"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Voici un livre sorti des profondeurs – auteur inconnu éditeur modeste, qui nous emmène vers les hauteurs. Celles du Haut-Gévaudan qui unit Margeride et Aubrac entre Allier, Truyère et Lot. Jean Rodier possède une petite maison dans un hameau perdu de la Lozère, je l’imagine dans son jus. Sa passion est la pêche, il pêche depuis l’enfance, il pêche en remontant les rivières les ruisseaux les rus dont il aime trouver les sources jusque dans les tourbières où l’eau sourd de mille trous. Il pêche et il regarde, la flore et la faune, aquatiques ou terrestres, il parcoure inlassablement les chemins et les drailles, se courbant sous le chablis, pénétrant le roncier, traversant la devèze que strient les murets de pierres amassées. Il y trouve apaisement des sens et stimuli des neurones, voyant dans un chaos de rocs « comme une pensée neuve et audacieuse surgie de la méditation de la lande. »
N’allez pas croire que ce récit se cantonne à des épisodes de pêche ! Il embrasse le paysage, étreint la nature, fait l’amour aux arbres, aux plantes, aux oiseaux, aux insectes, aux poissons, au gibier et à toutes les bestioles des monts et des vaux… Tout ce qui porte feuilles, plumes, poils, écailles, mandibules est honoré, engrossé de sa prose sauvage. C’est qu’à l’altitude de la province, fait écho l’élévation du style, jouant de mots savants (ou oubliés), d’images inouïes, d’évocations primitives, de souvenirs ancestraux, de scènes enchanteresses… Beauté de la nature surprise dans son intimité, dégagée de sa géologie, nue et vierge ! L’homme, cultivé, est possiblement géographe, on pense à Julien Gracq et aux romanciers américains des grands espaces, sa minutie est japonaise.
J’ai lu le récit carte routière à la main, je le relirai IGN sous le coude pour jouir de la randonnée dans ces régions que je vénère et pour fêter les mots.
A l'affût des reflets argentés de la Truite fario, Jean Rodier nous distille le bonheur d'être, sur la rive des ruisseaux en Aubrac et Margeride. Une invitation à se perdre dans les méandres humides de terres encore intactes, peut-être y percevoir l'ombre, discret salmonidae à l'odeur de thym, au milieu des callunes, jonquilles et autres enchantements des sens. Quel plaisir de suivre le cours de ces pages sensibles, propices à la rêverie et musarder sans la ligne droite du temps et des hommes «dans le renoncement à tout dominer, asservir, retailler, redresser...».
Une très belle leçon de choses et de vie !
Récits de départ de bon matin pour trouver la truite dans un ruisseau perdu au fond d'une combe. Fabuleux, précis d'une connaissance poétique du monde à la façon des anciens, savouré comme l'on ne prend plus guère le temps de savourer. Les fleurs, les poissons, les oiseaux, les arbres, les collines et les ruisseaux sont nommés, comme dans les légendes de jadis. Et l'on foule du pied botté les herbes fraîches et odorantes, la canne à pêche à l'épaule.
C'est une fenêtre ouverte, par laquelle nous respirons un air de montagne, vivifiant, d'où nous parvient la rumeur désaltérante d'une eau fraîche et bruissante.
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