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Virginie est infirmière hospitalière en pédiatrie. Et ils sont de plus en plus nombreux, ces enfants, à tomber malades, un véritable cluster à l'ombre de l'inquiétante « raffinerie », nom donné par les habitants au mastodonte industriel qui surplombe une petite ville provinciale. Y en a même qui meurent comme ça en pleine rue, sans aucun signe prémonitoire ni diagnostic de maladie.
« Je suis trop passive, se juge-t-elle, en son for intérieur, les yeux rivés sur l'aiguille qu'elle enfonce dans le bras d'une patient de treize ans. Je suis trop passive,et silencieuse. Ce que je fais, là, ça n'a pas de sens. Des enfants arrivent, on les soigne, certains meurent et d'autres survivent, et on passe aux suivants. Comme à l'usine. Personne ne s'émeut, de cette aggravation des choses. Même moi, je ne m'en émeus plus. Enfin, si, voir des enfants mourir ne met pas en joie. Mais je suis devenue insensible. Eloignée. Ces maladies et ces morts sont tellement présentes que tout le monde les banalise. »
Virginie est une jeune femme traversée par un tsunami émotionnel depuis qu'elle est enceinte, ses nuits sont peuplés de cauchemars étranges et oppressants. Pauline Parent nous plonge directement dans ses angoisses avec un crescendo très bien maitrisé et un brio remarquable à flouter les frontières entre réalité et délires psychotiques, au point qu'il est très difficile de démêler le vrai de la folie qui semble gagner un personnage complètement déboussolée par ce qu'il vit intimement, professionnellement et socialement.
« Il faudrait qu'elle fasse un truc fou. Un truc fou qui exploserait tout. »
Virginie se sent proche du marais, son marais, au bout du jardin. Elle rêve d'y plonger, de tomber dans cette matière visqueuse faite d'algues et de vase, promesse des bienfaits pour contrer la laideur de la condition mortifère de l'homme vouée à la mort, la maladie et au deuil, condition mortifère. Elle aperçoit dedans la nage de créatures marine bienveillantes, mystérieuses, des pieuvres avec leurs tentacules protectrices.
« Elle aspire à une forme de repos et il lui semble que l'eau pourrait la porter. Qu'elle pourrait de délaisser de sa chair et dormir à même les flots. Elle sentirait les algues l'enserrer, les poissons s'approcher, et elle resterait immobile. Les monstres tapis ne la dévoreront pas. Et là, dans ce marais, Virginie sera protégée des paroles intrusives de Rosemonde, de la joie abjecte des invités, de la mort de ses patients et de sa propre grossesse. »
J'ai beaucoup aimé le regard lucide mais pas désespéré que porte l'autrice sur la question des rapports qu'entretient l'Homme – et plus particulièrement des femmes, des mères - à son environnement. Elle investit là un prisme écoféministe de manière très originale, à la fois fantasmagorique ( les rêves, les pieuvres ) et très ancré dans le monde actuel ( l'éco-anxiété ) permet une réflexion profonde, à hauteur de vie et d'émotions. le lecteur est ainsi en totale empathie avec Virginie avec la sensation presque physique de vivre la même oppression qu'elle.
Un premier roman très réussi et terriblement intrigant, je suis ravie de découvrir ainsi une toute nouvelle maison d'édition La Singulière qui porte à merveille les promesse affichées par son nom. Et je suis charmée par la qualité de l'objet livresque, papier, illustration, mise en page. A suivre, donc !
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