"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Avec Léopoldine, un texte assez court, Thierry Consigny navigue entre essai et roman. L’auteur, qui lui-même a perdu un enfant, raconte le drame qui a bouleversé la vie de Victor Hugo. C'était déjà un écrivain reconnu, un poète très célèbre, quand sa fille s’est noyée avec son mari, dans la Seine, près de Villequier.
Victor Hugo est resté trois longues années à ne plus pouvoir écrire. Quand il s’est remis à l’écriture, c'est Léopoldine, toujours vivante dans son cœur, qui l'inspira. Il écrit, alors, ses plus beaux poèmes et ses plus grands romans.
Léopoldine guide tout à la fois ses choix politiques et sa plume. On peut s’interroger sur ce qu’aurait été l’œuvre de Victor Hugo si ce malheur ne l’avait pas frappé. Thierry Consigny fait un parallèle avec ce qu'il a ressenti après la mort dramatique de sa fille.
Faut-il un grand malheur pour faire un génie ? La poésie sauve-t-elle ?
J’aurais aimé que Thierry Consigny cite mieux ses sources. Je me demande s'il n'a pas pris quelques libertés avec la réalité. Par exemple, il omet de préciser que Léopoldine et Charles n’étaient pas seuls sur le bateau. Ont également péri l’oncle de Charles et son fils. Ça ne change absolument rien à l’immense douleur ressentie par Victor Hugo mais moi ça me perturbe. Et je m'interroge sur le crédit que je dois accorder à l'ensemble de l'ouvrage que j'ai, par ailleurs , lu avec beaucoup de plaisir.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2022/08/24/leopoldine-de-thierry-consigny/
#Léopoldine #NetGalleyFrance
Léopoldine Hugo se noie, avec son mari Charles Vacquerie, en 1843. Elle a à peine dix-neuf ans. Fille aînée de Victor et d’Adèle Hugo, sa mort laisse une blessure béante au cœur de l’écrivain qui était en voyage avec sa maîtresse, Juliette, au moment du drame et qui a appris le décès par les journaux.
Durant trois ans, Victor Hugo ne publiera plus rien. Lui, le romancier, auteur de théâtre et poète prolifique, n’écrira pas une ligne. Mais de ces trois années vont naître des chefs d’œuvre comme Les Misérables ou ses poèmes saisissants et ô combien célèbres : “Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin” ; “Demain dès l’aube” ou le si touchant “A Villequier”. Sa conscience politique est, elle aussi, affermie et Hugo devient révolutionnaire.
Mais Victor Hugo ne serait pas Victor Hugo sans ses péripéties amoureuses. Alors que sa relation se poursuit avec Juliette Drouet, il rencontre Léonie Biard quelques semaines après la mort de Léopoldine et entretient avec elle une relation amoureuse passionnée. La jeune femme participe sans doute beaucoup à la renaissance du grand homme et à sa remise au travail !
Thierry Consigny explore ici la thématique du deuil et la perte d’un enfant. Lui-même touché par ce drame, il met en parallèle l’immense tristesse et le sentiment d’injustice qui habite le père frappé par la perte et l’incommensurable énergie de l’homme public et de l’écrivain qui l’entraîne à se lancer dans l’œuvre titanesque des Misérables, à écrire des poèmes remarquables sur son drame, à s’engager en politique et à vivre ses passions amoureuses avec gourmandise.
Cela met en lumière, comme souvent à propos de Victor Hugo, toutes les contradictions de cet homme boulimique de travail et de femmes et pourtant irrémédiablement attaché à sa vie de famille. Pour qui est familier du travail et de la vie de l’illustre écrivain, on n’apprendra pas grand-chose de nouveau. Mais c’est l’angle choisi qui est ici inédit. On peut en effet se demander si ce drame n’était pas arrivé, si l’œuvre aurait été la même. Probablement pas. Si les engagements auraient été les mêmes, conduisant Victor Hugo à l’exil à Guernesey. Peut-être que oui.
