est juste magnifique et très talentueuse), et introduit dans Au-delà de la tempête. D'ailleurs, au passage, je tiens à préciser que je trouve cela particulièrement amusant que ce tome se nomme ainsi car la tempête est en réalité loin d'être passée. Le pire reste à venir... Cependant, je ne vous en dis pas plus, il faudra que vous le découvriez par vous-même. Moi, sadique, vraiment ? Je ne vois pas de quoi vous parlez... Mais bref, passons. Si j'ai trouvé que le rythme de leurs rencontres et échanges verbaux absolument délicieux étaient déjà bien mieux gérés, je ne suis cependant toujours pas très convaincue. Là où dans la série, malgré les nombreuses ellipses, cela restait très cohérent et bien plus développé, dans le livre, cela va beaucoup trop vite pour que cela en soit crédible. Je dirais que c'est le principal problème de cette saga littéraire pour l'instant : on ne prend pas assez le temps de s'arrêter sur ce qui compte vraiment, de creuser plus que ça ce qui mériterait de l'être. Même la relation extrêmement puissante et fragilisée en début d'ouvrage de Francis et Ross ne m'a pas parue être si transcendante que ça alors que la série avait réussi à me tirer des larmes à propos de ces deux-là. Quand même, il s'agit des deux cousins Poldark, réputés pour leur impétuosité et leur façon d'aimer extrêmement violente et sans concession, cela est avoué par Ross lui-même au cours d'un dialogue avec sa superbe Demelza - qui elle par contre ne me déçoit jamais, malgré les vents et les tempêtes qui traversent son existence, c'est le cas de le dire - et pourtant, on a l'impression qu'ils ont tous les deux la capacité émotionnelle d'une petite cuillère (qu'est-ce que j'aime cette citation d'Hermione ♥ - rien à voir avec la choucroute, mais bon, je me devais de la placer ici) ! C'est un comble ça, quand même !
Et je vais en rajouter encore une couche : même pour ce qui est de la rivalité entre Ross et George, on passe d'un rapport certes extrêmement froid mais qui reste respectueux à « Vas y que je te balance en bas des escaliers ! » (j'ai franchement bien ri à ce moment-là du récit). J'aurais tout de même aimé que l'auteur explicite un peu plus les raisons pour lesquelles la famille Warleggan tient autant à s'accaparer les comptes bancaires de Ross, ce qui motive cette inimitié vorace qui n'en a (presque) plus de limites.
Un autre détail que j'ai aussi remarqué (là, il s'agit de ma pure analyse personnelle, un petit plaisir que je me suis accordée) : dans la série, Demelza, Elizabeth et Caroline ont trois couleurs de cheveux différentes - roux, châtain foncé et blond. Je trouvais cela très intelligent car chaque couleur correspond à une classe sociale, à une histoire et à un état d'esprit. En effet, le roux symbolise la flamme, la révolte, le changement, la provocation, et, en tant que fille de mineur qui s'élève socialement et fait fi des conventions, la douce mais robuste et déterminée Demelza ne pouvait qu'arborer une telle crinière grâce à la ravissante Eleanor Tomlinson. Elizabeth, quant à elle, sous les traits de la sublime Heida Reed, a les cheveux châtain clair qui tirent résolument sur le châtain foncé. Issue d'une des familles les plus anciennes et respectables des Cornouailles, les Chynoweth, Elizabeth est censée être l'incarnation même de l'élégance et de l'obéissance due aux aînés, à cette société patriarcale très rigide. Cependant, la "noirceur" de ces cheveux, plus foncés par rapport à la carnation très claire de sa peau, révèle à mes yeux les désirs inavouables de son cœur, sa lutte intérieure face à un monde qui l'oppresse et l'empêche d'être pleinement elle-même et d'assumer ses sentiments. Quant à Caroline, aux cheveux blond très clair, elle représente cette aristocratie presque immaculée, d'un prestige incomparable. Sa beauté d'ange vous en ferait presque baisser les yeux. Mais Caroline, vous le comprendrez très vite, cache bien son jeu et est en effet bien plus qu'une simple poupée de porcelaine gracile et un chouïa mutine. Elle ne subit pas sa destinée comme Elizabeth, elle la vit. Au départ, j'en voulais à l'auteur des livres car il