"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est déjà le troisième roman de Dimitris Sotakis que je lis, tous parus dans cette excellente maison qu'est Intervalles : Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte et Une famille presque parfaite. Et comme les deux précédents, ce dernier roman n'est pas banal. L'auteur a le chic pour imaginer des situations originales et décalées. Et l'art de mettre son lecteur dans une position inconfortable. Je m'explique -enfin, j'essaye- : le narrateur -l'homme d'affaires- est plutôt sympathique au départ, puis la relation qu'il noue avec Marios est particulière, faite de rapports amicaux mais aussi de rapports de dominant/dominé qui mettent mal à l'aise. On ne sait pas trop comment va évoluer la situation, ni comment chacun des deux va réagir. Si la personnalité du narrateur interroge longuement, ses sautes d'humeur, ses accès de colère, celle de Marios questionne tout autant, son apathie face aux colères, son obéissance quasi aveugle alors qu'il pourrait partir... En quatrième de couverture, il est dit "chassé-croisé identitaire", que l'on attend puis que l'on découvre et qui ne rend pas la position du lecteur plus confortable, qui se demande jusqu'où Dimitris Sotakis va pousser son histoire et ses personnages. Et il pousse jusqu'à l'absurde, jusqu'à l'incroyable qui, finalement ne l'est peut-être pas tant que cela. C'est finement et subtilement amené, tout en douceur, à la faveur d'une relation féminine, mais chut, j'en ai déjà trop dit.
C'est assez difficile de parler de ce roman sans en dévoiler trop et surtout sans gâcher le plaisir de la découverte, car croyez-moi, lire Dimitris Sotakis, c'est à chaque fois, être surpris et dérangé -et c'est un compliment- et aller de suprise en surprise. Et que pourrait-on demander de plus à la littérature ?
Qu'il est étrange et bon ce roman qui débute par une description assez précise de la vie très rangée et rituelle de Zerin. Dimitris Sotakis décrit par le menu ses habitudes, ses faits et gestes sans jamais nous ennuyer, au contraire, on sent dès le début que cet homme va changer, qu'il va faire des choses inattendues. Et on n'est pas déçu. Je n'en dirai pas plus pour ne rien divulguer, même si, ne vous méprenez pas, nous ne sommes ni dans un thriller ni dans un polar. Néanmoins, l'auteur est habile à nous mettre dans une situation dont on sent bien qu'elle va exploser ou au minimum qu'elle ne pourra pas se finir de façon normale.
Il décortique les relations entre ce riche rentier et cette famille qui lui est vite redevable comme personne avec un humour noir très présent. Lire ce roman est un ravissement, Dimitris Sotakis ne se départit jamais de l'humour précédemment cité et d'une certaine normalité pour décrire des événements assez terribles. Iceux sont décrits comme naturels, et ils les alterne avec des faits on ne peut plus banals comme le fait d'aller acheter son pain, par exemple. Son roman est traversé de part en part par une ambiance noire.
Pas de tension, de ressort de polar dans ce roman qui, je vous l'ai écrit plus haut, est un pur moment de plaisir. Franchement, si vous aimez être surpris par une ambiance un peu bizarre, des personnages pas très recommandables et/ou pas prévisibles, dont on a de la peine à deviner les futurs agissements -ce qui augmente la sensation de bizarrerie-, par une écriture ciselée, précise, n'hésitez pas, j'ai le livre qu'il vous faut !
Désopilant et déroutant ce roman. Il alterne le meilleur et le moins bon. Parlons tout de suite des choses qui fâchent : le roman traîne un peu en longueur, un homme seul sur une île se répète beaucoup tant dans ses propos que dans ses réflexions et cela se ressent. C’est parfois long, répétitif, à la limite de la logorrhée. Mais, dans tout ce fatras, on trouve de très belles pages et on ressort du roman avec une étrange sensation, celle d’avoir fait la connaissance d’un fou, d’un doux-dingue ou d’un homme qui pouvant enfin laisser libre cour à son ambition se retrouve dépassé par icelle.
La solitude ne pèse pas trop à Robert, tant qu'il est occupé, pour rien au monde il ne reviendrait dans la petite ville néo-zélandaise dans laquelle il vivait, mais il se verrait bien avec femmes et enfants après sa réussite professionnelle. Pendant les moments de pause, il accède à certaines réflexions philosophiques, à des remarques intéressantes : "La vie pourrait être tellement plus belle si, au lieu de la vivre vraiment, nous nous contentions d’attendre un avenir parfait, puisque l’attente renferme une jouissance indescriptible, elle est la ligne imaginaire entre l’existence et le non-existant ; lorsqu’on attend, on ne vit pas, on attend, on attend, et ce point zéro de l’attente nous rend presque infirme, nous maintenant dans une incapacité mentale à agir ou entreprendre quoi que ce soit." (p.82)
Globalement mon appréciation est positive parce que je trouve que l’auteur pousse son raisonnement au bout, jusqu’à l’absurde ; dans certains passages, on est carrément dans ce genre tant le propos devient irréel. Il peut devenir également drôle, franchement. D’ailleurs tout le roman est écrit sur un ton humoristique, désopilant comme dit en quatrième de couverture, ironique. Je ne suis pas un garçon ambitieux, je n’aime pas la compétition, je suis donc assez loin du monde que se crée Robert Lhomme, mais il faut bien reconnaître que nous avons tous en nous des envies, des désirs lesquels, poussés à l’extrême, peuvent nous envahir, surtout si l’on se retrouve seul sur une île. Le mien par exemple serait que mon blog devienne le blog cité en exemple, le truc incontournable que tout le monde de la littérature -et plus large- viendrait consulter et dont on parlerait dans les soirées auxquelles je n'irais pas ma claustro-asociabilité m'en empêchant... enfin, THE blog quoi ! Mais bon, entretenir un blog sur une île déserte..., sans électricité et sans ordinateur...
Qu'en penserait Robert Lhomme, sans doute trouverait-il une solution ?
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