En filigrane, Thierry Consigny nous fait aussi partager son propre deuil, la mort de Léopoldine devenant une manière moins frontale de dire sa propre douleur face au décès de sa petite Lara. C’est un récit très touchant qui met le doigt sur la relation étroite entre l’intime et l’œuvre et sur cette espérance qu’à travers la mort, ceux qui nous ont quitté restent un peu présents auprès de nous. Ce qui conduira Victor Hugo à avoir recours aux tables tournantes lors de son séjour à Jersey. Mais ceci est une autre histoire...
On ne présente pas Léopoldine. Le prénom est depuis longtemps associé au grand écrivain, que la mort de sa fille anéantit, avant de lui inspirer un souffle romantique sublime.
L’auteur revient sur les circonstances de cette mort tragique, que l’auteur met en parallèle avec le décès de sa propre fille, ce qui lui confère une légitimité dans la genèse d’un chagrin immense et infini. Le deuil de deux pères que rien ne peut consoler.
Mais Juliette Drouet est là, illégitime mais présente, insatiable correctrice et muse du romancier volage. Le texte n’ignore pas ces faits : Hugo multipliait les conquêtes, au vu et au su de tout son entourage. Son épouse légitime, Adèle, semble ne pas s’en offenser, assez encline elle-même à ne pas suivre à la lettre les termes du contrat. Juliette a un peu plus de mal quand, petite main pour relire les écrits jetés d’un trait sur le papier, Victor s’affiche avec Léonie. Il sera même rival de son propre fils pour les beaux yeux d’Alice Ozy.
Pas de jugement moral dans ce texte : il s’agit surtout de faire le parallèle entre l’immense douleur qui l’accable et malgré tout une nouvelle énergie, après trois ans de marasme, et l’émergence du monumental roman-phare Les Misérables.
La douleur comme inspiration, c’est le thème central de ce récit, qui fait la part belle à un certain nombre de sublimes poèmes, dont le Demain dès l’aube.
Ce récit poétique est aussi un hommage à l’écrivain universellement connu, un portrait qui met en lumière les contradictions inouïes de cet homme, qui multiplie liaisons mais défend les femmes avec toute la conviction dont il est capable.
198 pages Grasset 11 mai 2022
#Léopoldine #NetGalleyFrance
Si j’avais eu une fille, elle se serait appelée Léopoldine, prénom doux et peu commun. Je n’ai pas eu de fille, mais ce prénom résonne toujours en moi.
Ce titre ne pouvait donc que m’attirer.
De Léopoldine Hugo, je savais juste qu’elle était morte jeune, noyée lors d’une promenade en barque.
Cette lecture m’a fait comprendre combien cette mort avait été importante pour son père écrivain. Vous allez me dire : normal, c’est son père.
Mais j’ignorais que, suite au décès de la jeune femme, Victor n’a rien écrit pendant 3 ans. Et quand il reprend la plume, c’est pour défendre les plus vulnérables.
Car où qu’elle soit, sa fille le regarde. J’ai aimé ce leitmotiv du portrait de Léopoldine qui regarde son père depuis le guéridon ou le mur, avec des expressions différentes en fonction des moments.
J’ai aimé la façon dont l’auteur parle de la poésie qui, a ses yeux, est plus que de la poésie : elle est également politique.
L’auteur ayant lui aussi perdu sa fille Lara âgée de 4 ans, le sujet de son ouvrage a une résonance personnelle
J’ai aimé les longues citations de certains poèmes de Hugo, mais j’ai refermé ce livre en me demandant quel était son but.
Quelques citations :
La poésie n’est pas de la décoration. L’âme n’est pas un supplément.
Les premiers de cordée tiendraient légitimement leur rôle dans un monde aussi peu spirituel qu’eux-mêmes. Mais Hugo sait que c’est faux, que le vrai monde réel n’est pas le leur. Léopoldine le lui a dit, la vérité n’est pas matérielle. La matière même, la physique quantique l’a révélé, comporte une part immatérielle irréductible.
Notre vrai sujet commun aujourd’hui, le sujet politique, le seul, est la matière, l’enrichissement matériel. Et nos seuls maîtres légitimes sont les champions de cet enrichissement-là.
L’image que je retiendrai :
Celle de la robe de Léopoldine accrochée sous l’eau et que son mari n’arrive pas à décrocher.
https://alexmotamots.fr/leopoldine-thierry-consigny/
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