"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Deux femmes.
Une salle d’interrogatoire.
Un huit clos.
L'une, Sylvia Germano, est procureure dans le cadre de l’assassinat de Marcello Nicotra, l’un des plus grands chefs de clan mafieux d'Italie.
L'autre, Annamaria Nicotra, est sa veuve.
L’une est blonde, grande, svelte au port altier, l’autre une beauté brune italienne pure souche…les deux se répondent en miroir.
Annamaria va se confier sur son histoire d'amour avec « u-primu », l’un des chefs de la mafia calabraise et sur la lente dilution de son couple, Sylvia va, elle, lui « apprendre » les activités de son défunt mari, entre trafics de drogues, blanchiment d’argent, détournements de fonds, affaires immobilières douteuses, le tout sur fond de règlements de compte…
Dans un style vif, tranché, coupant, acéré comme l’acier de la table d’interrogatoire, ce roman m’a véritablement captivée de bout en bout jusqu’à sa chute…je l’ai lu d’une traite.
Et pourtant, encore un texte sur la mafia italienne et ses ramifications au sein du Pays, vous me direz…oui, mais l’originalité de ce roman noir réside dans la perspective féminine qu’il adopte via ces deux femmes qu’a priori, tout oppose !
Le procédé narratif y est pour quelque chose dans le jeu de ping-pong entre ces deux femmes l'une éclairant le récit de l'autre, ainsi que l’histoire qui se détricote au fur et à mesure des personnages que l’on découvre avec leurs forces et faiblesses, alternant avec violence et amour, trahison et amitié, avec un suspense crescendo jusqu’à son final…
Livre reçu dans le cadre de l'opération Explorateurs du Polar 2019 avec Lecteurs.com !
Une affaire comme les autres, Pasquale RUJU, 286 pages officielles. Disponible en version brochée et en version numérique sur Amazon et sur le site de la Fnac, publié en 2019 par les Éditions DENOËL.
Ma chronique :
En lisant ce titre j'ai pensé tout de suite à un banal feuilleton policier dans lequel l'auteur joue la carte des stéréotypes italiens à fond. Une affaire banale, presque celle de trop. Mais je n'y étais pas du tout !
Tout de suite, je plonge dans une cellule d'interrogatoire, toutes mes autres pensées s'effacent. Tout comme celles d'Annamaria, veuve et suspectée de meurtre, seule face à son raisonnement interne. Quand elle doute, nous doutons avec elle. Quand elle s'interroge, nous nous interrogeons également. Dois-je craquer, pleurer ? Qui est le bon flic, le mauvais ? Voici les questions auxquelles doit faire face la veuve, qui ne perd pas son sang-froid une seule seconde. Je pressens au loin un retournement de situation qui me bouleverse, cette carapace ne me semble pas naturelle. Vais-je avoir raison ?
Ici débute le plus long interrogatoire que j'ai lu, sentant chaque seconde peser comme le ferait l'épée de Damoclès au-dessus d'une tête.
En tant que lectrice, je suis suspendue à ce que Annamaria va bien vouloir nous livrer. L'histoire elle l'a connaît, personne d'autre. Et c'est ce qui met le lecteur sous tension. C'est énorme !
Une affaire comme les autres - Pasquale RUJU.png
Un Polar noir mêlant meurtres, silence et amour à l'image du saumon cru délicat et addictif. Assiette composée au Wok Garden à Seraing.
Je ressens une certaine forme de pudeur dans la façon qu'à d'Annamaria de se confier. Comme une fragilité qu'elle tente tant bien que mal de camoufler derrière une rigidité et une froideur durant l'interrogatoire.
Je suis vraiment en adoration devant le style de l'auteur qui sait manier sa plume pour me faire ressentir cette tension qui se joue à chaque page et qui ne s'essouffle pas à chaque chapitre. L'ambiance pesante du huis-clos s'est refermée sur moi. Je perçois de la perversion, de la brutalité et du narcissisme dans les descriptions des faits et les silences d'Annamaria. J'apprends en même temps que Sylvia est la procureure adjointe en charge d'interroger la suspecte. Une femme aussi froide qu'Annamaria, qui me donne l'impression d'une attitude en miroir, c'est-à-dire que chacune à leur tour sera l’interrogatrice de l'autre, la victime et la coupable. En ça, la tension est remarquablement bien menée.
