"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lorsque j'étais enfant, les strips étaient de véritables trésors ! Dénichées dans des journaux ou des programmes télévisés, ces quelques cases étaient lues et relues avant d'être précieusement découpées puis collées dans un cahier. L'intérêt de la lecture et l'attente inéluctable était alors pimentés par le besoin de donner naissance à un album de bandes-dessinées qui prendrait vie chaque semaine. Il existe encore dans la presse quotidienne ou hebdomadaire ces strips mais cette déclinaison façon Neuvième Art du bon vieux feuilleton littéraire est aux Etats-Unis une véritable institution. La plupart des super-héros de l'écurie Marvel ou DC ont eu droit à leurs « strips » et dans le cas de Spider-Man, qui nous intéresse aujourd'hui, ces strips paraissaient encore lors de la parution du premier volume de cette anthologie en France en 2007.
Dans le courant des années 1970, Stan Lee, créateur mythique de Daredevil, Hulk et consorts cherchent une manière de relancer sa plus célèbre création dont il n'écrit plus les aventures depuis quelques années. Par création, je veux bien entendu parler de Spider-Man, alias l'homme araignée, alias le Tisseur. Né alors en lui l'idée de transposer les aventures de son super-héros sous la forme de strips. Il s'adjoint les services du dessinateur John Romita Sr et ensemble proposent une maquette - offerte en V.O. dans les bonus de cet ouvrage - à un (ou plusieurs) quotidien(s) (les « annexes » proposées en bonus ne le précisent pas). « Spider-Man » commence à paraître dans la presse en format strips à partir du 3 janvier 1977 à raison de quelques cases par jour.
Sont rassemblés dans cette anthologie, l'ensemble des strips parus dans la presse quotidienne américaine du 3 janvier 1977 au 28 janvier 1979, deux années réparties en douze aventures bien entendu liées entre elles. Pour transposer Spider-Man dans ce format, Stan Lee Et John Romita Sr ont en effet dû repenser l'univers de Spidey, simplifier les intrigues, multiplier ce qu'on appelle aujourd'hui les « cliffhangers » tout en conservant l'essence même des aventures de l'homme araignée : ses ennemis légendaires, son sens de la répartie, ses états d'âme et bien entendu son entourage incarné principalement par Tante May et Mary-Jane Watson. Quelques différences apparaissent donc entre les comics originels et les strips, mais cela a avant tout pour but de fluidifier l'intrigue et de tenir en haleine le lecteur tout en lui proposant une déclinaison originale d'un univers qui est pour beaucoup de lecteurs familier.
La première chose qui frappe lorsqu'on entame la lecture de cette anthologie, c'est la volonté de coller à l'actualité. Volonté délibérée de la paire créative ou influence de la presse quotidienne qui sert de cadre aux aventures de Spidey ? Quoiqu'il en soit, le Peter Parker des strips est un super-héros des années 1970 et a en conséquence les goûts esthétiques et culturels ainsi que les préoccupations de son époque. L'élue de son cœur, Mary-Jane Watson en est un bel exemple, une femme libérée, sensuelle, quelque peu provocante. Si elle partage les mêmes rêves de gloire que dans les films de Sam Raimi, la Mary-Jane Watson version « Strips » est quelque peu superficielle. Etudiant, mais également photographe par intermittence pour le Daily Buggle, Peter Parker arbore un brushing soigné, danse le disco et vit, la plupart du temps du point de vue du Super-héros, les bouleversements de son temps. La montée du terrorisme, la Guerre Froide qui place la menace du côté de la Russie ou de la Chine et incite certains à faire la chasse aux communistes, les dérives de la presse à sensation, autant de sujets et d'événements qui nourrissent le quotidien de Spidey. Ces bouleversements inquiètent la population de l'époque et donnent parfois lieu à des réactions épidermiques illustrées par les errances verbales de J. Jonah Jameson, éditeur du Daily Bugle qui multiplie les joutes avec Spider-Man. Allergique « aux faits », ce magnat de la presse donne régulièrement du fil à retordre à l'homme araignée qu'il rêve de mettre hors d'état de nuire sans savoir qu'il l'emploie sous sa réelle identité.
Lire cette anthologie en respectant la chronologie permet de constater l'évolution des strips, aventure après aventure. Au départ, Stan Lee et John Romita Sr ont mis en place un schéma qu'ils abandonneront par la suite. Spidey sent un danger, un ennemi apparaît, semble au premier abord imbattable, mais est finalement défait. Les origines du mal nous sont dévoilés et l'on sait comment et pourquoi le « villain » est devenu « villain » - la plupart du temps une expérience scientifique qui a mal tourné - avant que la ou les dernières cases ne laissent entrevoir ou entrapercevoir le danger suivant. Cette approche de lecture permet également de se rendre compte qu'il n'y a aucun temps mort entre les différents segments et qu'il existe des liens entre eux qui font l'objet de rappels réguliers.
Certaines aventures sortent du lot, « Retour à la réalité » au cours de laquelle Spider est victime d'illusions créées par le Dr Fatalis et perd peu à peu la raison, « Les origines de Spider-Man » qui, diffèrent légèrement de l'histoire originale, « Drame à l'O.N.U. » ou « Le terroriste » qui abordent des thèmes très contemporains ou « La danse de la mort » dans laquelle les doutes et questionnements de Peter Parker sont à leur paroxysme. Si certains ennemis comme le Crotale ou Kraven auraient quelques difficultés à trouver le cœur des fans à notre époque, car ils semblent un peu « datés », l'ensemble de cette anthologie, malgré l'ancrage dans son époque, donne lieu à de belles heures de lecture
L'objet en lui-même est plutôt réussi, proposé en format paysage dans un noir et blanc soigné et lisible avec quelques annexes sympathiques dont un glossaire très utile. Un seul petit bémol a légèrement entaché ma lecture. Je ne sais pas s'il s'agit d'une erreur d'impression générale ou simplement sur l'exemplaire que j'ai emprunté mais les pages 89 à 112 ont tout bonnement disparu, ce qui m'a empêché de connaître le dénouement final de « Le crotale » et la première partie de « Le masque et la folie ».
Si certains d'entre vous l'ont lu ou l'ont en leur possession, je suis curieux de savoir ce qu'il en retourne.
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