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Tout commence par un entrefilet dans un journal, on évoque le suicide d’une femme ou l’assassinat d’un homme suite aux violences conjugales. Ne tournez pas la page! Faisons fi de l’indifférence, ce fait divers doit être plus largement évoqué. Il faut donner la parole à cette femme qui n’avait d’autre choix que la mort pour faire cesser la peur. Il faut remonter quelques jours plus tôt pour comprendre. D’ailleurs, le mal ne remonte pas à quelques jours mais au malheur d’être née femme au mauvais endroit et au mauvais moment. Mais même si cela semble plus fréquent en certains lieux, n’est-ce pas un sujet universel ?
Leyla Tasci est née dans un petit village turc. Sa famille s’installe finalement à proximité d’Istanbul. Leyla y voit une opportunité de découverte mais c’est sans compter les règles familiales. Si elle ne peut aller en ville, elle a le droit et même l’obligation d’aller travailler dans un atelier de confection. Toute jeune, naïve, elle tombe amoureuse d’Ömer, le jeune responsable d’atelier. Mais c’est Hayri Abi, son patron qui la violera en premier.
Le déshonneur est lavé par une grosse somme d’argent empochée par le père violent. Leyla, souillée, est donnée en mariage à Remzi, un vieux veuf alcoolique.
« Le foyer marital pourrait-il être pire que le foyer paternel? Pourtant… »
De fille d’Osman, elle est passée femme de Remzi.
« Le premier mois, mon mari ne m’a pas battue. Ça doit être la lune de miel. »
Ensuite, le viol, car il faut bien appeler ainsi ces relations conjugales, est devenu quotidien.
Leyla transforme son dégoût en indifférence. Elle semble tellement désabusée, cynique qu’il est parfois difficile de compatir. Et pourtant, enceinte pour la seconde fois, sa seule issue, pour au moins sauver ses enfants du malheur, est de sauter par la fenêtre avec sa fille aînée dans les bras.
Bien sûr, elle aurait pu trouver du soutien à l’extérieur, auprès de Ülker Abla, cette accompagnatrice de l’hôpital qui a connu elle aussi ces violences. Bien sûr, elle aurait pu se révolter, se défendre et finir par tuer ce mari ignoble lors d’une scène de ménage. C’est une seconde version que nous propose Seray Sahiner. Mais finalement, la souffrance est identique. Peut-être est-elle même plus longue et destructrice pour sa fille aînée. Et puis, finalement, cela ne sera jamais qu’un fait divers de plus dans les journaux.
Du point de vue littéraire, je me serais contentée de la première version en l’étoffant avec l’histoire de Ülker Abla et les faibles moyens de rébellion de Leyla de la seconde version. Mais l’auteure souhaitait accrocher davantage de lecteurs en proposant différents moyens d’ouvrir les yeux des indifférents.
L’objectif de Seray Sahiner est atteint, Ne tournez pas la page est un roman choc qui ne peut laisser indifférent.
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