Kikka nous propose le récit d’une descente aux enfers , façon thriller. Et pourtant, le décor est d’une banalité ordinaire, les locaux d’une entreprise internationale. Et l’héroïne est une jeune femme dynamique, active et créative, une executive Women, menant de front vie familiale et professionnelle, avec courage et entrain. Jusqu’au jour, où le président qui la soutenait dans ses efforts pour faire progresser l’entreprise, est remplacé par quelqu’un qui d’emblée la prend pour cible. Mails à toute heure, injonctions contradictoires, bruits de couloirs, petites phrases qui tuent, c’est le harcèlement et ses séquelles : la perte de confiance en soi, les erreurs liées à la fatigue, et le corps qui finit par crier grâce.
C’est terriblement bien décrit, point n’est besoin d’avoir été le témoin de tels faits pour en apprécier l’analyse. Les mécanismes en marche, les réactions en chaîne au sein d’une équipe, l’impunité des agresseurs malgré tout, et la difficulté de s’attaquer au phénomène, d’autant que la personne harcelée est fragilisée par des mois voire des années d’un travail de sape, tout cela est très bien rendu.
Le plus difficile est sans doute de se reconnaître comme victime et non comme coupable...
L’écriture est factuelle et sobre, mais l’énormité de ce qui est relaté justifie l’’absence d’une emphase, qui serait au contraire contre-productive.
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2021/03/je-ne-te-pensais-pas-si-fragile-de-kikka.html#more
Clotilde, la quarantaine, est une femme hyperactive, passionnée et toujours à l'affût de nouveaux défis professionnels,"happée par l'ivresse et l'addiction à sa carrière". Elle occupe un poste au sein d'un groupe néerlandais de cycles, Bike Wick. Le patron, M. Van Der Klipp, lui donne carte blanche pour développer l'activité en France, elle devient directrice commerciale dans la filiale française de cette entreprise qu'elle perçoit comme profondément humaniste et dont elle partage les valeurs. Elle s'épanouit dans son poste, donne entière satisfaction et gagne l'estime de ses équipes. Une vraie Wonder woman à la vie trépidante, un tsunami... qui adorait son travail malgré le stress et jonglait entre ses différentes vies.
Un an plus tard, tout bascule avec l'arrivée d'un nouveau président de Bike Wick France, Karl Liechtenstein, un homme au management toxique. Un engrenage infernal commence...
Ce roman est largement inspiré de l'histoire personnelle de l'auteure, il démarre à la clinique psychiatrique où elle est hospitalisée, il raconte son parcours jusqu'à sa chute, sa renaissance et son combat judiciaire pour regagner sa dignité.
Après quelques chapitres qui nous permettent de cerner sa personnalité, Kikka relate sa rencontre avec son nouveau manager qui accumule immédiatement à son égard reproches, humiliations et brimades. Il s'ingère dans son travail, la dépossède de certaines de ses responsabilités, l'accable d'injonctions contradictoires et la discrédite auprès de ses collègues. Appauvrissement des tâches paradoxalement associé à une surcharge de travail, pression même pendant un arrêt de travail, perte d'autonomie, manipulation, tous les ingrédients du harcèlement moral sont là... Elle est la première cible du manager mais d'autres employés vont bientôt subir ses manipulations créant une ambiance oppressante de méfiance où chacun se replie sur soi. Kikka nous décrit parfaitement l'engrenage qui l'a menée à l'effondrement, au burn-out, ses premières réactions, les signes qui ne l'alertent pas, les réactions de son entourage, ses sentiments de doute et de culpabilité d'être tombée dans un piège et d'infliger une souffrance à son mari et ses filles.
Mais ce témoignage va au-delà de cette simple description. En effet, Kikka analyse ce qui lui est arrivé. Aidée par un psychiatre, un médecin du travail, un médecin d'une unité spécialisée dans la souffrance au travail à l'hôpital, elle s'interroge sur les causes de son effondrement : Pourquoi le manager s'est-il attaqué à elle ? Quelles fragilités a-t-il perçues en elle ? Pourquoi s'est-elle laissée entrainer dans cet engrenage ? Comment aurait-elle pu éviter toute cette souffrance ? Comment un président d'une société aux valeurs à priori très humanistes peut-il cautionner le comportement de ce manager ?
On la suit dans ses prises de conscience progressives au fur et à mesure de son écriture lors de son séjour dans une clinique psychiatrique où son médecin lui demande d'écrire pour se comprendre et se reconstruire. C'est cette introspection issue d'une demande thérapeutique qu'elle a transformée en roman.
Ce témoignage est admirable par la prise de recul de l'auteure. Courageux et sincère, bien écrit, ce texte raconte les rouages d'une destruction et les chemins d'une reconstruction. Il délivre un message d'espoir à ceux qui traversent ce genre d'épreuve, Kikka montre qu'on peut rebondir après un burn-out, vivre autrement en acceptant enfin de s'écouter et de prendre soin de soi.
A noter la couverture très réussie d'un bleu canard, couleur de l'affreuse cravate dont son patron était très fier et qui donnait souvent envie à Kikka de l'étrangler. Le titre est la phrase que son bourreau a prononcée quand elle a pleuré pour la première fois devant lui.
Kikka a la volonté de partager son expérience et a entamé un road trip à travers la France dans son combi Volkswagen à la rencontre de ses lecteurs pour aider d'autres personnes dans sa situation, éveiller les consciences sur la place de l'humain dans l'entreprise aujourd'hui et libérer la parole sur ce sujet tristement d'actualité qu'est la souffrance au travail.
Après de premières expériences professionnelles en solo (création d'entreprise, commerce), Clotilde a choisi le salariat après la naissance de ses filles et est entrée chez Bike Wick, un fabriquant de cycles néerlandais.
Toujours riche de bonnes idées, elle y a développé le e-commerce, renforcé les forces de ventes, et même appris le néerlandais tout en étant appréciée de ses équipes et de sa hiérarchie.
Jusqu'au jour où arrive un nouveau directeur France, autoritaire, centralisateur à l'extrême, pinailleur et hostile à toute autonomie de ses collaborateurs.
Insidieusement il sape la confiance de Clotilde, l'humilie, l'enfonce dans une entreprise où chacun désormais ne songe qu'à sauver sa peau.
L'auteur nous raconte la lente descente aux enfers d son héroïne, qui grâce à l'amour de ses proches, l'écoute d'un médecin de travail (oh, ça existe ! celle que j'ai le plus connue était les oreilles de la Direction !), de son médecin, l'aide financière de sa famille arrivera à s'en sortir.
Un roman très dur, que j'ai dû poser à de nombreuses reprises tant les situations évoquées étaient anxiogènes.
Un témoignage qui montre aussi qu'on peut s'en sortir qu'il faut se donner le temps, accepter les aides, et se reconstruire et retrouver la confiance.
Un seul bémol : j'aurais bien aimé savoir ce qu'est devenu l'héroïne après avoir surmonté cette épreuve, quel travail a-t-elle retrouvé, dans quelle voie s'est elle orientée, comment a-t-elle rebondi une fois cette mauvaise expérience passée derrière elle .
Je ne te pensais pas si fragile, titre du livre mais aussi phrase condescendante d'un patron méprisant, humiliant et harcelant à l'une de ses directrices commerciales qu'il poussera au burn-out. Un très beau témoignage de femme ayant tenté de tout mener de front: carrière, couple et enfants et qui a basculé à cause d'un harceleur pervers. A lire pour que cela n'arrive plus!
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