"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle a quitté ses terres, mais on ne sait pas ce qui l'a poussée vers ces terres du nord où le froid et la glace figent hommes et bêtes.
C'est là qu'elle fait la rencontre de Arden et de Jeff, alors qu'ils tentent de sauver une femelle orignal bloquée dans un trou de glace.
Arsen, la femme aux longues jambes et aux doigts d'araignée. Jeff celui qui l'accompagne dans sa mission, sauver et soigner les animaux blessés pour les rendre à la nature dès qu'ils vont mieux, chaque fois que c'est possible.
Alors qu'elle voulait aller jusqu'à l'océan, la narratrice dont on ne saura pas le prénom décide de rester quelque temps auprès d'eux et des bêtes à soigner. Au plus près de la nature, de la rivière Babine, du Petit Lac et du Grand Lac, des castors et des coyotes. À apprivoiser les bêtes, mais pas trop car elles ne doivent jamais perdre leur nature sauvage, à apprivoiser les sons, le chant des oiseaux, le bruissement des arbres, de la forêt, de l'eau, des éléments qui se déchaînent.
Peu à peu, en apprenant à vivre avec la nature, elle nous en dévoile davantage sur elle, sa vie d'avant, ses passions, ses envies, et se confronte chaque jour à ces paysages dans lesquels elle a su se fondre pleinement.
Chacun de trois principaux personnages à une dimension humaine forte, un lien avec son environnement qui façonne sa personnalité et nous les rend vivants et attachants chacun a sa façon, sauvage, secret, perdu, en mal d'amour ou d'amitié.
Un roman magnifique en ce qu'il nous fait découvrir la terre, les animaux, la nature autrement. Presque sensuellement, spirituellement, de façon très poétique aussi parfois, par touches quasi impressionnistes, il nous permet de nous en approcher sans la détériorer, de la comprendre sans vouloir la dompter, de s'y fondre, mais pas trop, car la nature n'a pas besoin de l'homme pour renouveler son cycle de vie, immuable, violent parfois, et toujours aussi beau.
Un jolie découverte poétique et sauvage.
https://domiclire.wordpress.com/2024/06/20/border-la-bete-lune-vuillemin/
L’auteure, dès le début du roman, nous plonge dans la réalité âpre de la nature sauvage de ce coin du Canada. Nous assistons au sauvetage d’une orignale enlisée dans un lac. La narratrice, qui se joint aux sauveteurs, décide de rester dans leur refuge qui a pour mission de soigner les animaux sauvages malades ou blessés.
Secondée par Jeff, Arden, est une femme qui garde ses mystères et qui fascine l’héroïne. Elles ont comme point commun leurs fêlures intimes et la rupture avec leur famille. Le travail est rude et le contact avec les animaux complexe, mais la narratrice se passionne pour cette vie au contact d’une nature sauvage et rude, à l’écart de la civilisation.
« J’ai peur de rester dans un endroit si calme mais l’odeur animale me retient. Les mains d’Arden aussi. Je ne le sais pas encore, mais ses doigts qui sentent la cannelle et l’écorce seront ce que je retiendrai d’elle. »
En même temps que cette nature rude et énigmatique, l’héroïne devra apprivoiser Jeff et Arden, personnages à l’unisson de leur environnement. A leur contact, la jeune femme va apprendre à décrypter les messages de la faune sauvage, de la forêt et de l’imprévisible rivière Babine. Cette nature qui n’a pas été domptée par l’homme peut se montrer hostile, voire cruelle. Mais l’homme l’est aussi quand il pose des pièges qui mutilent les animaux. Ce sont ces bêtes, victimes de la cruauté des hommes, que Arden et Jeff s’efforcent de sauver.
L’héroïne se raconte, elle parle de ce deuil qui n’en finit pas de l’accompagner, elle explore ses émotions, amour, colère, et ses cauchemars, le tout à travers le prisme de la nature qui est personnifiée.
Après la narratrice, c’est cette nature omniprésente et vivante qui est le personnage principal de ce roman. Elle est partout, tout le temps, il faut compter avec elle, suivre les saisons, accueillir le vivant mais accepter aussi la mort qui fait partie du grand cycle de la nature.
