"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Parfois, on se retrouve confronté à des ouvrages tellement atypiques que l’on passe complétement à côté … Et c’est bien ce qui m’est arrivé avec Sous béton. Le résumé me promettait un huis clos mystérieux et angoissant, mais ne me préparait pas à ce que j’allais véritablement trouver derrière cette couverture assez intrigante, qui exprime finalement bien ce qui finit par arriver - je crois - dans l’histoire. A vrai dire, je ne suis certaine de rien à propos de ce roman : j’ai la vague impression de ne pas avoir tout compris. Mais y a-t-il véritablement quelque chose à comprendre ? J’ai comme le sentiment que le sens de ce livre ne m’apparaitra clairement que dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois peut-être. Message à retardement. Ou bien message perdu à jamais dans le néant, comment savoir ?
L’enfant n’a pas de nom, juste son matricule et son numéro d’identification médicale. A quoi bon lui donner un nom ? Il sera comme la mère, comme le père, comme tous les autres résidants de l’Edifice. Il nait, il grandit, il se putréfie. S’il n’est pas expulsé avant. L’enfant est le même que les milliers d’autres enfants de l’Edifice. Il est le même que les milliards d’individus parqués dans cet immense bâtiment en Béton Total. Quotidien immuable, cycle sans cesse renouvelé. Réveil, avalage des nutriments, absorption du Savoir, sommeil. Et ainsi de suite. Jusqu’à ce que l’abrutissement ou la pourriture s’empare de l’esprit et du corps. Jusqu’à ce que la répétition incessante soit perturbée par une disparition. Celle de l’enfant.
Le premier tiers de ce roman est intriguant. Comme le sont tous les romans d’anticipation à penchant dystopique. Une humanité enfermée dans un immense édifice de béton, condamnée à l’immuabilité, à l’immobilité, à l’impassibilité. Dehors, le néant, le chaos. Du moins, c’est ce que l’on dit, ce qu’on l’on apprend, ce que montre les informations quotidiennes. C’est ce que répète le père à l’enfant trop curieux, avant de le punir pour cette curiosité, pour cette pensée. Car au sein de l’Edifice, on ne pense pas. Penser, se questionner, poser des questions, c’est mettre en danger tout l’équilibre de l’Edifice. L’Edifice est là pour les protéger de l’extérieur, de la violence et de la mort qui y rôdent. J’ai plutôt apprécié cette première partie, elle était assez intéressante, car on était finalement dans un système dystopique poussé à l’extrême avec l’enfermement de tous dans une petite cellule « familiale » en béton pour protéger ce qu’il reste de l’humanité. On s’interroge sur les causes de cette organisation, sur sa naissance, sur ses dirigeants …
Le second tiers, quand à lui, est surprenant. Un tournant survint : l’enfant nous raconte comment, un jour, une question s’est imposée brusquement à lui. « Pourquoi je me demande pourquoi ? ». La passionnée de philosophie que je suis s’est brusquement écriée : la naissance de la conscience ! A ce moment-là, même si je commençais à trouver ce roman vraiment très étrange, j’étais encore suffisamment intéressée par « l’histoire » pour me réjouir. De grands questionnements métaphysiques, existentiels, étaient résumés par l’apparition du « semblable », cet « œil au cerveau », cette présence au fond de lui qui n’était pas un organe, pas de la chair, mais quelque chose d’autre, d’indéfinissable, qui n’était jamais mentionné dans le Savoir. L’enfant prenait conscience de lui-même, de sa propre pensée, de sa propre existence, non pas en tant que corps mais en tant qu’esprit. Ça commençait à devenir bizarre, cette histoire.
Mais le dernier tiers, lui, est carrément déroutant, troublant, dérangeant. Une des découvertes que l’enfant fait, une fois libéré de la frontière physique de son corps, une fois libre de parcourir en esprit l’intégralité de l’Edifice, m’a tout simplement écœurée. C’est révoltant, rebutant … mais on sent confusément qu’il y a un sens, un message, derrière cette situation. En creusant un petit peu, on peut ainsi s’interroger sur notre système économique, que la guerre rend fleurissant même si on se voile la face. La mort des autres permet de faire tourner notre système. C’est cruel à dire, mais c’est bien ce que montre ce livre d’une façon bien plus imagée, mais surtout bien plus répugnante encore. Surtout, ne lisez pas ce livre pendant les repas, c’est un conseil que je vous donne ! Mais ce que je reproche vraiment à cette ultime partie, c’est d’être parfaitement incompréhensible du point de vue de « l’histoire ». Je n’ai pas réussi à saisir ce qui arrivait réellement à l’enfant, ce qu’il se passait véritablement. La narration, très particulière j’en conviens, n’est vraiment pas claire. Du coup, je n’ai rien compris à la fin. Et par extension, je n’ai rien compris à « l’histoire » (si histoire il y a !) …
En bref, un roman qui débutait plutôt bien, mais qui finit en bouillie littéraire inintelligible. C’est oppressant, c’est angoissant, mais surtout, c’est déconcertant. Je suis à la fois très perplexe et très frustrée : j’ai le sentiment d’avoir le cerveau anesthésié par cette plume trop atypique pour raconter une histoire compréhensible. Alors, on tourne les pages, plus par automatisme qu’autre chose, sans véritablement savoir ce que l’on lit, sans en saisir le sens. Une expérience littéraire, certes, mais qui n’est à mes yeux pas concluante du tout. Ce livre aurait écrit en chinois que cela m’aurait fait le même effet : mais qu’est-ce que ça veut dire que tout cela ? C’est dommage, mais c’est vraiment la seule chose qui ressort de cette lecture, fort heureusement assez courte !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/04/sous-beton-karoline-georges.html
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