"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Incroyable trajectoire que celle de Garry Davis (dont je n’avais personnellement jamais entendu parler auparavant...)! Dans ce roman, un homme et une femme viennent de se rencontrer au bord de l’Océan. Ils partagent un verre, un repas, une soirée... ils discutent, évoquant des souvenirs personnels, le moment de la vie où chacun se trouve, des espoirs, des décisions...
Elle lui parle alors de ce Garry Davis, sur lequel elle écrit un livre. Un utopiste, un militant pacifiste qui créera au lendemain de la seconde Guerre mondiale le Mouvement des citoyens du Monde. Infatigable, mobilisé jusqu’à la fin de sa vie, soutenu par les surréalistes, des anonymes, des intellectuels, s’adressant aux grands de ce monde d’égal à égal, il répandra ses idéaux de Gouvernement mondial...
Dans un style dense, parfois poétique , étonnant, l’auteur nous embarque dans cette double épopée ( celle d’une rencontre possiblement amoureuse et celle d’un idéaliste chevronné) avec conviction !
«Le rêve d’une vie n’a pas d’origine. Il ne s’invente qu’à partir de soi-même. Sentez cette légère brise, respirez ces embruns qui montent de la surface des eaux et imprègnent non seulement l’air dont nous emplissons nos poumons, mais également nos cheveux, nos vêtements, si fins soient-ils, notre peau, le sel de nos lèvres auquel nous goûterons peut-être. Il est encore tôt et nous avons la soirée devant nous, la nuit qui sait…»
C'est qu'il faut un peu de temps à julia pour raconter au narrateur l'histoire du dernier idéaliste du XXe siècle,
mort à 91 ans en 2013. Un utopiste, qui avait notamment rallié trois Albert célèbres à sa cause: Einstein, Camus et Schweitzer.
Et s’il faut en croire l’habile scénario du roman, c’est aussi le hasard qui a mis le narrateur sur la piste de cet homme remarquable. Nous sommes sur la Côte basque lorsqu’il marche malencontreusement sur le pied de Julia. Elle accepte de prendre un verre avant de regagner son lieu de villégiature. Son mari et son fils Marius sont restés du côté de Lille.
Lui a beau être désabusé et ne plus attendre grand chose de l’existence, il n’est pas insensible au charme de cette femme. En fait, «nous nous apprêtons à vivre la parenthèse d’une soirée estivale qui s’est ouverte sur un pied malencontreusement écrasé devant le comptoir et qui se refermera bientôt, quand vous rejoindrez vos amis et que votre jupe, votre débardeur blanc avec la bouche rouge des Stones s’évanouiront, tel le mirage soudain dissipé d’une fontaine où boire en plein désert, ..»
Une parenthèse qui s’ouvre sur cette question plutôt incongrue: Avez-vous déjà entendu parler de Garry Davis?
Le personnage que dépeint alors Julia est effectivement «plus insaisissable que ceux qu’on trouve dans les romans». Engagé dans la Bataille de France durant la Seconde Guerre mondiale, il en ressort traumatisé et décide de prendre à la lettre les belles paroles des conférences d’après-guerre, de créer les vraies Nations Unies. Il rend alors son passeport américain et parvient à rejoindre Paris où, avec l’aide de Camus, il fait irruption au Palais de Chaillot où se tient une Assemblée générale des nations Unies, pour y lancer sa profession de foi. Ce ne sera là que l’un de ses titres de gloire, car pendant les décennies qui suivent, il ne va rien lâcher de son combat, de son idée fixe. Et comme dit, il va rallier des millions de personnes – des anonymes et des célébrités – à sa cause, auxquels il enverra un passeport de citoyen du monde. Julia semble connaître dans le moindre détail la biographie de cet homme et parvient à subjuguer son interlocuteur.
On l’aura compris, c’est par le truchement de la belle Julia que Frédéric Aribit parvient au même résultat avec le lecteur qui n’oubliera pas de sitôt le combat aussi passionné que vain de cet homme. Comme dans Le bal des ardents, il s’interroge sur la passion qui est un formidable moteur, avec ce brin de nostalgie au moment de constater que pour son narrateur la flamme ne brûle plus avec la même intensité. Quand ne reste que le souvenir de ce qui aurait pu être une belle histoire d’amour. Comme Georges Perec écrivant «Je me souviens du citoyen du monde Garry Davis. Il tapait à la machine sur la place du Trocadéro.», il pourra dire «Je me souviens de Julia. Elle pouvait parler des heures d’un autre homme et vous fasciner tout autant.»
https://urlz.fr/bJ5p
Quand perdons nous notre regard d’enfant émerveillé sur les choses qui nous entourent ?
