"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Adepte opiniâtre des formes brèves, Georges Cathalo nous montre une nouvelle facette de son talent en nous offrant ces petits concis de personnages, vivants ou morts, plus ou moins célèbres dans des domaines très différents mais qui incarnent, chacun à leur façon, la nature humaine avec sa vitalité, sa mélancolie, ses tourments et parfois hélas, sa sottise.
Que ce soit Paul Eluard, Jules Renard, Montaigne, et ces poètes morts dans la fleur de l’âge comme Rimbaud ou Villon, on croise moult écrivains et poètes, rien d’étonnant puisqu’ils sont une quarantaine à se bousculer sur les pages. Mais pas que, ils côtoient aussi quelques scientifiques. On apprend ainsi que Lavoisier, en montant à l’échafaud, tenait un livre à la main, « le lisant calmement et puis marquant la page où il en était. »
La mort s’invite souvent, mort brutale comme celle de Lavoisier ou beaucoup plus douce comme celle de Victor Segalen, mort sur la mousse d’un sous-bois où il se promenait, un livre à la main.
Que restera-t-il après notre mort ? Le poète répond par la voix d’un autre :
« et quand nous seront morts
resteront de nous peut-être
Yves Heurté nous le rappelait
quelques petits poèmes
en témoignage ou en rappel
traces de moments vécus
entre visible et invisible
simples estrans de terre et d’eau
entre silence et parole. »
Bien sûr, à travers tous ces destins d’hommes, il y a ce fil d’Arianne qu’est le livre à travers les époques. Les derniers textes, tous débutant par « et que dire » nous parlent de livres et de bibliothèques et si le livre est conservé grâce au dépôt légal obligatoire, nous le devons à François 1er.
Le dernier texte est tristement affligeant puisqu’il évoque ces livres « désherbés » et jetés avant de finir en pâte à papier. Je regrette que le poète n’ait pas évoqué ces boites à livres qui fleurissent sur les places, dans les jardins publics et qui donnent une nouvelle vie à toute une flopée de livres promis à la décharge.
Si vous êtes lecteur et papivore, nul doute que vous serez séduits par ce petit recueil qui parle si bien de l’amour des livres.
Pour notre plus grand plaisir, l’ami Georges Cathalo nous a habitués à ses récidives poétiques dont la concision n’enlève rien à la profondeur. Voici donc un nouvel opus « En alliance des mots » publié aux éditions Henry dans ce petit format de « La main aux poètes » qui convient parfaitement à cette forme de poésie.
Avec, en épigraphe, une citation de Michel Baglin l’ami de toujours, ces 37 poèmes sont dédiés aux amis. De courts poèmes pour dire la vie qui va avec ses bonheurs tout simples et ses difficultés aussi. Dire aussi ce monde où s’infiltre la peur, ou rode la pandémie, ce monde « des faits-divers sordide ».
Par bonheur le poète s’émerveille à tout instant car « s’émerveiller ne coûte rien ». Ne nous en privons pas et suivons l’ami Georges par les chemins et les jardins amis où l’on peut « se créer un petit paradis ». L’arc en ciel, le rosier dans un coin du jardin ou encore « un vieux refrain » et le décor est planté pour de petits récits du quotidien.
L’amitié apparait en filigrane à chaque page. L’amour aussi est bien présent, celui de la compagne de toujours et « reine en son royaume ». Pour preuve le premier poème qui laisse éclater le rire de Marie-Claude et le dernier qui se clôt sur son « visage de profil / dans la lumière du soir ».
Quelques strophes suffisent pour décliner la vie qui palpite. Le poète sème ses mots qui sont autant de questions et de constats d’une vie ordinaire, et l’acuité de sa réflexion nous révèle les mille facettes d’un monde à notre portée.
Ces 27 poèmes de Georges Cathalo sont, comme il en a coutume, dédiés à ses amis, qu’ils soient ou non poètes. Poèmes concis pour évoquer ces mots qui emplissent nos vies, ces mots faits de silence, ceux qu’on ne sait plus formuler et ceux que l’on cherche.
« On cherche un mot que rien n’entraverait
Dans la présence de ce qui survient
Comme un léger moment de grâce. »
Chacun avec son titre très court : « résignés », « rêves » « frayeur » ou encore « passion » concentre un petit récit de vie, une sensation ou bien ces évènements auxquels « nous assistons impuissants. »
Dans cette « feuillée des mots », il y a toujours la poésie et ces « pauvres poètes falots » qui espèrent « des accalmies, des rémissions ».
En toute simplicité avec, parfois, un zeste d’ironie et quelques grains de mélancolie, le poète nous livre ses réflexions et ses observations, c’est là son rôle et il le dit :
« Je suis juste là pour témoigner
C’est la place dévolue au poète. »
Voici un recueil d’un format tout petit, si petit qu’on peut le glisser sans mal dans sa poche revolver, et le dégainer aisément pour une lecture, le nez au vent, quelques mots jetés aux moineaux ébaudis car, comme le dit si bien Georges Cathalo dans son poème dédié à Michel Baglin : « poésie de chaque instant / poésie ouverte et fermée/ poésie partout »
« Sous la ramée », référence à Verlaine, nous entraîne là « où nous mènent nos pas » dans un poème dédié à Marie-Claude, comme le dernier qui clôt ces pages « et c’est comme une sonate des âmes »
Chaque poème est dédié à un ami, une amie ou les deux, il suffit « de suivre le fil/ dans le silence bâtisseur/ des cathédrales de papier »
Pour Patrick Boyé, c’est le doute qui se profile « derrière une vitre embuée » alors que « c’est à une vie riche / que l’on aspire vraiment/ pas à une vie de riche » dans le texte dédié à Michel Ferrer.
« Le moins-disant culturel » est en feu dans le poème dédié à Guy Allix tandis que « la nuit brûle » dans « forêt ».
Ce recueil est aussi une invitation au voyage. « Le Japon s’invite à Sète » avec Lydia Padellec ou bien il fera un tour du monde avec Michel Dunand.
Les grandes catastrophes ne sont jamais loin, on les retrouve dans « Tsunami » ou « Glaciation » qui dénonce le réchauffement climatique. Pourtant, et là le poète s’adresse à Jean-Claude Martin, il faut continuer à vivre « en attendant le prochain désastre »
Et puis Georges Cathalo s’adresse à ses amis poètes disparus, Jacques Simonomis, Michel Baglin, et d’autres, il nous entraîne à rêver encore car, « si le monde est poétique/ pesanteur et légèreté s’épaulent pour avancer »
Chaque dédicataire devient ainsi chaînon d’une suite de poèmes à lire, relire et faire lire.
http://textureamb.over-blog.com/2020/12/sous-la-ramee-des-mots-de-georges-cathalo.html
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