"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Premier roman d'Ermal Meta, récit historique, fresque romanesque, un gros coup de coeur que je vous conseille de la rentrée littéraire 2023, nous suivons Kajan avec le conflit de la seconde guerre mondiale en Europe qui lui fait rencontrer Cornelius un déserteur allemand.
Un récit magistrale, à la fois cruelle et d'une beauté, on ressent l'espoir, la tristesse, la douleur et l'amours vécu par les protagonistes attachants. Le sujet est fascinant, les personnages sont profond, la tension et le suspense monte crescendo. Une lecture fluide, dynamique qui nous tiens en haleine.
" La victoire des partisans et la capitulation de l'Allemagne, le 8 mai 1945, marquèrent le début de la dictature communiste qui, aux pays des aigles, allait durer jusqu'à la fin de l'année 1990, avant de s'effondrer en 1991.
Il y eut un nouvel ennemi à combattre, un ennemi qui n'avait pas de visage, qui parlait albanais. L'ennemi devient le peuple lui-même."
Tout se qui touche à la musique m intéressé, et le parcours de se jeune musicien passionnant, avec beaucoup d enbuches ,une belle découverte de lecture passionnante
En Albanie, en 1944, la menace rode autour de la maison où vit Kajan. Papi explique, la guerre, le bien et le mal, l’absence de ses parents, partis combattre pour défendre leur pays. Cette vie quotidienne aux aguets, est soudain bouleversée par l’arrivée d’un fugitif, un soldat allemand qui n’a jamais voulu venir risquer sa vie pour une cause qu’il ne reconnait pas. Le refuge qu’il trouve alors se transforme en une merveilleuse histoire d’amitié, au moins pour un temps, autour d’un partage émouvant.
La fin de la guerre signifie la séparation, et pour l’Albanie le début d’une période tendue, alors que les nouveaux dirigeants communistes instaurent une dictature aveugle, au sein de laquelle personne n’est à l’abri d’un coup du destin, d’autant que les dénonciations et les règlements de compte sont les armes brandies sans concession.
Mais l’histoire est loin d’être écrite pour Kajan, et le roman suit le destin du jeune homme bien au delà des frontières de son pays natal.
C’est une fresque superbe, qui à travers la destinée incroyable du jeune héros, restitue l’histoire de ce petit pays peu connu, et pourtant victime de la folie des hommes.
Roman somptueux et enthousiasmant par le charisme du personnage, et son courage dans les moments les plus difficiles. Emportée par le souffle romanesque de l’écriture, j’ai été totalement séduite.
460 pages 23 août 2023 Lattès
Traduction (italien) : Anaïs Bouteille-Bokobza
C’est l’une des très bonnes surprises de la rentrée : ce roman d’un auteur albanais, Ermal Meta, de langue italienne publié par les Éditions JC Lattès. Je le classe dans la littérature albanaise, bien qu’il soit écrit dans la langue du pays d’adoption de l’auteur, car albanais, il l’est, d’un bout à l’autre du récit. C’est le premier roman d’un auteur qui est compositeur interprète, vous l’avez peut-être vu à l’Eurovision 2018 représentant nos voisins italiens. On a du mal à croire que c’est le roman d’un tout nouvel écrivain, même s’il est déjà cantautore depuis un petit bout de temps comme on dit chez les transalpins (mot-valise signifiant auteur-compositeur), un roman de plus de 400 pages ne se conçoit pas et ne s’écrit pas comme une chanson.
