Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
La rentrée d’Agullo Éditions ouvre la porte à un nouvel auteur, Sigitas Parulskis, qui nous vient de Lituanie. C’est une lecture idéale pour accompagner cette saison consacrée au pays balte. Idéale pour appréhender l’histoire contemporaine du pays, un moment charnière, lors de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le pays était occupé par l’Allemagne Nazie et les Russes rouges. Les livres de l’auteur occupent les premiers rangs des librairies du pays, la curiosité m’a pris sur place d’aller déambuler entre deux gondoles et de zieuter les noms mis en avant. C’est un auteur plutôt prolifique, il écrit de la fiction, comme c’est le cas ici, mais aussi de la poésie, des drames, des critiques littéraires. Il a raflé tous les prix littéraires de son pays. Pour la genèse de son roman, il s’est appuyé sur les documents qui ont survécu aux évènements, mémoires et presse de l’époque.
Vincentas est photographe, le roman débute sur ce qu’il semblerait être la fin de la guerre, dans cette Allemagne occupée par Anglais et Américains. Il espionne à travers les buissons, femmes et hommes qui sortent du lac, alors que des souvenirs lui reviennent en mémoire, celui de Judita d’abord, celle que l’on comprend être la femme qu’il aimait. Puis il est très vite pris d’hallucinations, de corps de revenants qui lui réclament de quoi se nourrir. Des fantômes qui hantent son passé, et manifestement son présent, et qui prennent la forme réminescente d’amis, de connaissances et tiraillent la mémoire de Vincentas de ces souvenirs lancinants. Mais il est temps de remonter la chronologie, jusqu’au jour de sa naissance, puis jusqu’au temps de la guerre, la vie de Vincentas étant intrinsèquement mêlé, pour le pire, à celui de cette Seconde Guerre mondiale.
Vincentas comme la consonance de son prénom l’indique est lituanien, et c’est l’expérience lituanienne de la guerre, en particulier le massacre de la population juive, qui intéresse l’auteur, Sigitas Parulskis, ce qu’il indique noir sur blanc dans sa postface. Il évoque d’ailleurs le fait que ce sont des évènements qui ont été peu abordés par la suite dans l’histoire du pays. Alors même que sa capitale Vilnius regorge de témoignages de la population juive, ne serait-ce que par ses ghettos bien que toute trace tangible a disparu). La photographie est ce moyen de voir la guerre, prendre une distance pour découvrir ce que la réalité a à révéler, une réalité quelquefois trop abrupte, trop brûlante pour la sensibilité humaine pour être assimilée au prime abord. La photographie est ce témoin qui montre, dénonce ou permet de prolonger la jouissance selon l’individu. La preuve aussi qu’il est tout à fait possible de capturer par l’image les ténèbres, la noirceur profonde dont est capable l’homme, et qui est remontée à la surface lors de cette guerre, noyant toute l’humanité dans le brouillard d’horreur. Car c’est le rôle de Vincentas, que le SS qui lui a sauvé la vie, lui attribut dans toute sa perversité, celui de photographier les juifs massacrés, leur mort, leur agonie.
Une histoire que l’on découvre prise en étaux entre l’invasion des Soviétiques, qui commencent à mettre le pays sens dessus dessous, et les Allemands qui amplifient encore un peu plus le sentiment de terreur déjà présent. Et à côté de cela, les partisans lituaniens, les simples habitants, les communistes qui se sont arrêtés, les Juifs qui se font rafler. Vincentas au milieu de tout cela observe et photographie, tout témoin qu’il est, aux côtés des bibliques Simonas et Jokūbas l’Aîné, ceux qui exécutent sans état d’âme. Ici, la question se pose : à quel titre, les rôles des uns, qui observent sans toucher, des autres, qui frappent et tuent, se valent, Vincentas est-il l’innocent qu’il se pense et se veut être alors qu’il ne cesse d’accompagner ses compatriotes alliés aux Allemands nazis. La boucherie se révèle de facto dans la complaisance hypocrite dans laquelle l’homme, fils de Juozapas, se complaît. Sigitas Parulskis apporte sa réponse, que l’on comprend à travers le détournement de la parabole biblique.
L’iconographie chrétienne est ainsi omniprésente à travers les différents bourreaux, autant allemands que lituaniens, autour desquels évolue Vincentas, le complice passif des rafles, lui qui est pourtant amoureux de la Juive Judita. Toute l’histoire s’appuie sur une liturgie, où Vincentas se fait baptiser, où le nazi dispose chez lui d’un tableau de Saint-Jean Baptiste et de têtes coupées sur un plateau, où ce même bourreau se veut un dieu rédempteur auprès des prophètes Jokūbas, Simonas. Le lien entre la photo et les tableaux est vite établi, le bourreau halluciné se prenant pour le messie annonçant la venue d’un nouveau monde. L’horreur s’inscrit en parabole du mal, où toutes les valeurs de la Bible sont inversées, et le baptême est celui de cette religion de sang et de tuerie, de morts. On aura du mal à passer sur la coïncidence qui fait du beau-père de Vincentas, Juozapas, un Joseph en français, (...)
J’ai eu un peu de mal à entrer dans la petite musique de l’auteur, son imaginaire. Le premier chapitre avec les personnages qui se transforment en cochon est assez déroutant et tient du conte.
Et puis je me suis glissé aux côtés du personnage de Vincentas, photographe amateur recruté par l’Artiste (le commandant des SS en poste en Lituanie) pour tenter de capturer sur pellicule les visages au seuil de la mort.
Vincentas qui est amoureux de Judita, une femme juive mariée à Alexandras, compositeur d’opéras.
J’ai souri chaque fois que Judita apparaissait, une prune juteuse à la main.
Ce roman est celui de la Shoah par balles qui a eu lieu dans les pays du nord-est. Je n’ai donc pas échappé à quelques scènes descriptives révélant l’horreur de ces tueries.
C’est le but clairement affiché de l’auteur en fin de volume : écrire un roman sur ces faits passés sous silence dans son pays.
J’ai été étonné qu’il utilise des noms d’apôtres pour les bourreaux, des noms de disciples. Il s’en explique également : dans la conscience des Lituaniens, Jésus était bien juif. Ce qui ne les a pas empêché de laisser les juifs de leur pays se faire tuer.
La citation en épigraphe de Julian Barnes prend tout son sens : « Le plus grand patriotisme est de dire à son pays qu’il se comporte de manière déshonorable, idiote et cruelle ». M. PARULSKIS, vous êtes donc un grand patriote.
L’auteur pose la question, après Peter Brook, de savoir après combien de temps un massacre devient romantique ? Si tant est qu’il le devienne un jour, oserais-je dire.
Une lecture forte qui demande au lecteur de s’accrocher et pour entrer dans le récit et pour ne pas en sortir dégoûté par les actions humaines.
Une citation :
Montrer ce qu’est une chose dans sa vérité. La photographie se trouve toujours derrière la chose, au-dessus de la chose sans être la chose elle-même. (p.79)
L’image que je retiendrai :
Celle de Judita tenant la tête tranchée d’un rabbin sur ordre de l’Artiste.
https://www.alexmotamots.fr/tenebres-et-compagnie-sigitas-parulskis/
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