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Dans ce second roman dont on doit la fidèle traduction à Benoîte Dauvergne, l’autrice jamaïcaine Nicole Dennis-Benn reprend ses thèmes favoris, à savoir l’homosexualité tabou, la prostitution et les mariages blancs ainsi que le quotidien des femmes qui élèvent seules leurs enfants et la violence des hommes. Son héroïne, Patsy, qui fantasme sur « l’American dream », finit par sauter le pas et tout quitter, laissant au père de sa fillette la charge de True. Elle se détourne aussi de sa mère, confite en religion. Elle tend vers un seul but : rejoindre son amie et ancienne amoureuse, Cicely, installée dans le quartier de Brooklyn à New-York.
Hélas ! La jeune femme va se cogner à une rude réalité. Entrée sur le sol américain avec un visa touristique, elle va être confrontée à la précarité et l’exploitation des sans -papiers. Elle ne trouvera que des travaux sous-payés où elle sera humiliée. Au final, elle aura abandonné sa fille pour s’occuper des enfants des autres, ces riches américaines qui se déchargent de leurs responsabilités maternelles sur le dos des nounous étrangères.
Le statut d’immigré clandestin rend les relations difficiles, la survie précaire et la violence se cache partout. Heureusement, Patsy croisera quelques personnes bienveillantes, comme Fiona ou Claudette.
Malgré l’absence de lettres, hormis une carte de vœux, True espère toujours des nouvelles de sa mère. Elle a du mal à s’intégrer à son nouveau foyer où les injonctions sont : « T’es plus une petite fi, Tu es en âge d’apprendre à être une fanm » Différente des filles de son âge, elle s’isole. Passionnée par le football, elle n’a que des copains garçons et s’habille comme eux. Elle essaie tant bien que mal de grandir sans sa mère et sans personne à qui raconter ses premiers émois sentimentaux.
Le lecteur suit en alternance l’histoire de Patsy à New-York et celle de sa fille True restée en Jamaïque. A travers leur histoire, l’auteure dénonce les conditions de vie des femmes jamaïcaines et des immigrés jamaïcains ainsi que l’homophobie.
J’ai apprécié les dialogues en langue locale très colorée où les hommes se nomment « bougs » et les femmes « fanms ».
L’écriture, très simple et très dialoguée, va à l’essentiel.
Si l’on peut éprouver de l’empathie pour Patsy et True, d’autres personnages sont trop caricaturaux pour être attachants.
J’ai trouvé qu’il y avait des longueurs dans le déroulement de l’histoire jusqu’à ce que tout s’accélère dans les derniers chapitres, comme si, arrivée à 500 pages, l’autrice voulait en finir avec ses héroïnes. Et la fin bâclée et en forme de happy-end ne m’a absolument pas convaincue.
Donc avis très mitigé pour cette lecture.
Je remercie les éditions L’aube et Babelio pour la découverte de ce roman
« Rends-moi fière » de Nicole Dennis-Benn est une épopée implacable et juste. Un kaléidoscope en Jamaïque. Une plongée dans une famille pittoresque. Les habitus éclatent à l’instar du fruit la grenade. On pénètre dans l’histoire riche d’idiosyncrasie au fort caractère. Les protagonistes principaux sont trois femmes. Delores, et ses deux filles Margot et Thandi. Emblème d’une Jamaïque qui bridait les femmes en proie à une religiosité et aux coutumes bien trop ancrées. Fascinantes, elles sont le symbole des femmes éprouvées. La vie bousculée par les difficultés pécuniaires, la pauvreté et pour Margot et Thandi la peau bien trop noire. Cette saga est une prouesse. Le souffle d’un pays qui élève les poussières, les fortes chaleurs, le tourisme caricaturé et la sociologie dépasse les clivages des quartiers pauvres. Pas de pathos. Ici, c’est la féminité qui est décryptée. Margot : « Elle savait déjà que l’impuissance est synonyme de faiblesse et qu’il est inutile d’avoir la foi en Dieu. Ce n’est pas lui qui fait bouillir la marmite et paye la scolarité de sa sœur. »
Au cœur de ce roman dense d’évènementiel il y a la gravité d’une homosexualité tabou, la prostitution cachée comme la poussière sous le tapis. Deux femmes ne peuvent s’aimer. C’est le drame de cette saga alliée aux torpeurs intestines des disparités sociétales. La mère Delores est certes aigrie, violente et méchante mais son travail est le seul moyen d’échange pour l’éducation scolaire de ses filles. A contrario elle voit l’inceste dans son antre et aucun son ne bafouer ce qui se passe. Ses filles sont la cartographie des mœurs et palpitations d’un pays ployé sous les croyances, les non-dits et le désir de liberté et d’émancipation. « Rends-moi fière » est l’adage crucial de ce roman douloureux mais lumineux. Magnétique et captivant c’est un futur grand film sur grand écran. Le meilleur livre de l’année selon le New York Times. Traduit avec brio de l’anglais (Jamaïque) par Benoîte Dauvergne. Publié par les majeures Éditions de l’Aube.
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