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Voici un témoignage historique incroyable retrouvé par hasard en 1995 dans une bouquinerie par le documentariste italien Angelo Caperna. Il est extrait des carnets intimes de Ranuccio Bianchi Bandinelli, éminent professeur d'archéologie et d'art antique. En 1938, âgé de 38 ans, il est contraint par les autorités administratives italiennes d'accompagner le temps d'une semaine Mussolini et Hitler à travers les musées de Florence et de Rome, afin de commenter pour eux les chefs-d'oeuvre picturaux et architecturaux qui leur sont présentés. Une semaine étonnante dans la vie de ce professeur, antifasciste silencieux, qui se présente comme "un homme ordinaire dans un temps de prétendus surhommes". De toile en toile, de salle en salle, interlocuteur privilégié, il observe sans aucune fascination ces deux uniformes et leurs cliques respectives dans tout le grotesque de leur importance. Rentré chez lui, il note aussitôt ses impressions à vif. D'une plume féroce il rend l'ignorance crasse du Duce que dispute une crainte enfantine de ne pas être à la hauteur en la matière de son camarade le führer, lequel s'échauffe et papillonne devant le moindre nu féminin sans réellement prêter attention aux qualités artistiques de l'oeuvre qui lui est présentée. "Contrairement à
Mussolini qui traversait les salles sans regarder ou s'approcher d'une oeuvre pour lire l'étiquette, Hitler aimait réellement les fausses qualités artistiques qu'il repérait, il en concevait de l'émotion. Comme un coiffeur à l'opéra quand le ténor pousse son aigu." Ce qui stupéfait le lecteur dans ce document, c'est l'impression d'être réellement aux côtés de deux des plus grands dictateurs de l'Histoire, de partager leur table le temps d'un déjeuner coude contre coude avec Goebbels, Himmler face à vous qui vous tend le sel en se moquant cruellement de la gourmandise du gros Goering "resté au pays pour garder la boutique". Et au milieu d'eux, être seul. Là sans y être vraiment, sans être impressionné le moins du monde par ces barbares. Simplement curieux de pouvoir observer à portée de lame ces deux criminels qui, face à quelques unes des plus grandes créations artistiques occidentales de tous les temps, s'apprêtent à mettre en oeuvre, dans un coin bien gardé de leur cerveau, la plus grande entreprise de destruction humaine jamais exécutée.
Un texte d'une très grande finesse d'analyse et d'une incroyable humanité à lire absolument.
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