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Samuel est parti en voyage d'affaire pour quelques jours. Jusqu'ici rien d'extraordinaire car son métier exige de fréquents déplacements. Y étant habitué, la narratrice ne s'inquiète de rien. C'est donc dans un mélange de surprise et d'horreur qu'elle apprend qu'il ne reviendra jamais à la maison ?
Comment comprendre cette catastrophe ? Son métier est de traduire des textes médicaux, pourtant elle ne sait toujours pas pourquoi un coeur arrête subitement de battre, tout comme elle serait incapable d'expliquer le phénomène de la vie ou même des larmes.
C'est au cours de cette mésaventure que la narratrice remarque également la bêtise des phrases toutes faites : trouver la mort, disparaître dans un accident, perdre un proche... Autant dire des expressions incohérentes créées pour ne pas avoir à dire les choses telles qu'elles sont.
Beaucoup d'auteurs se sont risqués à mettre en scène un personnage confronté à la mort d'un proche, mais rare sont ceux dont le talent égale celui de Lise Benincà. Là où certains seraient tenter d'insister sur des sentiments trop déprimants pour être vrais, l'auteure préfère parler d'une sensation de vide intérieur inexplicable, certainement parce qu'il est impossible de mettre des mots sur ce qui n'existe plus...
Pour ce deuxième roman à paraître le 25 août et publié aux éditions Joëlle Losfeld, Lise Benincà nous prouve son talent avec l'histoire de cette jeune femme qui appréciera de nouveau la vie avec Les oiseaux de paradis ?
Trois personnages animent Les oiseaux de paradis : Samuel régulièrement à l'étranger pour des conférences, sa compagne, la narratrice, traductrice scientifique et Flavie la soeur de Samuel modèle pour les élèves des Beaux Arts. Ils vivent dans une douce harmonie, heureuse, jusqu'au jour, où, alors que le fumet du rôti attend le retour de Samuel du Brésil, une voix inconnue au téléphone bouleverse le présent comme le futur, il revient mais mort : «Je suis au regret de vous annoncer que monsieur Laugier a trouvé la mort dans le taxi qui le conduisait à l'aéroport». Nous allons suivre la narratrice dans son deuil brutal avec d'abord la sidération qui la saisit puis la colère avant de laisser le chagrin l'envahir. Même si elle avait naturellement conscience de leur condition de mortels, la surprise est immense et douloureuse. Quelques bouées de sauvetage vont nous aider à ne pas sombrer avec elle : les descriptions microscopiques, froides et précises («l'infini des détails qui nous composent») des tissus du corps humain qu'elle est chargée de traduire, Flavie qui partage sa peine immense, les mots que Flavie vole et note dans son petit carnet et avec lesquels la compagne de Samuel semble se saouler, les longues phrases qui nous empêchent de reprendre notre souffle, le Jardin des Plantes où elle arrive enfin à observer de nouveau la vie autour d'elle : d'abord le Muséum d'Histoire Naturelle «suspendu entre la vie et la mort avec ses squelettes et ses animaux naturalisés» puis les passants, les fleurs et les oiseaux, et enfin Arnaud, dessinateur d'oiseaux de paradis qui lui donne envie «pour la première fois depuis longtemps de connaître la suite de l'histoire». Un livre émouvant, une écriture enveloppante dépeignant une résurrection face au deuil : «il y a toi qui n'existes plus ; il y a moi qui existe encore. On ne sait pas à quoi cela rime» mais on finit par accepter de nouveau «de faire partie de ce cycle, de cette éternité».
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