"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nous sommes dans les années 1570, en pleine période des guerres de religion entre catholiques et protestants. Les querelles sont féroces et ensanglantées. Martin, orphelin, est élevé par son oncle, mais aussi maltraité. Son refuge, il le trouve au sein d'une famille protestante qu'il épie à son insu. Il est particulièrement amoureux d'Isabelle, la jeune fille de la maison. le massacre de la St Barthélémy n'épargne pas cette famille. Martin jette alors son dévolu sur Raymond Puységur, un colporteur qui prêche pour la religion réformiste. Celui-ci finit par l'accepter à ses côtés et ils sillonnent les rues de France ensemble. Martin apprend à lire, le latin et le grec. Il progresse très rapidement. Il a une soif d'apprendre et une intelligence hors du commun. Ce qui mène Puységur à se séparer de Martin à Genève, où il réussit à le faire entrer à l'université. Martin accepte car une surprise de taille l'y attendait... Il se donne alors entièrement à ses études mais l'histoire ne se termine pas là. Beaucoup de péripéties et de batailles avant d'en arriver au bonheur total.
Un superbe roman historique, passionnant et bien documenté. la religion a certes son importance mais on voit aussi que de nouvelles idées politiques surgissent : on critique ouvertement la monarchie en espérant laisser le pouvoir au peuple !
Nous sommes à la toute fin du XIXème siècle, c'est en 1899 que naît Joseph GUILLEMIN à Nantes. Son père est boulanger, sa mère vend le pain, et cet enfant naît avec un bec-de-lièvre. Son destin est tout tracé : il sera boulanger, comme son père et son grand-père "Avec cette tête-là" !
Mais c'est sans compter sur une scolarité agitée. Bouc émissaire de l'ensemble des élèves, il se fait maltraiter à l'insu de tous les adultes et dans des conditions odieuses. Entre boucs émissaires, des liens se créent ! David ARAN vient d'arriver. Son physique est singulier : "Petit et plutôt chétif, le nouveau venu avait le cheveu très noir, la peau mate et de grands yeux de myope qui, à travers des lunettes à monture métallique, lui donnaient un air de batracien étonné." P. 51
Au physique s'ajoute un nom de famille difficile à porter : Aran. Les métaphores ne tardent pas à tomber : "Tu pues le poisson, Aran. Dégage ! C'est ma place !" P. 55
Il n'en fallait pas plus pour que ces deux-là unissent leurs forces, à l'école et en dehors. Alors même que l'activité familiale occupe une grande partie des loisirs de Joseph, ses parents l'autorisent à inviter David à la maison, conscients de la solitude vécue par leur fils unique. Commencent alors des allées et venues entre les 2 familles : Joseph découvre un niveau de vie plus aisé, un univers culturel axé autour de la musique, l'expression de sentiments comme jamais il ne s'y était autorisé, excepté avec sa grand-mère aujourd'hui disparue.
Excellents élèves, leur scolarité va être menée en duo jusqu'au lycée. C'est à ce moment-là que la Guerre éclate et que leurs chemins vont se séparer.
Ce roman relate le magnifique parcours initiatique d'un garçon sur lequel s'abattent les déterminismes. Le 1er repose sur la catégorie sociale et l'activité professionnelle à laquelle sa famille ne peut imaginer qu'il échappe. Le 2d correspond au physique, objet de discrimination, y compris au sein de son propre environnement familial.
Avant même cette rencontre avec son ami David, la personne qui va être la plus importante dans l'ambition et l'espérance d'être autre chose qu'un boulanger pour Joseph, c'est sa grand-mère, une femme instruite et cultivée.
"[...] s'intéressant à tout et soucieuse de transmettre à son petit-fils non seulement ce qu'elle savait, mais aussi l'appétit de ce qu'elle ne savait pas." P. 12
Ce passage très beau et très juste montre la richesse des apports des grands-parents dans la construction d'un enfant.
Le rapport aux livres qu'entretenait cette femme résonne totalement avec vos réalités quotidiennes, j'en mettrais ma main à couper ! Je pense aussi que je me serai bien entendue avec cette femme !
"Les romans étaient le pain quotidien d'Yvonne Guillemin. Elle lisait lentement, prenait des notes, s'instruisait et complétait ainsi, pièce par pièce, un patchwork de connaissances lui permettant non pas de briller dans la conversation, mais parfois de surprendre." P. 49
Outre les apports de la littérature, François FOLL emmène également son.sa lecteur.rice sur le champ de la musique, des difficultés de son apprentissage mais aussi de la qualité des résultats à force d'entraînement. Le piano est parfaitement en harmonie avec le milieu juif dans lequel évolue David. Et pourquoi pas chez un boulanger ?
Ce roman présente aussi la qualité d'être historique. La 1ère partie reflète les conditions de vie d'une famille d'artisans du début du XXème siècle, la 2de relate tout un pan de notre Histoire, la condition de soldat des tranchées pendant la 1ère guerre mondiale. Ce roman est d'ailleurs dédié au grand-père de l'auteur, vraiment dénommé Joseph et lui aussi rescapé du Chemin des Dames.
Tous ces ingrédients portés par une écriture fluide, romancée, émouvante, donnent une puissance à ce roman exceptionnel. Cerise sur le gâteau, il fait 388 pages, de quoi le savourer à l'envi ! C'est un coup de coeur, assurément !
Je ne résiste pas à partager cette très belle citation... qui donne un sens à la vie !
"Les nouveaux ne savaient pas encore ce qu'était pour les rescapés des tranchées le simple fait d'être en vie, de sentir un rayon de soleil sur sa peau, de faire longuement tourner en bouche le liquide sombre d'un mauvais pinard, de déguster un plat chaud de haricots et de patates à la sauce bricolée. Bref, faute d'avoir côtoyé la mort, ils ignoraient le plaisir qu'il y avait à se sentir simplement vivant." P. 253
Ce roman initiatique d'un jeune orphelin commence à Paris,en 1570.Il emporte son lecteur dans un tourbillon d'émotions: l'amour passion qui fait alterner le désespoir profond et un bonheur de rêve;
les guerres de religion ..l'histoire débute avec les massacres de la ST Barthélemy, et se poursuit au milieu d'acharnements fanatiques de l'un et l'autre camp.
le bonheur de livres qui permettent distance et communion ,connaissances et tolérance, découverte de l'autre et de soi...
Beaucoup de précisions historiques,de longues descritions des vêtements,comportements et moeurs de l'époque proposent un regard intéressant sur cette société française sans nuire finalement au plaisir d'une écriture fine et attachante.
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