Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Ecrivaine, poétesse, peintre et sculptrice, Virginia Pésémapéo Bordeleau est aujourd'hui une artiste centrale de la culture autochtone canadienne. Née d'un père québécois et d'une mère crie de la communauté de Waswanipi, son oeuvre est imprégnée dès ses débuts par son identité métissée, reflétant une dualité culturelle pleine d'enjeux et de paradoxes que l'on retrouve dans chacune de ses expressions artistiques. Dans L'Amant du lac (Mémoire D encrier), l'autrice québécoise porte toute la liberté et l'érotisme d'un peuple aujourd'hui dépossédé de ses plus grandes richesses.
Alors que les hommes sont partis pour quelque temps du campement, Wabougouni se retrouve seule et enceinte avec sa grand-mère Zagkigan Ikwè et les autres Algonquines au bord du lac Abitibi. C'est alors qu'un étranger fait son apparition. Si certaines se méfient de cet homme, nombreuses sont celles qui admirent sa grande beauté. Gabriel, métis, ne parle pas l'algonquin et reste lui aussi bouche bée devant le physique troublant de Wabougouni dont la longue chevelure rousse la distingue des autres. Cette attirance réciproque, mêlant violence, extase et sensualité, tisse une histoire d'amour au coeur même de la découverte des corps.
L'Amant du lac est considéré comme le premier roman érotique écrit par une auteure autochtone du Québec. Un choix qui, d'emblée, pose quelques complications grammaticales puisque la langue de l'autrice ne distingue pas les genres féminin et masculin. Explorer l'amour et la sensualité revient alors à passer par d'autres prismes, amener la passion par ce que l'on suggère et ce que l'on perçoit. C'est également s'imaginer, au-delà de la forme textuelle, ce qu'était la liberté érotique, celle d'aimer et d'être aimé, chez les Premières Nations avant les pensionnats autochtones et les abus sur les enfants. Une époque, comme l'évoque l'autrice, « où il était possible de vivre libre dans une nature vierge et grandiose » . Ainsi Virginia Pésémapéo Bordeleau fait cela, inscrire avec une force poétique immense l'histoire d'amour de deux êtres que l'Histoire chahute, tout en gardant intacte la beauté de l'inattendu et l'innocence des ressentis : « Nous ne sommes pas que souffrance, que victimes : nous pouvons aussi être plaisir, exultation des corps, des coeurs. Amours » .
Ce second roman de l'écrivaine paru il y a maintenant quatorze ans conserve un charme immuable et intemporel grâce aux relations entre ses personnages et les légendes ancestrales lyriquement amenées. Dès les premières pages, la violence est pourtant palpable, le lecteur est secoué par l'adolescence de Zagkigan Ikwè, la « Femme du lac » et grand-mère de Wabougouni agressée sexuellement par un prêtre. La douleur l'aurait menée à jeter un sort à son agresseur et le lac Abitibi, amoureux de la jeune fille, aurait satisfait sa vengeance en noyant le religieux : « Les légendes naissent ainsi, dans le giron des histoires inventées pour raconter ce qui ne devrait pas exister. Des gestes dont même l'origine devrait être effacée » . L'Amant du lac compose inlassablement avec cette nature luxuriante capable du pire comme du meilleur, indomptable et imprévisible mais aussi mystique et secrète. L'écrivaine joue avec les métaphores, créant un rythme de lecture en harmonie avec les éléments, introduisant de nouvelles sonorités, et illustrant également magnifiquement certaines pages de ses croquis.
Zagkigan Ikwè projette sur les épaules de sa petite-fille Wabougouni ses propres rêves avortés et étouffés par son viol, celui de vivre l'amour intensément avec un homme et connaître la puissance d'une attirance charnelle absolue. Vivre libre : une vengeance secrète contre cet homme de foi tyrannique ainsi qu'une religion répressives face aux traditions autochtones. Les scènes d'amour entre le jeune métis et Wabougouni sont puissantes, visuelles, tumultueuses, aussi furieuses que les eaux du lac. Une union qui prend vie alors que la Seconde Guerre mondiale embrase l'Europe et que Gabriel, comme de nombreux Canadiens, se prépare à s'engager dans le conflit. Ce roman réveille les consciences sur une vie révolue, mais dont les ramifications et les répercutions continuent de nous atteindre aujourd'hui.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !