"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Voilà un roman sur les mouvements migratoires rondement mené. Nous nous situons en 2015, sur la <strong>« route des Balkans »,</strong> route migratoire de la Grèce et de l’Italie vers l'Europe centrale et de l'Ouest (Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche et enfin, Allemagne). Christine De Mazières décrit avec beaucoup de détails d’émotion et de pudeur à la fois, le chaos et les affres que subissent ces migrants, pour le seul espoir d’une vie inconnue mais présentée comme meilleure. Ils se jettent littéralement à l’eau. La particularité et la force de ce roman sont que l’auteure ne juge pas, et ne s’arrête pas à présenter ces êtres meurtris ou les nantis qui regardent ces images, confortablement installés dans leur canapé ou leurs bureaux dorés.
Le point de destination de ces migrants-là, qui a son importance, est l’Allemagne. Christine de Mazières insère cette horrible traversée dans le contexte politique de 2015, et un contexte historique beaucoup plus large. Car oui, Angela Merkel a été la dirigeante européenne la plus courageuse en termes d’accueil de ces migrants, avec son célèbre <strong>« Wir schaffen das », « Nous y arriverons », </strong>courage que lui ont même reproché certains politiques allemands et européens, et qu’elle a payé dans les urnes lors des élections suivantes. Mais tous les allemands ne se sont pas levés vent debout face à elle. Certains ont en effet agi en silence ; ceux notamment qui avaient connu une expérience traumatisante en fuyant l’Armée rouge qui marchait sur la Prusse orientale en 1945, et ont accueilli en 2015 ces migrants.
On pourrait faire une lecture universelle de ce récit : les migrations politiques ou religieuses existent encore malheureusement. Les hommes ne savent toujours pas les gérer, ni en amont, ni dans le feu de l’action, et difficilement après. Et l’Europe, dans tout ça ? Largement confrontée à ce sujet dans son histoire, elle ne sait toujours pas parler et agir d’une voix unie. On parle de solidarité : un mot aussi magique et magnifique que les mots liberté et égalité, qui surgit parfois dans l’urgence ou dans l’horreur mais dont on aimerait que les actes et l’efficacité soient davantage mis en lumière sur le temps, pour faire boule de neige, et non pas avant tout une action sparadrap. Bien sûr, il ne s’agit pas ici pour moi de juger : le sujet est complexe dans nos économies riches, capitalistes, et individualistes…. En attendant, chaque graine de solidarité désintéressée contribue à une société plus apaisée.
https://accrochelivres.wordpress.com/2021/05/23/la-route-des-balkans-christine-de-mazieres/
Dans son second roman, Christine de Mazières multiplie les points de vue et les voix pour dénoncer la situation inacceptable des migrants en Europe.
Son premier roman racontait la chute du mur de Berlin vue des deux côtés du mur. J’avais beaucoup aimé ce livre et je retrouve avec plaisir la plume de l’auteure. L’Allemagne est également présente dans celui-ci. Mais il débute d’abord dans une forêt de Hongrie en 2015, avec la jeune Asma et sa sœur Lefana. Elles ont quitté leur famille et fuient la Syrie. Depuis elles avancent lentement vers leur but, l’Europe, une autre vie, un rêve.
Dans cette même forêt, il y a aussi Tamim, un jeune Afghan. On découvre son parcours à travers l’Iran, la Turquie, la Grèce, les Balkans.
Dans ce roman il est question aussi de cet événement tragique, que vous avez certainement entendu ou vu : le 27 août 2015, 71 migrants sont retrouvés morts dans un camion frigorifique sur une aire d’autoroute autrichienne.
Un roman poignant sur le destin de milliers de migrants en août 2015, tentant de rejoindre l’Allemagne, terre d’accueil, en passant par la Hongrie et l’Autriche. On assiste également aux discussions et négociations entre les dirigeants des pays. La chancelière Merkel est très présente à travers ses prises de paroles. Elle s’engage et insiste : « Dans cette situation, nous avons le devoir d’aider. »
« Wir schaffen das, nous y arriverons »
Plusieurs personnages apparaissent encore mais, outre Asma et Tamim, c’est peut-être celui d’Alma qui m’a touchée. Cette Allemande va découvrir la véritable histoire de sa famille. Histoire qui résonne d’autant plus mise en relation avec celle de ces migrants d’aujourd’hui.