Et, pour nous faire sentir cette sauvagerie, pour qu’on sente ses aspérités, sa rudesse mais aussi sa résilience, l’autrice utilise une écriture au grand pouvoir évocateur, une poésie sensuelle qui peut être mordante, emportée et délurée. Le mystère se mêle à la vie, chamanisme, rites, vestiges païens.
Au printemps, c’est la débâcle et tout change très vite.
« Babine aussi change. Elle change de couleur chaque jour. Sa voix mue. Plus assurée et tonitruante, chanteuse d’opéra, gorge déployée, langue musclée, inarrêtable. Cette nuit, elle est sortie de son lit, ravissante mais ingrate »
Plus que l’intrigue, j’ai aimé la description de la nature, précise, intense, abrupte, avec une voix singulière, poétique et inventive. Il y a une vraie pulsion créative qui donne sa force au texte et qui ne peut laisser insensible.
" Jeff dit que le matin, la forêt raconte des histoires du bout des lèvres et que le soir, elle chante de sa voix de tête. Et la nuit ? Il refuse de sortir la nuit. Il dit que l'humain colonise déjà assez l'espace sauvage ou ce qu'il en reste. La forêt a aussi besoin de notre absence. [...] Qu'est-ce qui se tait quand nous sommes là ?"
Une jeune fille endeuillée, cabossée rencontre deux êtres qui ne le sont pas moins, alors qu'ils essaient de sauver une orignale. Elle décide de stopper sa fuite en avant et de s'investir à leurs cotés dans leur refuge pour animaux sauvages. Elle ne le sait pas encore mais au sein d'une forêt profonde et vivante, avec la rivière chantante Babine, au fil des saisons elle va vivre une expérience extraordinaire qui va l'aider à se reconstruire, à "combler les interstices"...
Un roman que l'on peut qualifier de nature writing mais que j'ai trouvé tellement plus riche que tous ceux que j'ai pu lire jusqu'alors. Lune Vuillemin d'une plume douce et poétique emporte son lecteur d'une façon sensorielle inédite et puissante, lui donnant à ressentir le Vivant avec un vocabulaire précis, riche, d'une finesse inouïe...
"Il nous faudrait, en fait , inventer un dialecte du territoire, former un nouveau dictionnaire de cette chose mouvante, changeante et tenace qu'est la nature."
Merci à Lecteurs.com pour ce livre gagné à un concours.
Personnification:
Ce roman est singulier par son écriture. On suit la vision de la narratrice qui décrit, ressent, vibre au contact de la nature et des animaux. La nature est totalement personnifiée, semble vivante, notre égale. Cette poésie et ce renversement de perpective sur notre environnement déroute au début. Avec ces références au bruit, souffle, aux descriptions minutieuses qui font écho aux sentiments de la narratrice. Outre ce fil rouge d'une faune et flore vivante, réelle, personnage à part entière du récit qui est souvent le reflet des ombres, des souvenirs et des épreuves du personnage principal, notre narratrice côtoie 2 personnages singuliers. Arden la taiseuse, à l' allure particulière et Frank qui explique, se prête au jeu de decrire les bruits de la nature pour en faire un herbier sonore.
A la fois réflexion sur la cruauté intrinsèque de la nature avec la scène de l'orignale du début, de celle des hommes vis à vis de la nature avec les castors. Le roman est aussi une quête de redemption, de réparation au contact du froid, des arbres, des animaux sauvages qu'on nourrit, protège, soigne. Le roman a une dimension très sensorielle, olfactive, s' attache à dire le monde à travers les gestes, bruits, lumière et le quotidien des personnages. Parfois on a l'impression d être dans un tableau, un songe, j 'ai aimé ce côte visuel, l'etrangeté au départ des personnages qui se dévoilent au fil des pages comme les animaux et la nature qu'on apprivoise. On s'habitue à cette langue visuelle et basée sur les cinq sens, aux personnages. On les observe évoluer, leurs sentiments, leurs secrets revelés. La manière de decrire et donner une place à la nature m a fait penser à la litterature quebecoise de Michel Jean, Filteau Chiba ou Guay Poliquin. J' ai aimé aussi la sensualité du roman et les liens entre les personnages. Jusqu'au bout, l'auteure tient sa promesse et fait de ce récit un livre à part. Une très belle découverte que ce roman.
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