L’auteur n’a passé que treize années dans son pays d’origine, il semblerait pourtant qu’il ne l’ait jamais quitté, aussi ambivalents que ses souvenirs puissent être. L’histoire débute en Albanie, celle des années du fer stalinien, elle finit en Albanie, celle des années libres 90. Et entre deux, Kajan Dervishi, le personnage principal, va grandir à Ragam petit village du nord de l’Albanie en pleine guerre mondiale, aux côtés de son grand-père et de Cornelius, un déserteur allemand, devenir pianiste surdoué au sein d’une république populaire d’Albanie aux mains d’un dictateur qui préféra s’allier à la Chine populaire plutôt qu’avec une URSS en pleine déstalinisation. Entre des parents, ardents patriotes communistes, d’une mère, en particulier, qui a été héroïne de guerre et qui occupe désormais une place spéciale dans l’interminable pyramide hiérarchique du régime. C’est à l’occasion d’un séjour en Allemagne de l’Est, pour un concours mettant en scène tous les musiciens les plus doués du bloc de l’est, que les événements pour s’emballer pour Kajan : il y découvre un monde nouveau, un autre système de dictature, l’amour, l’amitié, la trahison, et surtout, il se retrouve à l’ouest sans l’avoir vraiment prévu.
La situation est d’autant plus grave, et surtout irréversible, qu’une fois le mur franchi, on ne retourne pas à l’est sans risquer la prison pendant de longues années, voir même la torture. Kayan en est conscient. Mais ce dont il est encore plus conscient, c’est que sa mère, patriote convaincue et fidèle acharnée au régime, d’où elle est, ne peut approuver son geste, et doit subir les aléas d’un interrogatoire musclé, puis un exil dans un des camps du pays, en tant que mère de traître à la patrie. Car fuir l’Albanie n’équivalait rien d’autre qu’à trahir sa patrie, d’autant que c’est pour aller vers l’ouest, règne du capitalisme. Mais tout ça, Kayan commence par le fuir, laissant derrière lui cadavres, et famille, et rejoint les Etats-Unis, ou bon an mal an, il fait sa vie. Mais l’Albanie n’est jamais loin, le souvenir de sa famille archivé dans le même coin que ses remords, il se décide à faire le chemin inverse, un retour aux origines aussi périlleux que sa fuite l’a été. Et ce n’est pas le pire qui l’attend, peu s’en faut.
L’histoire de Kajan est captivante, car elle traverse le temps – l’Albanie a vécu quelques évènements depuis la 2nde guerre mondiale à la fin des années 90, elle traverse l’espace – Kajan est passé d’un pays ultra fermé, a franchi le rideau de fer, pour finir dans le plus libéral des pays, les Etats-Unis, elle est forte en histoire et en émotions, elle possède une fin fracassante, retentissante, qui m’a laissée étourdie. Inattendue, quoique logique. Terrible et assourdissante. Il y a des éléments des narrations auxquelles je m’attendais, mais le coup de force de la narration qui renverse la situation m’a laissée pantoise : ce même retournement, qui laisse percevoir à quel point le sentiment de patriotisme, a été fort dans ce pays, bien plus puissant que tout autre lien. D’ailleurs, dans son exil, Kajan cultivera toujours plus ou moins son sentiment d’attachement à sa patrie, quand bien même il est devenu Joe, indiciblement lié à ses talents musicaux. En même temps qu’il gardera, quelque part en lui, cette animosité d’un pays qui lui a enlevé ses cousins, qui a conditionné irrémédiablement son entourage, qui le séparera de son premier amour.
En finir avec les années destructrices de la guerre pour embarquer dans 4 décennies d’un système aussi perverti et vicié, c’est la malédiction des Albanais, emprisonnés dans leur propre pays, embourbés dans une guerre ou les belligérants sont tous albanais : comment ne pas perdre le sens des valeurs dès lors que le pays pour lequel ils ont combattu et résisté devient leur propre bourreau. L’auteur n’évoque jamais le président, les noms au pouvoir, car ils sont toute une composante de ce système, individuellement, ils ne sont pas grand-chose, une entité toxique qui broie les siens dès lors qu’ils s’écartent du chemin. Un mode de fonctionnement qui finalement pousse les siens vers la sortie. Ce roman se lit comme une fresque, Kajan en connaît des geôles dans sa vie (...)
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