bouleversait tous mes repères et mes précieuses convictions : dans les romans, les couleurs changent de tête - Demelza se fait brune, Elizabeth blonde et Caroline rousse. In fine, j'en ai tiré des conclusions très intéressantes également : Demelza a des cheveux noirs comme le corbeau. Normal vu qu'elle est tel cet animal d'anthologie hautement indésiré. On lui fait sans cesse comprendre qu'elle n'a pas sa place auprès de son si cher époux, qu'elle ferait mieux de retourner à la terre, qui est son élément de prédilection, étant née des abysses de la mine et de la misère. Selon moi, la couleur noire symbolise en réalité le diamant brut qu'est Demelza, qui s'est toujours salie les mains et qui a subi les pires crasses depuis sa naissance, que ce soit de la part de ses proches ou de la haute société qu'elle a intégrée par alliance. Là où ne voit que de la mauvaise engeance, Demelza vaut à mes yeux bien plus que tous les pédants nobles qu'elle côtoie malgré elle, et c'est là sa véritable richesse. La blondeur d'Elizabeth dans les livres symbolise quant à elle justement la fragilité de cette jeune femme, sa beauté d'une perfection telle qu'elle en deviendrait presque inhumaine, cette distance entre cet objet de la société de l'époque et la véritable âme qui l'anime et qui est retenue prisonnière d'un corps traître, d'apparences qui ne lui rendent pas service. Pour ce qui est de Caroline, la rousse aux tâches de rousseur, elle devient dans les livres le feu ardent qui ne se laisse pas éteindre par la première remontrance venant de la part d'un de ses deux oncles et tuteurs, William et Ray. Même si Caroline semblerait avoir une apparence naturelle de paysanne, elle est belle et bien une aristocrate qui tient profondément à son statut, à son droit de naissance, mais aussi à sa liberté de penser et d'être. Bref, je pourrais vous bassiner encore des heures avec mes spéculations mais c'est ce qui fait de Poldark un réel bonheur à lire et à visionner : les livres comme la série sont extrêmement riches en interprétations diverses et variées, de fortes significations sont portées par une simple couleur de peau ou de cheveux, un banal vêtement, un geste minime d'un personnage à un autre. Tout est dans le détail et dans la minutie la plus raffinée. C'est ce qui me fait au fond tant aimer cet univers et les messages qui y sont véhiculés.
Pour conclure, je ne peux que vous recommander de vous plonger dans la lecture de la saga des Poldark. Certes, je ressors mitigée de ce second tome, où j'ai retrouvé tous les personnages que j'adore, la même histoire, les mêmes frissons, mais en beaucoup moins intense, en plus fade, presque délavé, et surtout avec une intrigue beaucoup trop précipitée. Je ne sais si c'est le découpage et la plume d'origine qui posent problème ou la traduction française mais une chose est sûre : il y a un hic quelque part. La faute à la plume très lisse et très classique de l'auteur, peut-être... Après tout, les premiers tomes de la saga datent des années quarante, une époque où la prose des écrivains était encore très bridée et où la traduction en français se faisait somme toute très scolaire. Je ne saurais vous dire si c'est cela qui m'a fait ressentir la lecture différemment par rapport au tome un, certes placé plus haut au niveau de l'ancienneté mais qui prend au moins le temps de mettre en place son univers foisonnant de détails et de protagonistes. En tout cas, l'adaptation de la BBC reste pour moi la véritable réussite, le must-see absolu. Néanmoins, je le répète, je continuerai à prendre un grand plaisir à redécouvrir cette palpitante aventure des Cornouailles si chère à mon cœur en format papier grâce aux éditions l'Archipel, que je remercie encore chaleureusement. Il me tarde d'avoir le tome trois entre les mains, dont la première édition française s'intitule par ailleurs Jérémy Poldark. Cela me rend extrêmement curieuse car les enfants de Ross et Demelza sont loin d'avoir un rôle prépondérant dans la série télévisée... Vivement que je retourne à mon second chez-moi qu'est la demeure de Nampara !
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