Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Un bien beau mariage ! Lucrezia, comblée, vient mettre des glaçons sur ses pieds endoloris au bar de l'hôtel pendant que son mari est parti nager avec ses amis. Elle y fait la rencontre d'Agnès et les deux jeunes femmes sympathisent.
Au fil de la conversation, Agnès lui raconte son calvaire, son drame à elle.
Sa rencontre avec Skipper, le brillant chef d'entreprise adulé par ses collègues, beau, talentueux, leur idylle, un conte de fées... Puis, insidieusement, les remarques, les critiques, les humiliations, l'isolement... Le calvaire !
La jeune mariée écoute, jusqu'au bout...
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J'ai d'abord été déroutée par le style graphique de cet album. Des personnages livides, démarqués, presque crayonnés, sur des fonds flous au bord du réalisme. Perturbée...
Et puis le récit s'installe. Le malaise aussi.
Les planches de paysages délicats apportant des poches d'oxygène bienvenues.
Le malaise, l'angoisse, la colère s'invitant au fil des pages à mesure que le mensonge, la perversion et la toxicité s'installent.
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Camille Eyquem (de son nom d'emprunt ici), aux côtés de Fiamma Luzzati, nous raconte son histoire à travers Agnès.
Celle d'une relation toxique, d'une vie qui dérape, d'un manipulateur qui sait se rendre essentiel pour isoler, intoxiquer, culpabiliser puis détruire.
Qui est plusieurs, partout, détournant, déroutant, déstabilisant...
La maladie de l'un qui rend l'autre moribond.
Sans conseil, sans morale aucune, en racontant seulement les faits, le lecteur découvre le lent poison, vicieux, insidieux, qui s'installe jusqu'à avoir accompli son œuvre. Tout prendre, ne laisser que du vide et de la douleur, parce que laisser comprendre trop tard est sa petite victoire.
Et recommencer... Encore. Ailleurs...
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Un récit glaçant, effarant, au parti pris graphique fort et impactant, qui laisse un goût amer.
Comme la vie parfois...
Fiamma Luzzati dessinatrice et coscénariste de « L’Emprise : histoire d’une manipulation » paru chez Dunod Graphic a décidé d’écrire cette BD après avoir rencontré Camille Eyquem (c’est un pseudonyme) qui s’était confiée à elle sur sa relation destructrice avec un pervers narcissique. On sait ainsi dès le départ que l’histoire qui nous est contée fonctionne sur un double niveau énonciatif (celui des personnages : Lucrezia-Agnès mais aussi Camille-Fiamma et plus largement les lecteurs) et s’ancre sur un substrat autobiographique réel.
Ceci la rend encore plus percutante car à la lecture on pourrait être tenté de se dire : « non, c’est trop, ce n’est pas possible, elles exagèrent » avant de se souvenir que c’est une histoire réellement vécue et que, oui, cela peut se passer comme cela. Mais quoi donc ? Eh bien le fait qu’un amour soudain et passionné puisse se muer en véritable descente aux Enfers …
Tout commence pourtant sur un ton léger et joyeux avec un faux air du « Senso » d’Alfred dans le cadre bucolique d’un mariage à Portofino. Lucrezia, la jeune épousée, vient chercher des glaçons pour soulager ses pieds endoloris dans des escarpins trop serrés au bar de l’hôtel où se déroule la noce pendant que son époux prend un bain de mer avec ses amis. Elle engage la conversation avec l’une des convives, Agnès, et cette dernière lui confie son histoire dans un long flashback qui occupe la quasi-totalité de l’album.
