"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’enfant du divorce
Jean-Michel Olivier raconte les «pères du dimanche» et leur vie déchirée, ici doublée d’un éloignement géographique entre la Suisse et la France et plus tard les États-Unis. Une réflexion aussi lucide que désenchantée.
Le narrateur de ce roman vit depuis des années entre la France et la Suisse, entre Genève et Paris. Quand s'ouvre le roman, il rejoint la capitale pour y passer le week-end avec son fils, comme tous les «pères du dimanche». Après avoir rendu l'enfant à Leslie, sa mère, il repart pour Genève et se remémore sa rencontre avec son ex-femme, fille d'une bonne famille de Chicago.
C’est à l’ambassade de Suisse de Paris qu’il avait rencontré cette journaliste américaine et que très vite tous deux avaient fini à l’horizontale, peut-être à leur propre surprise. Mais la chimie à l’air de prendre, leurs cultures différentes devenant objet de curiosité qui pimentent une relation qui devient de jour en jour plus évidente. Jusqu’au mariage – que la belle famille de Romain voit d’un œil circonspect – et à la naissance de leur enfant. Le grain de sable qui va enrayer la machine si bien huilée va survenir avec l’élection de Donald Trump. Une catastrophe pour Leslie dont Romain ne saisit pas la gravité. Pire encore, il va se permettre une remarque ironique qui va détruire leur couple en quelques secondes.
On pourra dire que le ver était déjà dans le fruit, que le temps avait commencé son travail de sape et que la fameuse usure du couple était inévitable dans une telle constellation. Les sociologues du XXIe siècle noteront que les couples divorcés constituaient désormais la norme. Un symbole de plus dans un monde incertain.
Une évolution des mœurs qui, comme fort souvent pour les faits de société, ne s’accompagne pas d’une législation adaptée et qui finir de déstabiliser Romain.
Déjà dans le mariage il cherchait sa place de père. En-dehors, il ne la trouvera pas davantage.
Le titre de ce roman est ironique, mais il peut aussi se lire phonétiquement: «faites des pères». Car Jean-Michel Olivier en fait aussi une réflexion douce-amère sur la paternité, sur le rôle dévolu à cet homme qui ne voit son enfant que par intermittence. Comment dès lors construire une relation solide? Comment transmettre des valeurs qui pourront être balayées en quelques secondes par l’ex, sa belle-famille, son nouvel homme? Ceci explique sans doute pourquoi, le jour où la mère n’est pas au rendez-vous – elle qui est si pointilleuse sur le respect des règles – il décide de s’offrir une escapade avec l’enfant pour lui montrer un coin de terre sauvage, pour lui dire aussi combien ses lectures l’ont formé, pour l’encourager à développer son propre libre-arbitre. Sous l’égide de Nicolas Bouvier, il retrouve l’île d’Aran et des émotions qu’il croyait oubliées.
Si mon expérience de père divorcé a forcément joué dans l’empathie ressentie pour cet anti-héros, je me suis demandé en refermant le livre si ma lecture était avant tout «masculine». En tout état de cause, je me réjouis de débattre avec les lectrices…
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Je suis Personne ! Et vous ?
N’êtes-vous non plus
Personne ?
Emily Dickinson.
« Au-delà d’un certain point,
on ne peut plus revenir en arrière.
C’est ce point qu’il faut
chercher à atteindre. »
Franz Kafka.
Vous, les pères du dimanche, ce livre est pour vous, elles et deux toits pour oraison. Ce livre tremblant d’humanité, à mille mille d’un fait divers, d’une lecture pragmatique est la mappemonde d’une filiation exemplaire, sans pathos. Résolument digne, ce roman poignant lève le voile sur une famille qui va éclater tel un ballon de baudruche. Les déchirures d’un désamour et d’un enfant pris en otage.
Damien Maistre, c’est lui le narrateur. Un jeune père qui mène une double vie. Ne croyez pas à un jeu de cache-cache, Damien Maistre a deux travails, comédien et doubleur, une femme et une maîtresse (voire plus) etc.
Il est entre deux rives dans cet esprit Diogène, libre et assumé. Quoique !
Fragile, immature, il flirte sur la ligne jaune, se prend les pieds dans le tapis, tel le complexe de l’albatros.
Leslie sa femme est fataliste, américaine, et journaliste. D’une éducation implacable, rigoureuse, elle suit la doctrine de Calvin. Tout va s’écrouler le soir des élections où Donald Trump est élu. Elle le déteste, le hait et pressent l’hécatombe jusqu’en son antre. Elle s’épanche avec un de ses collègues journalistes durant des heures au téléphone, qui lui est en Amérique. Et là, tout bascule. Leslie vacille, s’éloigne et le divorce advient.
« À force de jouer tous les rôles et de changer tous les jours de visage, au fil du temps, des films et des rencontres, il a l’impression de flotter et de n’être personne. Damien ne sait jamais intéressé à lui. Est-ce son côté protestant ? Janséniste ? Le moi est haïssable, disait Pascal, Damien en est convaincu. Depuis toujours, il cherche son centre de gravité. Mais la terre tremble. Le sol se dérobe sous ses pas. »
Leslie l’accable. Il serait un mauvais père. Instable et triste, sans vision du lendemain. Pourtant les dimanches avec l’enfant sont gracieux mais éphémères. Les jouets dérangés d’une semaine à l’autre, le sursis. Les pâtes et les balades, moments où l’enfance a le droit de visite par la loi.
Leslie va se marier avec Russ et partir en Amérique avec son petit garçon. L’enfant pris en tenaille, à qui l’on ne demande pas son avis et pour cause. « Le paradoxe c’est que la vérité peut surgir d’un tissu de mensonges. »
Fortuitement, Leslie demande à Damien de garder l’enfant pour qu’elle passe avec Russ un week-end de lune de miel avant le grand départ.
Le dimanche soir, il ramène le petit, sauf que Leslie est absente et que Damien va craquer.
« Une étoile dans le ciel ou une île au milieu de la brume : c’est à chaque fois un voyage sans retour. »
« Fête des pères » de Jean-Michel Olivier est un cri dans la nuit noire. Un roman bouleversant, tremblant de pluie et d’amour VRAI. La quête d’un père universel. La prononciation des déchirures infinies. Ce grand texte est un témoignage, le fronton d’une paternité en souffrance.
Engagé, humain, douloureux, il est la marée-basse où tout aurait pu advenir, si.
Poignant, un hymne aux pères du dimanche. Publié par les Éditions de l’Aire & les Éditions Serge Safran éditeur.
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