Puis, je découvre à pas de loup, la naissance de l'histoire d'amour entre Annamaria et Marcello, un homme qui inspire tant le respect que la crainte. Il y a beaucoup de mystère autour de cet homme ce qui est très prenant et titille volontiers ma curiosité. L'amour que ressent Annamaria envers Marcello est très fort voire passionnel. S'adonner de la sorte à cet homme dont elle semble n'échanger que des relations sexuelles est troublant. Rien ne vient perturber son amour pour cet homme dont elle ne connaît pas les réelles activités. Elle lui est simplement dévouée. Puis, vint le temps où l'amour s'essouffle pour laisser place à une forme de tendresse maternelle.
Carmela, une amie du couple, me fait penser à une menthe religieuse qui joue un double jeu. Elle paraît fourbe mais sait quelle stratégie adopter. Elle m'impressionne un peu pour tout vous avouer. Serait-elle manipulatrice ?
Petit à petit, l'illusion sur la banalité de l'histoire rend le suspense haletant. Les chapitres sont courts et très addictifs ! Ma lecture est très fluide et vive. Chaque mot me donne envie de savoir la suite. Le silence devient une violence sourde et un jeu de pouvoir, le machisme aidant à se mettre dans l'ambiance.
Les notes de la traductrice en fin d'ouvrage sont très appréciables pour les lecteurs qui, comme moi, ne connaissent en rien l'organisation des clans mafieux italiens. Je perçois un monde très dur et violent.
Ce livre parle outre la dureté de l'organisation mafieuse et de ce business souterrain florissant et sanglant, des relations familiales. Des enfants "utilisés" comme gage d'une réussite, d'une fierté. Ce lourd héritage familial est source de tension au sein des familles. Je ressens la difficulté de prendre son envol et de devenir véritablement "soi" au sein d'une famille qui ne pense qu'à faire un maximum de profit. Profit au détriment d'un amour chaleureux, de relations tendres pour le compte d'un monde violent et dangereux. Les nombreuses activités mafieuses sont partout et ce roman nous le montre bien. Comme une toile d'araignée que l'on aurait tisser sur le monde. A la manière dont elle recouvre le raisonnement d'Annamaria qui vit dans la crainte d'être rejetée par son mari. C'est terrible.
C'était comme cela, désormais, et s'adapter à la situation semblait être la meilleure des solutions pour tout le monde.
La place et le poids du regard sont très symboliques dans ce roman car ils désignent le pouvoir et le contrôle sur l'autre. Demander l'approbation pour agir est courant au sein de ces fratries. C'est impressionnant la manière dont tous rendent compte à un seul homme qui pourrait être comparé à "Dieu". Cette forme de hiérarchie nous invite à prendre conscience de l’enchevêtrement de la mafia et de la difficulté qu'ont les forces de l'ordre à trouver l'homme ou le groupe d'hommes à la tête d'un seul clan. Le pouvoir est argent, l'argent s'achète en vies. Chaque personnage remplit son rôle à merveille nous faisant basculer dans une cruauté extrême, mais toujours silencieuse. Le silence est ce qui m'a le plus marquée dans ce roman et qui rend la lecture captivante. Je regrette seulement qu'il n'y ait pas de traduction pour certains mots en anglais.
Mais est-ce que je m'attendais à cette fin ? Mon dieu ! Non !!
L’addition, s’il vous plaît : Un très beau 9/10 bien mérité !
RIEN QUE POUR VOUS LE MOT DE L'AUTEUR !
Le mot de Pasquale (traduit de l'italien)
Ma formation a été celle d'un cinéaste indépendant, puis d'un scénariste, en particulier de bande dessinée.
"Une affaire comme les autres" est née en 2008 en tant que court métrage, réalisé avec un groupe d'amis acteurs et cinéastes et une magnifique protagoniste, Stella Bevilacqua, qui malheureusement n'est plus présente. Le roman lui est dédié, développant l’idée de base et les personnages des protagonistes de ce petit film. Il y a des personnages et des histoires qui vous tourmentent l'esprit, même des années après les avoir remises dans le tiroir. Et l’histoire d’"Une affaire comme les autres" avait besoin d’être racontée de manière plus articulée. Pour compléter le roman, au cours des années suivantes, j'ai effectué un long travail de documentation.
