"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un livre inclassable et surprenant, entre polar, histoire, tatouage, France et Argentine... On entre par une porte dérobée et on suit un fil fragile jusqu'au dénouement, sans jamais savoir où l'auteur nous emmène. J'ai adoré ce roman sorti de nulle part !
Je découvre ainsi Grenade, le nouveau label des Editions J.C. Lattès, spécialisé dans ces « nouvelles voix. Explosives. Exotiques. » de Paris en Argentine. C'est le chemin tortueux, c'est le moins que l'on puisse dire, qui depuis le prosaïsme de la vie parisienne d'un avocat lambda va mener en plein folklore argentin, en pleine spiritualité sud-américaine, dans cette Argentine, ou les morts refont surface. Ces dernières années, ces masque de la morts d'après les calaveras colorées, originalement mexicains, dont un exemplaire orne notre couverture ainsi que le dos de notre pauvre père de famille, s'observent un peu partout, encore plus lorsqu'il s'agit de fêter nos morts. Il est devenu monnaie courante, même en France, de voir ces crânes maquillés, plein de couleurs, étrangement loin de notre propre conception de la fête des morts, sans que personne ne s'interroge vraiment sur la provenance de cette coutume importée et empruntée.
Un titre, au début, pour moi opaque, qui évidemment me faisait vaguement penser à la partie postérieur du corps humain. Un type qui se retrouve avec un tatouage de la Santa muerte, la faucheuse sud-américaine, une Cavalera, alors qu'il n'avait rien demandé d'autre que la reproduction du dessin de sa fille. Les débuts sont à la fois désopilants et intrigants, la curiosité du lecteur est indéniablement piquée et attisée par ce tatouage indésiré, presque obscène, qui colle désormais âprement à la peau de notre avocat parisien, qui n'avait pourtant rien demandé, et qui s'affiche désormais ostensiblement sur toute la surface de son épiderme. Mortification devant la mine déconfite de l'homme.
Mais comme toute chose indésirable qui vous colle à la peau, le tatouage a sa propre vie, le visage maquillé tait jalousement sa propre histoire. Sa propre identité. Une compagne de vie indissociable, une schizophrénie qui fait désormais partie entière de l'homme, qui va donc chercher à comprendre obstinément le visage de la femme mystérieuse qui a fait de son échine son territoire. le roman prend alors des dimensions inattendues, qui vont nous entrainer, brusquement, dans les années sombres du pays d'Eva Perón, une profondeur à laquelle je ne m'attendais pas vraiment, dans les failles de l'histoire argentine. Cette histoire qui comme beaucoup de pays latins ont connu les méfaits d'un despote, les meurtres, les tortures, les disparitions.
Le passé n'est pas encore oublié, ni pardonné, encore moins avoué. C'est ce que le roman de nous apprend à travers l'histoire de cette belle jeune femme qui transparaît à travers la Calavera, disparue, comme l'ont été beaucoup d'argentins dans le passé. Roman de la répétition, de la disparation présente qui apparaît comme un écho de celles passés, qui tisse un lien entre passé et présent qui se finissent par se mélanger. Et c'est passionnant de constater progressivement que comprendre le présent permet aussi de comprendre ce passé tabou, qui plane constamment dans chaque conscience, dont personne n'ose briser le sceau, comme si cela allait libérer tous les démons enfouis de ce passé prohibé.
Le lecteur est attiré dans les failles et dorsales de cette Argentine aux traditions qui exercent une certaine fascination : alors que nous fêtons ici les morts, aux couleurs des chrysanthèmes, dans la grisaille et la mélancolie des cimetières, là-bas ils fêtent leurs morts dans la fête et les maquillages colorés. Les cent-cinquante pages de ce récit polyphonique se lisent aussi vite qu'une calavera literaria, ces poèmes moribonds. C'est un texte très moderne qui se partage entre narration classique, extraits de journal intime et mail, Une langue simple, clair, sobre, sans simagrée, qui peu à peu entraîne le lecteur dans les fêlures de familles, françaises et argentines, mêlées à celles du pays sud-américain, qui donnent à ce roman ses lettres de noblesses.
L'auteur a réussi à faire de ces tragédies intimes et éminemment personnelles, une tragédie à dimension nationale et même internationale qui atteint les frontières françaises, et qui finit par largement dépasser le dépositaire du tatouage. Ce n'est pas un roman auquel on peut rester insensible, plus on s'y abîme, plus on devient happé par cette atmosphère particulière du Dia de Muertos, ou les morts sont partout, derrière chaque histoire, chaque mémoire. Encore une fois, c'est un beau roman d'un auteur français, Nicolas Defoe, qui n'hésite pas à s'emparer de l'histoire d'un territoire sud-américain pour bâtir une fiction soignée et aboutie, c'est un parti pris qui me plaît décidément beaucoup.
A l’image de ces crânes mexicains, Nicolas Defoe propose pour son premier roman, un récit empreint de mystères et de lugubre. Avec une trame pour le moins originale et bien amenée, nous suivons les aventures d’un héros quadragénaire. Son tatouage, l’avocat va l’exposer sur les réseaux sociaux, pour tenter de trouver des réponses à ses incompréhensions. Paul sera alors contacté par Catherine, qui lui indique que le visage qu’il a sur la peau n’est autre que celui de sa fille disparue…
Ce pitsch, Nicolas Defoe le développe par des échanges épistolaires entre les différents protagonistes. Tour à tour, chacun prend la parole, dévoilant ses secrets et ajoutant une pierre supplémentaire à l’édifice surprenant construit par l’auteur. La narration s’envole en Argentine, dans les années sombres de la révolution du pays. Derrière l’anecdote du tatouage usurpé, se joue un thriller historique intéressant et bien ficele, il est juste un peu dommage que la fin du récit soit si nette.
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