On dirait un conte de fées : jeune stagiaire provinciale intégrant une boîte de com parisienne, elle en rencontre le fondateur surnommé Skipper, beau, cultivé, intelligent, séduisant qui a fait ses études à Londres et travaillé pour Buckingham Palace. Ce prince charmant s’intéresse à elle et l’introduit dans son cercle d’amis. Quoique timide, elle est flattée et rapidement conquise. Véritable rêve éveillé ? Pas si sûr … Dès le départ, quelques dissonances fonctionnent comme des avertissements pour le lecteur : Skipper lui conseille quoi porter ( jusqu’à la couleur de son vernis à ongles), dénigre sa famille et l’éloigne de Paris et de ses amis lorsqu’elle se retrouve enceinte pour que l’enfant profite de la campagne… Mais Agnès est aveuglée et préfère considérer que les mises en garde de son amie Lotte sur cette relation qu’elle juge toxique ne sont que l’expression de la jalousie de cette dernière à son égard. Elle s’enferre et s’enferme triplement dans sa prison dorée - puisque Skipper est à la fois son supérieur hiérarchique, son amant et le père de son fils- jusqu’au point de quasi non-retour…
Les bandes dessinées sur l’emprise fleurissent en ce moment. Il ne faudrait pas que ce soit un « effet de mode » qui banalise ce phénomène psychologique dévastateur encore méconnu. Ici les autrices nous exposent clairement mais sans didactisme les différentes phases de sa mise en place depuis l’idéalisation amoureuse jusqu’à la destruction de la personnalité de la victime qui, pleine de vie et d’ambition sombre peu à peu dans la soumission et la dépendance émotionnelle. Le trait choisi par la dessinatrice participe d’ailleurs à l’exposé « clinique » des faits par sa simplicité qui peut paraître déroutante au premier abord. En effet, les décors de Fiamma Luzzati - hormis les superbes pleines pages aquarellées des inter chapitres qui créent des pauses narratives bienvenues et des respirations dans une intrigue éprouvante- sont comme floutés en arrière-plan. On se concentre alors sur des personnages représentés presque comme des bonhommes filaires pour donner un côté universel au propos. Pourtant ce dessin « lâché » porte une grande attention aux détails comme en témoigne la couverture. Sur un fond rouge sang symbolique de la passion mais aussi de la violence qui agresse le lecteur, on voit le personnage « démultiplié » de Skipper entourer Agnès. D’emblée on a une représentation du côté hyperactif du personnage mais surtout de son comportement de prédateur qui « enserre » sa proie et l’étourdit dans tous les sens du terme ; saisissant résumé du « modus operandi » du pervers et de ses violences qui pour être invisibles n’en peuvent pas moins se révéler mortelles.
L’histoire linéaire (récit cadre : le mariage/ récit encadré : l’histoire d’Agnès) se lit donc avec beaucoup de fluidité. Le scénario est cependant bien construit avec une chute en apparence anodine et pourtant tragique qui montre en une seule phrase le caractère cyclique et répétitif du phénomène.
« L’Emprise » est un ouvrage qui, sans être un « guide pratique » à l’image de l’album de Sophie Lambda « Tant pis pour l’amour ou comment j’ai survécu à un manipulateur », pourra peut-être se révéler cathartique pour des victimes et montrer de façon salutaire à leurs proches que non, celles-ci n’exagèrent pas.
L'EMPRISE, HISTOIRE D'UNE MANIPULATION est une bande dessinée qui nous plonge dans les méandres d'une relation toxique, retraçant le parcours d'Agnès, victime de l'emprise d'un manipulateur pervers narcissique.
Lors de son mariage à Portofino, un soir de juillet, Lucrezia rencontre Agnès dans le bar de l'hôtel. Les deux femmes sympathisent et Agnès se confie sur sa rencontre avec "Skipper", un homme charismatique et attentionné. Leur idylle est passionnelle, mais derrière cette façade idyllique se cache un être manipulateur menteur et destructeur. Agnés au départ pleine de vie et d'ambitions, va voir transformer sa vitalité en un état de dépendance émotionnelle et de soumission.
Le scénario dépeint les différentes phases de l'emprise, depuis l'idéalisation amoureuse jusqu'à la destruction de la personne victime et sa descente en enfer. L'histoire se lit avec beaucoup de fluidité et invite à réfléchir sur les mécanismes de la manipulation mentale, les violences psychologiques, les signaux d'alerte et les dynamiques toxiques qui peuvent s'installer dans une relation amoureuse.
Nous avons apprécié découvrir cette histoire qui dépeint la réalité d'une relation vécue par une jeune femme dont les rêves se sont peu à peu évanouis. Parviendra-t-elle à briser les chaînes de l'emprise ?
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