La force de la littérature est de nous faire réfléchir, de nous bouleverser, de nous bousculer en nous montrant le monde à travers d’autres yeux. Christine de Mazières réussit à mêler fiction et faits réels. Elle est très bien documentée. Un roman court, dur, mais qui se termine sur une note d’espoir.
Qu'est-ce qui réunit Micha, dissident et fils d'un éminent membre du parti communiste de RDA, Anna, la jeune française, le lieutenant-colonel Becker, en poste à l'un des check-points sur le mur de Berlin, Lorenz, qui a fui la RDA avec sa mère, Gunther Schabowski, le porte-parole du parti communiste de RDA, et tous les autres ? Ils sont tous à Berlin ce 9 novembre 1989 où l'avenir de l'Allemagne bascule.
Par la voix de ses multiples personnages, Christine de Mazières nous fait partager de l'intérieur l'envie et l'impatience de se retrouver des deux côtés du mur de Berlin, l'angoisse de se faire piéger par la police politique (STASI), l'égarement des dirigeants annonçant imprudemment que le mur va s'ouvrir, et que la décision s'applique "dès maintenant", l'enthousiasme quand l'heure des retrouvailles arrive...
Michel Fugain aurait chanté : "C'est un beau roman, c'est une belle histoire". Belle, l'histoire l'est assurément. Si le roman se laisse moins facilement conquérir, ce n'est pas la faute à l'écriture, à la fois riche et simple, sans fioritures inutiles. Ce sont plus les personnages secondaires, un peu trop nombreux, qui viennent détourner l'attention du lecteur ; l'auteur aurait pu simplifier un peu et se concentrer davantage sur les personnages principaux, qui donnent déjà beaucoup d'épaisseur au texte. Et c'est vraiment le seul reproche que je ferai à ce court roman.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2020/12/11/trois-jours-a-berlin-christine-de-mazieres-editions-christine-wespieser-une-belle-histoire-un-beau-roman/
En 2015, les cadavres de 71 migrants qui tentaient clandestinement de rejoindre l’Allemagne, sont découverts dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute autrichienne, pas loin de la frontière hongroise. Véritable électrochoc sur l’opinion publique allemande, ce drame déclenche une vague de solidarité spontanée au sein de la population et l’inflexion de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel : les portes de l’Allemagne s’ouvre alors à des centaines de milliers de demandeurs d’asile.
En faisant se croiser les destins des deux jeunes Asma et Tamim, l’une syrienne, l’autre afghan, tous les deux jetés sur les chemins de l’exil par les persécutions qui ont décimé leurs familles, le roman immerge sans ménagement dans la réalité crue et insupportable de la « route des Balkans », cette voie migratoire semée d’embûches, depuis la Grèce vers l’Europe centrale et de l’Ouest. Placé dans les pas aussi périlleux qu’exténuants des migrants, confronté au dénuement des pays les plus pauvres d’Europe où se développent les pires pratiques des réseaux de passeurs, le lecteur pris à la gorge par l’atrocité de l’hécatombe risque fort de devoir reprendre son souffle plusieurs fois avant de parvenir au terme du récit.
A l’horreur répond pourtant le formidable élan de solidarité de la population allemande que son histoire a rendue particulièrement réceptive aux souffrances des personnes déplacées ou séparées par les frontières, à l’instar d’Helga, dont la famille connut l’exil lors de la redéfinition territoriale de l’Allemagne après-guerre, et qui vécut avec ferveur la chute du mur de Berlin et la réunification de son pays. La figure d’Angela Merkel domine dès lors toute cette partie du récit, au travers de la mise en place à ce moment, le devoir moral l’emportant face à la situation d’urgence humanitaire, de sa généreuse politique migratoire, on le sait réduite depuis sous la pression conservatrice.
Pointant du doigt les contradictions et les divisions européennes, et notamment l’ironie de la construction d’un nouveau mur en Hongrie, précisément là où s’était ouvert le rideau de fer en 1989, Christine de Mazières nous interroge sur notre propre passivité : ce que l’Allemagne a tenté depuis 2015, ce « Wir schaffen das - Nous y arriverons », était-ce donc si impossible dans d’autres pays d’Europe ? En 2019, un autre camion frigorifique livrait en Angleterre sa cargaison de 39 cadavres, tous des migrants vietnamiens...
Ce terrible roman, où quelques destins particuliers viennent souligner l’inhumaine réalité d’un drame humanitaire abordé par l’Europe en ordre dispersé, est sans aucun doute le plus convaincant de tous ceux qu’il m’a été donné de lire sur le sujet. Coup de coeur.
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