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J'associe toujours mon rapport à la lecture à un cheminement, une succession d'étapes qu'il faut suivre scrupuleusement. Dans mon esprit, certaines œuvres - telle que "L'edda" de Snorri Sturluson - ne révèlent leur complexité, leur beauté que si l'on a au préalable balisé le chemin avec d'autres lectures moins exigeantes.
Malgré celles-ci, j'étais un peu intimidé à l'idée d'entamer la lecture, car je pensais ne pas être suffisamment armé pour apprécier comme il se doit cet ouvrage historique qui date du XIIIe siècle. Je me trompais bien entendu, car non seulement le livre d'Arthur Cotterell m'avait donné un aperçu plus qu'exhaustif de la mythologie nordique, mais, de plus, la langue utilisée est étonnamment accessible.
La traduction proposée par François-Xavier Dillmann n'est pas celle de "L'Edda" dans son intégralité, mais uniquement des parties du texte en prose. L'œuvre compte à l'origine trois parties - La Gylfaginning, les Skaldskaparmal et le Hattatal - mais seules la quasi-totalité du premier et les parties en proses de la seconde nous sont restituées. Pour l'anecdote, François-Xavier Dillmann a reçu en 1991 pour son travail le Prix de la Traduction décerné par la Société Française des Traducteurs. N'ayant aucune connaissance du vieux norrois, il nous est difficile en tant que lecteur de juger de la qualité de cette dernière même si, grâce aux nombreuses notes, nous pouvons effleurer l'immensité et la technicité de la tâche. Cette traduction a, en effet, été faite à partir de cinq manuscrits - dont certains incomplets - détenus entre autres par la Bibliothèque royale de Copenhague ou la Bibliothèque universitaire d'Utrecht.
Et pour ce qui est du contenu ? Dans la Gylfaginning, le roi Gylfi se fait abuser par Gefion, déesse de la race des Ases, déguisée en vagabonde qui lui enlève, par la ruse, une partie de ses terres. Versé dans la magie et impressionné par la "science" des Ases, le roi se déguise en vieillard, change de nom et se met en route vers Asgard où il rencontre trois hommes, assis sur trois trônes. Commence alors un dialogue dans lequel seront passés en revue les grands principes de la mythologie nordique, de la présentation des Dieux à leurs faits d'armes en passant par la naissance des astres jusqu'au crépuscule des Dieux, plus connu sous le nom de Ragnarok. À l'issue de cette première partie, vous saurez tout ce qu'il y a à savoir sur Thor, Odin ou Freya, le loup Fenrir, le serpent de Midgard, sur l'arbre de vie Yggdrasil ou sur l'origine de Sleipnir, le cheval à huit pattes d'Odin.
Si la Gylfaginning se lit avec gourmandise, c'est, à mon sens, car elle nous est proposée dans sa quasi-intégralité. Seuls ont été supprimés le prologue et l'épilogue. Les Skaldskaparmal, dont nous n'avons accès qu'aux parties en prose, sont plus difficiles à appréhender. Le concept est pourtant sensiblement le même. Aegir, un grand magicien, se rend à Asgard, mais les Ases, qui ont eu la "prescience de son expédition" décident de lui réserver un bon accueil. Durant le banquet qui est organisé, Aegir interroge Bragi, son voisin et dès lors démarre un dialogue sensiblement différent que dans la Gylfaginning. Les Skaldskaparmal étant une poétique, Snorri Sturluson part parfois de périphrases, autour de l'or par exemple - sans doute utilisées par les scaldes de l'époque - pour conter notamment les exploits de Thor.
Dans l'introduction proposée par François-Xavier Dillmann, on en apprend beaucoup sur l'auteur, sa vie, sa mort brutale, mais également sur les sources de son "Edda". Ces pages passionnantes attestent de l'importance que l'homme devait avoir à son époque, mais aussi de l'étendue de son savoir.
Une fois refermé le livre, on prend conscience que l'omniprésence de Snorri Sturluson dans les nombreux ouvrages consacrés à la mythologie ou aux Vikings est amplement justifié tant "L'Edda" constitue un passage incontournable pour quiconque s'intéresse à ces sujets. Ce n'est pas seulement l'aspect mythologique qui séduit, mais également la poésie de ses récits de même que la manière dont la particularité géographique et géologique de ces terres nordiques a influencé la construction de cette cosmogonie, de cette mythologie - qui présente bien entendu des ressemblances avec la gréco-romaine - mais qui n'en demeure pas moins singulière.
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