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Frédéric Lemaître nous propose une analyse tout en nuances, très argumentée par cinq années de présence en Chine. Une vision beaucoup plus large, beaucoup moins réductrice, que les reportages habituels. Car elle présente toute la complexité chinoise, et son évolution depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping :
« Sa réalité est infiniment plus complexe que la phrase de Xi Jinping ( « le Parti dirige tout ») le laisse supposer. Non, le Parti Communiste ne dirige pas tout dans l’Empire du Milieu. Non la Chine n’est pas une vaste prison à ciel ouvert. Non, la censure n’a pas lobotisé les chinois. Si le pays doit faire face à d’immenses problèmes aussi bien politiques, économiques, démographiques qu’environnementaux, les progrès qu’il réalise depuis une trentaine d’années sont stupéfiants et sautent aux yeux, y compris au fin fond des campagnes. »
Les étrangers en Chine.
L’auteur souligne la méfiance naturelle des chinois envers l‘étranger. Pourtant les étrangers sont 800.000 en Chine, deux fois moins qu’en Ile de France…
« La politique zéro Covid a renforcé la méfiance des chinois envers les étrangers. (…) Durant ces trois ans (mars 2020 à janvier 2023), l’immense majorité des chinois ont été convaincus que le virus avait été amené par les étrangers. »
Il n’oublie pas le cas des journalistes. Chinois, ils sont au service du pouvoir. Étrangers, il est compliqué d’avoir un visa de séjour.
La population chinoise fait avec…
C’est une dictature dont les chinois, sans illusion sur le régime, s’accommodent
Car, paradoxalement, ils n’ont jamais eu autant de libertés : la liberté d’épouser qui ils veulent, la liberté de travailler et de vivre où ils veulent, la liberté de voyager. Ils se satisfont de cette vie d’autant plus que le régime se présente comme le gage de stabilité d’une vie plus facile. Avec les caméras à reconnaissance faciale, toutes les conditions sont réunies pour Big Brother mais ce n’est pas encore le cas actuellement : les chinois soucieux de leur stabilité économiques et sociale sont dociles et silencieux.
Mao gérait par le chaos, Xi Jinping gère par l’ordre absolu.
« L’empereur rouge » et le temps…
« Il ne se contente pas de régenter le présent et de préparer l’avenir, il entend également maîtriser le passé. »
Une bonne partie de la population, et surtout les plus jeunes, ignore totalement le massacre de Tiananmen en juin 1989.
Xi Jinping est en poste depuis mars 2013. Avant le 11 mars 2018, le pouvoir collectif des dirigeants s’exerçait sur une durée déterminée : 2 mandats de 5 ans. Y compris Mao. Avec l’arrivée de Xi Jinping, et sa modification unilatérale des mandants, le pouvoir est individuel et à durée indéterminée…
D’où l’inquiétude des élites chinoises.
Un conflit contre Taïwan ?
L’auteur ne pense pas qu’il y aura un conflit armé pour récupérer Taïwan. Déjà, car les chinois n’ont aucune envie d’aller se battre, ils sont trop contents de la stabilité de leur situation et de la sécurité qu’ils ont récupérées.
De plus, Xi Jinping n’est pas un « va t’en guerre ». A Hong Kong, la répression est féroce, elle est même devenue légale, mais il n’a pas envoyé les chars.
Autre raison : il est impossible de s’appuyer sur l’armée chinoise qui est un foyer de corruptions majeures.
Il est autoritaire, mais pas belliqueux.
La Chine, un pays « émergent » ?
Toujours aussi paradoxal et complexe, la Chine veut concurrencer les USA, c’est même son « challenge » essentiel, mais en même temps, elle souhaite rester du côté des pays émergents, avec un discours du type : « On est des opprimés comme vous, par les pays occidentaux. » Ce type de discours est particulièrement bien perçu en Afrique.
La Chine des villes et la Chine des campagnes
Les campagnes évoluent plus rapidement depuis 2018, mais cela demeure quand même « l’autre Chine » même si la lutte contre la grande pauvreté est effective.
L’écologie : bilan excellent et catastrophique…
Encore le même paradoxe : elle est la championne internationale de l’énergie renouvelable (voitures électriques, éoliens voltaïques) mais poursuit en même temps le culte du charbon : autant de centrales à charbons que les USA et l’Inde réunies.
Les minorités et la force de la propagande.
Les chinois insistent sur les attentats qu’ont commis Ouïghours et ne connaissent rien de l’étendue de la sinisation du gouvernement dans les provinces plus reculées.
Déjà, pour eux, « le Xinjiang est un monde à part. (…) On dirait des afghans… »
Pour le gouvernement, il s’agit d’assimiler, de gré ou de force, toutes les minorités au sein de « la grande nation chinoise. »
En conclusion :
Un livre facile : le journaliste est très pédagogue et il peut se lire en « picorant » les chapitres qui intéressent le plus le lecteur.
Merci à Babélio et aux éditions Taillandier pour cette ouverture sur une nation bien hermétique.
https://commelaplume.blogspot.com/
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