Il aura attendu quatre ans pour publier son histoire, leur histoire. Furtivement, la concomitance entre la réforme du mariage pour tous et publication du livre traverse l’esprit : maturation ou opportunisme ? Fidèle à son rythme d’un roman par an (à l’exception de 2012, année sèche ?),...
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Il aura attendu quatre ans pour publier son histoire, leur histoire. Furtivement, la concomitance entre la réforme du mariage pour tous et publication du livre traverse l’esprit : maturation ou opportunisme ? Fidèle à son rythme d’un roman par an (à l’exception de 2012, année sèche ?), Olivier Poivre d’Arvor publie cette année le récit de l’adoption de sa fille la petite Amaal : –, « née à Lomé, au Togo, le 24 avril 2002 ». Le roman s’ouvre sur un Olivier Poivre d’Arvor, la peur au ventre, guidant sa petite fille par la main à travers tous les contrôles de l’aéroport de Roissy et se clôt sur l’imagine d’Epinal rassurante du bon père de famille qui avant d’aller se coucher, jette un œil attendri sur sa progéniture endormie. Tout est bien qui finit bien… après l’odyssée de cette adoption. Car du courage et de la persévérance il en aura fallu à Olivier Poivre d’Arvor. Des années de tracasseries administratives, d’allers-retours entre Paris et l’Afrique, entièrement dédiés à l’édification d’un lien de paternité, rendu ténu par la distance et maintes fois menacé par les obstacles qui se sont sans cesse dressés sur leur parcours.
Le décor exotique était planté, les récents débats sur la famille avaient attisé l’intérêt du lectorat à coup sûr. Peut-être avions-nous nourri trop d’attentes ? Toujours est-il que le récit est celui d’une rencontre manquée. Le jour où j’ai rencontré ma fille promettait de faire entendre la voix d’un père. C’est celle d’un homme qui résonne… seul(e).. Loin d’un témoignage sur l’éclosion du désir de paternité, le récit se transforme en un bilan narcissique et complaisant, centré sur la personne d’un homme qui croyait avoir réussi sa vie mais a toujours éprouvé le manque. Se dessine alors, en lieu et place de l’impétrant à la paternité, l’ombre chinoise d’un diplomate qui sa vie durant s’est rêvé Don Juan, a atteint la notoriété parisienne à laquelle il aspirait, puis lassé du tourbillon des corps diplomatiques et du tout petit-monde de la diplomatie culturelle, fait le bilan de sa vie et de ses envies. Après les voyages, la notoriété, les femmes, les livres, une crise de la quarantaine teintée de l’exotisme de brousse …. que reste-t-il? La découverte de sa propre finitude, le vertige de sa propre stérilité. Le récit illustre la blessure narcissique consécutive à la découverte de sa stérilité et le fracas soudain du sentiment de toute-puissance vite compensé une nouvelle fuite en avant, la course à l’adoption. Tout y passe, les bras des femmes qui l’ont consolé, les bilans médicaux circonstanciés - l’une des vertus du livre est sans doute d’offrir, à travers le labyrinthe des laboratoires d’analyses et autre cliniques, un coup d’œil à ce qui attend les candidats à la paternité qui se découvriraient stériles…
Ce qui dérange dans ce livre, au-delà des scenarii les plus scabreux dans lesquels l’auteur confie son délire de recourir à ses proches et ses relations plus ou moins bancales pour procréer à sa place et lui laisser adopter seul leur enfant, c’est qu’il ne décrypte du curieux désir de paternité. L’auteur ne décrit pas l’envie ni les motivations qui sont les siennes pour être père. On bascule diversement dans la blessure narcissique et son marathon à l’adoption, son obsession, d’avoir lui aussi, comme tout le monde, un enfant à soi et pour soi à défaut de l’avoir de soi. Désir de famille ou désir de possession... Le jour où j’ai rencontré ma fille ne fait que sonder les tréfonds de l’obsession individuelle et individualiste. Ce n’est qu’une fois le roman refermé que l’esprit du lecteur à nouveau libre de vagabonder se pose enfin la vraie question, aussi dérangeante que fondamentale, celle que le roman a complètement éludée et escamotée : Pourquoi désire-t-on un enfant dans le fond? Simple effet collatéral qu’on aurait aimé trouver au cœur de ces quelques centaines de pages... Dommage !