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Passer d’informaticien respecté et aisé à SDF maltraité par la vie, il n’y a qu’un pas. Un pas franchi par notre protagoniste qui a perdu femme, enfants, travail, statut social et argent. Dans la rue où il vit depuis maintenant dix ans, il a appris à se faire petit, à ne pas se mêler aux autres ni à leurs querelles, à se méfier de l’alcool, à trouver les bons lieux pour faire la manche, à grappiller de la nourriture au gré des opportunités… En d’autres termes, il a appris à survivre dans cette jungle urbaine et à affronter avec un minimum de dignité la faim, le froid, la misère, la violence…
Mais difficile d’échapper à la violence quand on la porte en soi ! Notre homme, d’apparence courtoise, est en effet loin d’être un enfant de cœur. Dénué de sentiments et ne berçant pas dans le sentimentalisme, il n’hésite pas à sortir la lame et à faire couleur le sang pour se protéger. Tuer ou être tué ? Une question qu’il ne se pose jamais très longtemps ! De meurtre en meurtre, ne prend-il d’ailleurs pas un peu trop goût au sang ?
Sa vie dans la rue, qu’il affronte sans jamais s’apitoyer sur son sort, va prendre une tournure inattendue quand il décidera de s’approprier la somptueuse villa et la vie de l’une de ses victimes, un homme richissime qui lui ressemble étrangement, Charles de Montesquieu. Notre SDF aux tendances meurtrières a-t-il bénéficié d’une chance insolente en croisant la route de cet homme ou a-t-il, sans le savoir, mis le pied dans quelque chose qui va complètement le dépasser ?
L’auteur nous propose ici une plongée fascinante dans le présent d’un homme qui tue avec un naturel déconcertant et sans une once de remord, et le passé d’un homme aussi riche que secret qui ne sortait presque pas de chez lui, n’avait pas de famille, pas d’ami et ne recevait qu’une seule visite, celle d’une femme de ménage particulière… Devant l’aura de mystère qui entoure le bourgeois, notre SDF n’a pas d’autre choix que d’enquêter afin de mieux s’approprier le personnage et faire de sa vie la sienne : inspection de la maison, études des documents et photos retrouvés, piratage de l’ordinateur…
Se dégage, au fil des pages, une tension et un suspense de plus en plus intenses jusqu’à ce que le portrait de Charles de Montesquieu qui se forme se révèle des plus inquiétants et des plus glaçants ! C’est que le personnage pousserait presque le lecteur à relativiser les crimes de notre SDF sociopathe sur les bords. Je n’en dirai pas plus si ce n’est que l’auteur, à travers son récit, a su habilement aborder des périodes peu glorieuses de notre histoire…
La violence, celle de la société, celle de la rue, celle de l’hérédité, celle qui pousse un homme à perpétrer des atrocités, trouve son écho dans la plume de l’auteur à la fois brute et brutale. Philippe Laidebeur décrit ainsi, sans fioritures ni effets de manche, mais avec beaucoup de réalisme, la descente aux enfers d’un homme qui se savait meurtrier sans émotions et finit par se croire bourreau sanguinaire. La frontière entre réalité et folie est parfois mince a fortiori quand on a déjà perdu tous ces repères et toutes ces petites choses qui nous rattachent à la vie…
En conclusion, nous découvrons dans ce roman deux hommes très différents, mais dont les vies vont, petit à petit, se mêler et s’entremêler. Les pistes se brouillent, le passé et le présent se mélangent, la vérité devient fantasme et le fantasme prend des allures de vérité. Peut-on vraiment s’approprier la vie d’un autre et occulter la sienne sans sombrer dans la folie ? Une question qui devrait vous tenir en haleine et vous pousser à lire d’une traite ce roman court, mais intense.
