Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Remarque préalable à mon article : Jérôme Fansten est un fou dangereux ! Le vrai Jérôme Fansten, l'écrivain, pas son double -pour le coup le mot est à prendre dans les deux sens puisqu'ils sont deux- de papier. Seconde remarque : les doubles sont barrés eux-aussi. J. Fansten, le vrai, il prend son nom, ses professions, sans doute certains de ses traits de caractère et se met donc en scène dans un rôle d'entité : "Non, je ne suis pas schizo. Nous sommes vraiment deux..." Et puis tant qu'il y est, il ajoute d'autres vraies personnes auxquelles il prête des propos et des actes dont elles sont sans doute incapables sauf dans la fiction. Il insère également dans son bouquin des mails, des conversations sur Internet entre L. et lui, des extraits des notes de l'entité et même une photo. Un bouquin absolument original sur la forme, qui l'est pareillement sur le fond. Ce pourrait être un énième polar sur une vengeance et l'on se trouve dans un roman difficile à classer. Noir, sûr ! Jérôme Fansten joue avec les notions de réalité et de fiction brillamment. Lorsqu'en tant qu'entité, il décide -sur les conseils de son éditeur Stephen Carrière- d'écrire un Manuel de dramaturgie, il prend des notes, fait des recherches, et c'est à la fois ce Manuel, le compte-rendu des assassinats et leur préparation, les relations mère/fils et frère/frère, la naissance et l'évolution de la relation amoureuse avec L, les démêlées avec le grossiste de drogue et les craintes que la police ne les découvre, c'est donc tout cela que l'on découvre dans ce livre. Bien que copieux, il n'est jamais ennuyeux ni confus. Totalement maîtrisé, les révélations ou rebondissements arrivent parfois juste au détour d'une phrase. Des explications comme cette manie de décrire les tenues vestimentaires des invités des sauteries parisiennes que l'entité-dealer fréquente avec les noms des marques -d'aucuns y verront même un agaçant name-dropping qu'ils vénèrent sans doute chez d'autres, comme Brett Easton Ellis- arrivent plus tard. Enfin, bref, je me suis régalé de bout en bout.
C'est un roman noir social, totalement ancré dans l'époque, qui parle du monde du cinéma, de celui de la littérature -sans doute avec outrance ?-, Jérôme Fansten n'est pas avare de petites vacheries -sans citer de noms- sur certains types d'acteurs ou d'écrivains putassiers (mot qui revient plusieurs fois) qui, pour réussir sont prêts à toutes les compromissions même -et surtout ?- lorsqu'elles concernent leur travail. J. Fansten se balade également dans ses ouvrages précédents -qu'il n'est pas obligatoire d'avoir lus, la preuve je n'ai pas lus ceux dont il parle moi-même-, n'hésitant pas à épingler quelques critiques un peu courtes, peu aimables et pas vraiment argumentées.
Je classe sans hésiter Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins dans ma catégorie Coups de cœur, comme je l'avais fait avec l'autre roman de Jérôme Fansten que j'ai lu, L'amour viendra, petite !
Le titre me rappelle un bouquin qui, sur le fond n'a rien à voir, de P. Desproges, Manuel de savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis ; dans certaines pages du Manuel de J. Fansten, j'ai retrouvé des accents desprogiens : humour vache et noir, un brin désespéré, amour des belles lettres et plaisir de jouer avec les mots et les niveaux de langage. Lorsque je cite Desproges, comme référence, comprenez que pour moi, on est dans le haut du panier...
N'hésitez pas !
Bon, voyons voir, comment parler de ce bouquin sans l’affadir, sans le prendre pour ce qu’il n’est pas et ne pas le laisser pour ce qu’il est ?
« Je fouille la poubelle et débusque une vieille bouteille de Jack Daniel's. Une bouteille vide. Enfin, vide... façon de parler... Une petite corolle d'or brun clapote encore au fond du culot. Je l'ai jetée trop tôt. » pourrait être le refrain de cette longue chanson écrite à l’encre noire et verte. Noire parce que, bien sûr, c’est un polar ; verte car le langage employé est égrillard et paillard, mais jamais obscène.
J. est un privé à l’ancienne sans le sous, sans beaucoup de travail qui se définit ainsi : « J, queutard émérite, porte-flingue décoratif et soyeux ; détective au rabais… Me voilà » et nous voici prévenus. Pour essayer de se renflouer, il doit accepter un peu n’importe quoi, comme sexe-toy chez une vieille frapadingue riche, lave-vaisselle chez l’usurier pourri très jaloux dont il doit surveiller la femme mais sauter, sur injonction paternelle, la fille nymphomane.
Vous aurez du kidnapping, des coups de feu, des têtes qui parlent, du vraisemblable et de l’invraisemblable. La langue verte et fleurie avec hommages aux grands du Polar comme Simenon ; des auteurs comme Vian auquel il dédit son interlude (Un moment pas piqué des vers), Roland Barthes, Rimbaud et beaucoup d’autres. Les femmes y ont pour nom Tristesse, Confiance (retrouvée en morceaux)…
J’ai aimé l’humour noir, acide, désespéré qui émane de ce livre. Il y a de l’Audiard, du Blondin, voire du Bikowski chez Jérôme Fansten. Je n’aurais garde d’oublier René Fallet lorsqu’il écrivait sous Bourgogne (le vin rouge bien sûr !). L’écriture est brillante, luxuriante (normal pour ce privé vivant dans la luxure). Le tout sur fond de jazz. L’impression d’un grand bordel, d’un grand foutoir organisé avec des phrases qui font mouche, qui tuent le moucheron à cent pas. J’aurais presque pu recopier tout le livre tant je me suis régalée. Vous connaissez mon amour des jeux de mots, je vous laisse imaginer la gourmandise avec laquelle j’ai dégusté ce bouquin presque d’une seule traite, faut pas être trop goulue et en laisser pour le lendemain.
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