A quel moment dressons nous les barrières sensées nous protéger de nos sentiments face à l’art ? Qui nous apprend à masquer nos émotions ?
Lou, elle, se laisse déborder bien au contraire. La musique, la peinture, la photographie tout la transperce.
Elle va ouvrir les yeux de son amoureux.
Malheureusement cette hyper sensibilité n’est pas sans risque.
Un roman lumineux, extrêmement poétique et qui mène à une réflexion sur notre rapport au monde.
Lien : http://www.livresselitteraire.com/2017/11/le-mal-des-ardents-de-frederic-aribit.html
Frédéric Aribit entraîne son lecteur dans une histoire rocambolesque. Lisez plutôt. Le narrateur, professeur de lettres un peu las, mène une vie somme toute classique. Père d’une fille, divorcé, il entretient une relation avec Sonia. Un jour pluvieux, alors qu’il est dans le métro, une femme, incarnation parfaite du désir, lui retire les écouteurs des oreilles. Les pose sur les siennes. Ecoute. Sans dire mot. Puis l’embrasse. Disparaît. Moment inattendu, fulgurant, suspendu.
Cette mystérieuse et délicieuse jeune femme va recroiser le chemin de notre narrateur, plus tard dans la soirée, totalement par hasard. Sur le pont de la Grange-aux-Belles. La belle justement au son des tam-tams joue au funambule sur la rambarde. Elle semble insaisissable. Mais une fois les pieds au sol, elle l’embrasse à nouveau, « Tais-toi, serre-moi, embrasse-moi. Je suis l’âme errante. ».
Elle s’appelle Lou. Trois lettres qui nous rappellent à Apollinaire. Lou. Trois lettres entêtantes qui ne vont plus quitter l’esprit et les lèvres de notre narrateur.
Alors la vie bien tranquille de ce professeur va se voir changer pour de bon. Il s’embrase. Tout s’embrase. Le cœur, le corps, la tête. Tête que Lou fait tourner. Corps que Lou fait frémir sous le sien. Cœur que Lou habite désormais. Dans ce feu passionnel, la musique nous envoûte sous les doigts expérimentés de Lou, violoncelliste de profession. Par sa folie, son audace et son arrogance, elle va modifier la vision du monde de notre narrateur. Des A, des E, des I, des U et des O, à la manière de Rimbaud l'auteur déclenche une envolée des sens et nous entraîne à la découverte d’un portrait de femme poétique, haut en couleur. Lou joueuse. Lou charnelle. Lou énigmatique. Lou artiste jusque dans la chair.
Mais alors que notre narrateur et nous-même tentons encore de décrypter cette femme hors du commun, ce fantasme absolu de la féminité et de l’art, Lou va être dévorée par un mal mystérieux. Qui la ronge, la démange. Qui lui provoque des hallucinations… "Le mal des ardents" – appelé également ergot de seigle - se propage. La consume. Et l’histoire de cette dévorante passion pourrait bien voir poindre sa fin.
L’embrasement donc par tous les feux, voilà ce qu’est le roman de Frédéric Aribit. La passion, le désir, la sensualité comme j'aime la lire. Mais aussi le mal, les mots, la poésie, l’Histoire, la religion. Tout y est mais rien n’est de trop. La justesse, le dosage parfait pour envoûter. Et la plume de l’auteur, il faut que je vous en parle aussi. Précise, en perpétuel mouvement. Tantôt saccadée, tantôt posée. Tantôt grave, tantôt poétique, charnelle et drôle. Montagnes russes. Maîtrise et beauté.
De ce fait, on pourrait avoir envie de dévorer ce roman d’une traite tant il emporte dès la première mesure. Avoir envie de le consommer tel un amour fou, imprévisible comme celui qui lie le narrateur à Lou. Mais à bien y réfléchir, je vous dirai de le goûter par petites bouchées. De le consommer avec passion et non frénésie. En drogue douce. Le consommer délicatement plutôt que le voir se consumer ou s’embraser. Personnellement, j'ai essayé de le maintenir, là, auprès de moi, le plus longtemps possible. De prendre mon temps comme lorsque je lis de la poésie. Car Le mal des ardents est un long poème. A Lou. A la passion. A l’art. A la culture. A la vie qui nous entoure. Et je n'ai pas boudé mon plaisir de relire certains passages, une fois, deux fois puis trois pour en décupler la force et en saisir toute la virtuosité.
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