Mustapha Belhocine est ce qu'on appelle aujourd'hui un « précaire » : condamné aux
contrats courts, il enchaîne des missions d'homme de ménage au pays de Mickey, de
manutentionnaire dans un célèbre magasin de meubles ou de « gestionnaire de flux »
chez Pôle Emploi - ce dernier poste consistant...
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Mustapha Belhocine est ce qu'on appelle aujourd'hui un « précaire » : condamné aux
contrats courts, il enchaîne des missions d'homme de ménage au pays de Mickey, de
manutentionnaire dans un célèbre magasin de meubles ou de « gestionnaire de flux »
chez Pôle Emploi - ce dernier poste consistant à renvoyer chez eux les impudents
chômeurs venus faire leurs réclamations en direct plutôt que sur Internet.
Armé des mots de Bourdieu, d'un bagout sans faille et de réflexes réfractaires aux ordres
illégitimes, il opère de lucides coups de sonde dans les bas-fonds de l'exploitation
moderne. Contrairement à Florence Aubenas ou à Günter Wallraff, journalistes s'étant
glissés dans la peau de précaires, Belhocine est un précaire par nécessité économique, qui
écrit ce qu'il vit pour consigner les cadences, les vexations et la pénibilité, mais aussi faire
éclater le ridicule, jusque dans sa langue, d'une organisation sociale exigeant de ses
« castmembers opérationnels et motivés » d'avoir le « sens du jeu ».