L’histoire d’Annamaria et de Nicotra est évidemment inventée, mais le contexte criminel dans lequel ils vivent et travaillent est malheureusement très réel. Et toujours profondément enracinée dans de nombreuses communautés du nord de l'Italie, ainsi que dans celles du sud. Comme le disait l'écrivain Massimo Carlotto et mieux que moi, le noir peut être un outil très puissant pour éclairer certains aspects obscurs et opaques de notre société, venant parfois à l'appui du journalisme d'investigation, de plus en plus rare dans les médias contemporains. Ce que tu lis dans un bon noir reste à l'intérieur de toi, même longtemps. Et parfois, pourquoi pas, cela vous fait prendre conscience de la réalité qui vous entoure. Des choses que vous avez peut-être choisies de ne pas voir jusque-là. Les mots génèrent des pensées et les pensées donnent la force de changer. C'est pourquoi nous ne pouvons pas renoncer à la lecture, tout comme nous ne pouvons pas renoncer à la culture. Toutes les mafias, se nourrissent de l'ignorance. Vous ne pouvez pas contrôler un peuple qui peut penser par lui-même. Essayer d'écrire sur la mafia, dans ce roman, a été ma petite contribution à cette bataille.
Et vous l’avez-vous lu ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ?
Jusqu'où iriez-vous par amour ?
Je remercie l'équipe de Lecteurs.com pour l'opportunité de faire partie de l'opération "Explorateurs du Polar 2019". Un grand merci aux Éditions DENOËL pour leur générosité. Enfin Mille merci à l'auteur pour sa gentillesse et ce mot qui me touche particulièrement, sa réactivité et son militantisme.
Bientôt la chronique sur mon blog ! despapiersmaches.wordpress.com avec la mise en scène du livre de Pasquale RUJU !
D'un côté Annamaria la veuve de Marcello Nicotra chef de clan italien, de l'autre Silvia Germano procureure adjointe. Un face à face de plusieurs heures entre ces deux femmes qui se dévisagent en silence .
À la fois haletant, pesant chacune prend la parole tour à tour pour nous dévoiler les tenants et aboutissants du décès de N'primo. Leurs récit se complètent, se mêlent. Une lecture agréable, saisissante jusqu'à la résolution finale insoupçonnée qui donne un sens différent à une partie de l'histoire.
Un roman noir captivant plongé dans l'univers violent de la mafia italienne.
C'est une Italie sombre, fait de tensions, de violences, de la famille que nous dresse ici l'auteur, loin de celle qu'on peut connaître. Avec un point de vue originale dans ce milieu qui est très masculin c'est la femme du numéro un que l'on va entendre, ce n'est pas'une encore une histoire de mafia dont on à l'habitude! Au contraire ce n'est vraiment pas un livre comme les autres. Un premier roman très prometteur.
Je voulais d'abord vous remercier pour l'opération les explorateurs du polar et pour le livre reçu "Une affaire comme les autres" de Pascale Ruju.
J'ai dévoré ce livre en un après-midi.
Je me suis très rapidement plongée dans cet interrogatoire qui s'est déroulé sous mes yeux comme si je regardais un bon polar à la télé, je voyais le jeu des personnages principaux, leurs agissements suspects, les jours défiler devant moi. C'était passionnant. Et comme j'avais regardé un reportage sur le sujet la veille, j'ai été imprégnée de cette histoire dès les premières pages.
Ce tête-à-tête entre Annamaria, veuve de Marcello Nicotra, un haut chef d'un clan important de la 'Ndrangheta et Silvia Germano, procureure adjointe dans une partie de son métier, l'interrogatoire, mène le lecteur dans un véritable bain de requins.
Vous allez vous retrouver transporter dans un monde de violence dont le seul et unique but est d'obtenir encore et toujours plus de pouvoir et ce à n'importe quel prix, tout est bon à prendre pour progresser toujours plus vite, toujours plus haut.
L'auteur a pu retranscrire dans une histoire attrayante le monde de la mafia, leurs malversations et leur cruauté et la difficulté d'être une femme dans ce milieu. Mais également le piège qui se referme sur l'humain coincé et le peu de choix qu'il a pour s'en sortir, s'il le veut un jour. Ses personnages jouent parfaitement leurs rôles et les scènes se suivent dans une ambiance idéale pour mener le lecteur à la découverte du dernier amour d'Annamaria et du meurtrier de Marcello.
Ce livre est un vrai coup de coeur.
Ma note pour ce livre est de 9/10.
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