"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce fut une immense surprise et un plaisir tout aussi important de recevoir un courrier contenant deux ouvrages. Celui dont je vais vous parler est "Le cri du Diable" de Damien Murith, sorti en Suisse le 15 Août dernier et qui arrivera en France demain 31 Août. Le second, "Autres ailleurs" de Bertrand Schmid, ne paraîtra en France qu’en janvier 2018, j’ai le temps de vous le faire découvrir. Je remercie très sincèrement les Editions de l’Age d’homme à Lausanne pour cette magnifique double découverte.
Depuis un certain temps maintenant, je me régale de la lecture d’auteurs romands. Je leur trouve un je ne sais quoi de particulier dans leur manière d’écrire, une simplicité de forme qui sert à merveille la profondeur du récit. Ce "Cri du Diable" ne fait pas exception à la règle. J’ai presque envie de plagier Corneille et de dire "…mais aux romans superbement écrits la valeur n’attend pas le nombre de feuillets". C’est vrai, ici, cent dix-neuf pages, 8 parties, soixante-dix-huit chapitres, septante huit devrais-je dire. Mais les chapitres sont si courts – deux phrases parfois – qu’on les parcourt à la vitesse d’un cheval au galop… et on y revient au pas pour les lire, les relire, s’imprégner des mots.
Ce roman, car c’en est un, ressemble davantage – à mes yeux - à un poème en prose. J’ai eu envie de l’apprendre par cœur. Pourtant, il y a un fil, une histoire, celle de Camille et de sa jalousie… elle aime, Camille, et attend en retour un amour sans partage. Et, même si de partage il n’y a pas, le doute en elle s’installe, la noirceur, l’horreur, la haine et la vengeance.
La couleur est partout, mais terne, triste. Dans le prologue l’auteur le dit : "Le noir, pour les nuits sans lune… Le gris, pour les plis de l’hiver, pour la brume qui se traîne…. Reste le blanc." Avec parfois des taches plus vives "… tableaux où les rouges sont fraise, sang, feu, les bleus sont saphir, nuit, roi, les jaunes ambre, maïs, safran…". Ce ne sont plus des mots que l’auteur nous offre mais un tableau, une œuvre picturale d’une beauté inouïe.
L’écriture est ainsi, belle, simple, poétique… "Le bonheur est un fil tendu au-dessus du vide. Camille, funambule, s’élance" C’est léger, aérien…jusque dans la douleur, la noirceur, le malheur. Si j’osais je qualifierais le texte de merveille, de chef-d’œuvre… Car tout est ordonné, se suivent les chapitres et le diable son chemin "La jalousie, parasite jamais rassasié, elle se loge dans la fange des cœurs, y plante ses dents qui sont comme des harpons, et autour d’elle tout est souffrance, jusqu’à l’agonie." Et pourtant toujours la couleur…dans l’épilogue…"pour le coquelicot égaré dans les blés, pour la goutte de pluie qui roule sur la rose, le ciel après la grêle…"
Difficile de trouver les mots justes quand ceux de l’auteur sont si beaux. Mais vous aurez peut-être compris, ce roman fut un véritable coup de foudre et je peux vous assurer que la dédicace "A Geneviève" n’y est pour rien. Non, non, ce n’est pas à moi que ce livre est dédié.
Au rythme des saisons, nous sommes les témoins de la vie d'un village et surtout d'une famille. Pierre et Césarine sont mari et femme. Ils vivent avec la "Vieille", la mère de Pierre. Rien ne va plus entre les deux époux depuis un drame. Pierre sort après le dîner pour aller retrouver "La Garce". La Vieille reproche à sa bru le fait de n'avoir rien fait pour le retenir et la rend responsable du drame qui a tout changé.
Ce court roman très noir nous parle de misère, de ces gens de peu qui triment jusqu'à la mort pour pouvoir subsister, qui n'ont que peu de plaisir, si ce n'est un verre au bistrot le soir en rentrant de l'usine ou des champs. Une misère qui s'insinue dans tous les aspects de la vie quelle soit professionnelle ou familiale . Une vie de labeur et de désespoir. Un désespoir si palpable qu'il est un personnage du roman.
"Avec sa voix de dément, ses muscles de fonte et de feu, avec ses cheminées comme des potences où viennent se pendre des ciels de suie, accrochée à la terre, l'oeil rouge, la gueule fumante, c'est l'usine comme une tombe où l'on s'exerce à l'enfer.
Les hommes, verseurs de sueur, de larmes, de sang errent comme des fantômes dans des brouillards jaunes, baissant la tête, courbant l'échine, ils toussent, ils crachent, ils étouffent, et pour paye, leur lente agonie."
Damien Murith nous livre avec La lune assassinée un roman très noir, désespéré, servi par une plume poétique trempée dans le sang de ces malheureux qu'il nous décrit! Une plume qui a la violence du désespoir. Un roman de toute beauté, envoûtant à lire absolument!!!
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