Philippe Laidebeur signe un premier roman détonnant, en moins de deux cents pages il va faire vivre à son personnage SDF, une aventure sans précédent. J’ai adoré le récit épique qui nous est proposé. J’ai su faire abstraction des petites invraisemblances pour me laisser porter par l’étonnante destinée de ce sexagénaire plein de ressources. Pour moi c’est un coup de cœur et je ne doit pas être la seule à avoir apprécié ce livre puisqu’il a reçu le prix Matmut 2019. Clochard, depuis dix ans il survie dans la rue après que sa femme l’ai quitté, après avoir perdu son travail et tout ce qui faisait sa vie, on se demande ce qu’il pourrait encore perdre. Une nuit tout bascule, il devient meurtrier et tue pour la première fois un vigile et son chien qui lui cherchait des noises. Ce geste est fait naturellement sans émotion particulière, il s’agissait juste de sauver sa peau. Une réponse certes inadaptée mais si facile que cela pourrait bien devenir sa façon de régler ses problèmes avec autrui et notamment avec son plus proche voisin qui lui ressemble étonnamment. Usurper l’identité d’une personne que l’on ne connaît pas, est le challenge auquel il devra répondre. Il ne sait pas à quel point cet acte va avoir un impact désastreux sur sa vie. Tout le roman est écrit à la première personne ce qui nous donne un côté intimiste intense, un peu comme une confession. Le style de l’auteur fait tout la différence, c’est une écriture ultra réaliste avec de nombreux traits d’humour noir, on se retrouve comme dans le tambour d’une machine à laver sans savoir dans quel état nous serons à la fin du cycle. Un récit sans concession, impitoyable, corrosif et pourtant j’ai souvent eu le sourire et je suis restée impressionnée par le côté jusqu’au boutisme du personnage qui retombe sur ses pattes malgré la houle. Un coup de cœur pour ce roman noir qui nous mène là où je n’aurai jamais imaginé pourvoir aller, une très belle découverte et un nouvel auteur à suivre. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2019/03/31/37213626.html
D'emblée, ce livre ne m'a pas attirée dans les sorties Denoël de ce mois-ci et c'est parce que je n'ai pas pu recevoir le dernier Sandrine Collette que je me suis rabattue sur celui-ci. Je vous l'accorde, la quatrième de couverture est tout de même accrocheuse et une fois reçu, je me suis empressée de le lire.
Le roman commence de manière assez classique : nous sommes dans la tête d'un clodo dont on ne connaît pas le nom et qui tente de survivre dans la jungle de la rue. Pour cela, entre deux petites combines, il va être amené à tuer… D'un ton enlevé et drôle, l'auteur parvient à nous rendre ce personnage sympathique malgré les meurtres qui s'enchaînent. L'écriture est assez simple et on sent que l'auteur tâtonne un peu par moments mais je me suis laissé embarquer aux côtés de ce lunatique SDF.
Le roman bascule lorsqu'un énième meurtre pousse le personnage à prendre l'identité de sa victime, Charles de Montesqieu, un énigmatique et riche homme vivant seul dans une grande maison du 16e arrondissement de Paris. En voulant faire place nette de son passé et retrouver une identité vierge de tout crime, le narrateur plonge en fait dans une spirale infernale car le bourgeois apparemment sans histoires n'était pas ce qu'on croyait ! le changement de rythme est assez brutal, on change complètement d'environnement mais le ton si réussi subsiste. Je me suis sentie un peu déstabilisée par ce retournement de situation et j'ai trouvé que ça manquait un peu de rythme à ce moment-là, comme un ventre mou au milieu du roman. Heureusement, j'ai vite été happée par les nombreux rebondissements. Plus on avance, plus le cauchemar s'amplifie et on a l'impression que même le personnage ne sait plus qui il est. le tout paraît très invraisemblable, très gros mais cela ne m'a pas gênée car j'ai trouvé cela en accord avec le style du roman, très grinçant.
Bref, un bon petit premier roman à déguster sans modération même si je ne pense pas qu'il me marquera durablement. Il est tout de même surprenant et assez plaisant à lire avec un ton particulier et affirmé jusqu'au bout. Mis en lumière grâce à ce premier roman, l'auteur est à suivre pour son deuxième…
Chronique à lire aussi sur https://thetwinbooks.wordpress.com/2019/03/26/jai-dabord-tue-le-chien-philippe-laidebeur/
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