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Elles nous nourrissent, nous habillent, nous soignent ou encore nous permettent de nous déplacer. « Elles », ce sont bien sûr les graines qui sont au centre du très beau livre écrit par le scientifique Thor Hanson, Le triomphe des graines, paru chez Buchet Chastel. Un sujet idéal pour célébrer l’arrivée du printemps !
S’attaquer au sujet des graines est loin d’être un thème aisé. En effet, c’est un domaine très vaste et le risque est de tomber rapidement dans un traité de botanique, peu accessible au grand public, ou à l’inverse dans un ouvrage de vulgarisation qui ne saurait refléter la complexité du thème. C’est le premier mérite du livre de réussir à réunir ces deux aspects.
Pour ce faire, Thor Hanson nous fait rentrer dans chaque sous-chapitre par une petite porte, une anecdote, avant d’élargir son propos. Il s’agit par exemple d’une barre de céréales, sa madeleine de Proust, à partir de laquelle il évoque les ingrédients : la noix de coco, l’amande, le maïs, la gomme de guar. Ou de façon plus inattendue de l’assassinat d’un dissident bulgare à l’aide d’un parapluie projetant du poison (qui n’est autre que la ricine, extraite de l’huile de ricin). On entre vite dans le sujet, et l’auteur en profite alors pour nous en parler plus en détail.
Le second mérite tient en la structure du livre, très claire : Le triomphe des graines est divisé en 5 parties, selon la fonction (les graines nourrissent / s’unissent / résistent / se défendent / voyagent), ce qui permet au lecteur de garder le fil du message et de la lecture. Pour chaque thème, deux voire trois exemples illustrent le propos, par exemple :
• les graines se défendent : il évoque les piments dont les alcaloïdes permettent de résister aux agresseurs. Ainsi, dans des environnements humides, où il y a davantage de champignons et d’insectes, les piments sont plus forts. Un autre alcaloïde est la caféine du caféier qui permet à ce dernier de repousser les insectes.
Toujours dans le domaine de la défense, nous assistons parfois à une course poursuite dans l’évolution des plantes et des animaux qui les mangent. C’est le cas des rongeurs et des noyers :
« En fait, n’importe quelle spécificité susceptible d’allonger le temps de manipulation devient un avantage, raison pour laquelle, probablement, les noix (du noyer) ont cette forme de cerveau entortillé, si difficile à extraire en un seul morceau. Les rongeurs, de leur côté, ont développé non seulement des dents ultrarésistantes, mais des abajoues de grande capacité permettant de transporter de nombreuses graines d’un coup, ainsi que le don mystérieux de sentir, pour mieux les écarter sans avoir besoin d’y goûter, celles qui sont malades ou infestées de vers. »
• les graines voyagent : le côté charnu des fruits est une méthode développée par les plantes pour se propager
« Par exemple, une hyène brune assoiffée peut dévorer dix-huit melons Tsamma en une nuit, laissant leurs graines derrière elle sur un rayon qui peut aller jusqu’à 400 km². Des ours bruns font encore mieux avec les myrtilles dont ils engloutissent quelque seize mille baies en une poignée d’heures. Chacune contenant en moyenne trente-trois graines, un plantigrade affamé peut en disperser plus d’un demi-million par jour. »
Le troisième atout du livre est qu’il ne se borne pas à la graine seule. Quand il parle des céréales, il aborde les régimes alimentaires. Le coton, quant à lui, est traité non seulement pour sa capacité à se propager grâce au halo de poils entourant la graine, mais aussi sous sa dimension historique et son rôle dans le développement économique.
Enfin, il nous donne des clés de compréhension majeure de l’évolution et du fonctionnement de la nature, grâce à des comparaisons imagées (en citant ci-dessous la biologiste Carole Baskin) :
« Je raconte à mes étudiants qu’une graine est un bébé plante, dans une boîte, avec son déjeuner. (…) Une graine contient trois éléments de base : l’embryon de la plante (le bébé), une enveloppe protectrice (la boîte), et un tissu nutritif quelconque (le déjeuner). Typiquement, la boîte s’ouvre au moment de la germination, l’embryon se nourrit du déjeuner tout en projetant vers le bas des racines et vers le haut ses premières feuilles. »
En ayant cette image en tête, on apprend dès lors que l’avocat possède par exemple deux gros cotylédons (ce sont les deux premières feuilles présentes dans la graine), qui contiennent la réserve alimentaire nécessaire pour faire pousser l’arbre dans l’ombre de la forêt tropicale, où la lumière est rare. Et comme il y pleut toujours, l’avocat n’a pas développé de système de « dormance » pour résister aux périodes de sécheresse, à l’opposé des graminées dans nos plaines !
Voilà donc un livre qui rend curieux et intelligent, et nous donne des pistes pour comprendre notre milieu naturel. Une des clés pour mieux le respecter !
https://etsionbouquinait.com/2017/03/14/thor-hanson-le-triomphe-des-graines/
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