"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a le père, Jonathan, psychanalyste aux idées progressistes, installé à Topeka, ville très conservatrice du Kansas. Il y a son épouse Jane, dont les écrits féministes font beaucoup parler dans la petite ville et leur attire parfois quelques remarques désobligeantes, voire plus. Et puis il y a Adam, leur fils unique, champion de concours d ‘éloquence.
C’est très rare, mais je suis passée complètement à côté de ce roman dans lequel je n’ai jamais (malgré mes efforts et ma volonté d’aller au bout) réussi à rentrer. Il est pourtant couvert d’éloge un peu partout, finaliste du prix Pulitzer, mais moi, il m’a laissé totalement froide. Il n’y a pas réellement d’intrigue, on est plutôt devant une sorte de fresque de la middle class blanche et démocrate à la fin des années Clinton, une famille aux idées progressistes qui ne voit pas venir le retour de bâton conservateur qui se profile. La narration, qui change de point de vue à chaque chapitre (le père la mère, le fils), est totalement éclatée : ça part dans tous les sens thématiquement et chronologiquement. Ces gros chapitres sont entrecoupés par des petits chapitres en italiques racontés du point de vue d’un gamin extérieur à la famille, Darren. Ce gamin, un peu attardé, un peu souffre-douleur, pas réellement intégré aux bandes de copains de son âge, nous fait l’effet d’une petite bombe à retardement. J’ai cru longtemps que cet immense puzzle allait finir par s’assembler sur le tard, grâce à un évènement ou à une sorte de coup de théâtre, mais non, on reste dans cette fresque disparate qui s’éparpille comme une immense flaque d’huile, sas colonne vertébrale. En réalité, Ben Lerner fait avec « L’Ecole de Topeka » ce qu’il fait faire à son jeune personnage dans les concours d’éloquence, noyer son auditoire (ou son lecteur) en parlant très vite, en éludant les transitions, en le noyant sous les concepts et les mots savants pour le terrasser, ce qui s’appelle dans le monde des concours d’éloquence « L’Étalement ». S’ajoute à ce fond insaisissable une forme truffée de mots compliqués et parfois improbables relevant soit du lexique de la psychanalyse, soit de celui de la rhétorique. Je n’ai rien contre l’idée d’appréhender de nouveaux concepts, loin de là, mais ici, on a l’impression désagréable d’être dans l’esbroufe destiné à « faire genre ». Est-ce la faute de la traduction ou de Ben Lerner ? Je ne saurais dire. En revanche, ce que je sais, c’est que je garderai un souvenir plus que mitigé de ce roman qui m’aura laissé sur le bord de la route de Topeka, de la première page à la dernière ligne. Dommage, la quatrième de couverture si prometteuse avait provoqué chez moi un achat impulsif que je regrette aujourd’hui.
10 :04, second roman de Ben Lerner explore le lien entre fiction et réalité. Lerner nous livre une réflexion passionnante sur les variations et les virtualités dont se constitue le roman. 10 : 04 se révèle alors une magnifique altération de perpétuelle mise en abyme. Un livre à découvrir d'un romancier novateur.
https://viduite.wordpress.com/2017/04/30/10-04-ben-lerner
Lien : http://livresselitteraire.blogspot.fr/2017/01/au-depart-datocha-ben-lerner.html
Adam est un jeune poète fumeur et un peu fumiste également. Américain d’origine, il quitte son pays pour un voyage à Madrid dans le but d’y étudier son Histoire - notamment la période franquiste – et ses poètes. Mais finalement ce qu’il préfère c’est fumé des joints, et même s’il paraît que les plus grandes œuvres artistiques sont nées sous l’effet des drogues, ce n’est pas vraiment le cas d’Adam qui préfère se laisser vivre, au moins un temps, et s’inventer une vie auprès des gens, des femmes qu’il rencontre. Une vie dans laquelle sa mère serait morte, puis gravement malade et son père fasciste.
Entre mensonges et réalité, Adam s’y perdra et s’y amusera jusqu’au jour où l’attentat d’Atocha viendra bousculer son petit monde préfabriqué.
Ben Lerner à travers ce roman nous dresse le portrait d’un personnage vraiment atypique, quelque peu bipolaire, jamais sans ses petites pilules qui le calment d’éventuelles crises d’angoisse. Un homme qui a à la fois peu et trop confiance en lui, une sorte d’artiste des temps modernes imbu de sa personne mais aussi terrifié par un manque de savoir. Peu productif, il ne semble pas attacher beaucoup d’importance à l’Histoire, la culture du pays ni même aux gens qu’ils rencontrent. Difficile, dans ce contexte de cerner les sentiments de ce personnage brumeux et de s’y attacher.
Si la personnalité d’Adam est peut-être trop singulière pour l’apprécier, le lecteur peut néanmoins se laisser transporter par l’art qui tient une grande place dans ce périple. Il sert de point central à l’apprentissage de la vie, met le doigt sur les attentats d'Atocha et le terrorisme, pose débat sur l’Amérique de Bush, la poésie contemporaine et l’identité. Le tout mis en exergue par une écriture soignée et un rythme lent, dans lesquels on reconnaît sans conteste l’influence du poète, et par des images, des références qui viennent ponctuer le récit. Et bien que ce roman soit une fiction de nombreux éléments collent à la vie de l’auteur comme sa ville d’origine Topeka au Kansas, son métier ou encore le fait qu’il ait lui-même vécu à Madrid, période durant laquelle sa mère était malade. Ben Lerner aurait-il cherché par ce biais à exorciser ou du moins se libérer d’une partie de son passé ? En tout cas cela en fait une jolie réussite où le lecteur oscille à la fois entre l’invention et la réalité du personnage mais également de son auteur.
Et que dire de l'atmosphère... Tout au long de cette lecture, on se sent habiter par Madrid, sa vie colorée, ses nuits festives. On visite avec Adam les quartiers de la capitale, ses galeries d’art et ses cafés. L’ambiance qui s’en dégage et la personnalité des différents protagonistes ne sont pas sans rappeler L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch. Ils ont en effet en commun cette découverte de soi et des autres, cette insouciance mêlées à la barrière linguistique et au choc culturel.
On regrettera néanmoins que sur ces deux cents pages, finalement peu d’entre elles ont été consacrées à l’attentat d’Atocha et aux conséquences sur la vie des différents personnages. En définitif, tout ne semble être que passager dans la vie de ce jeune poète : ses sentiments, ses actions mais aussi les événements marquants qu’il aura pu vivre. Ainsi, Au départ d’Atocha, dont le titre est emprunté à John Ashbery, reste un roman contemplatif sur les errances d’une jeunesse artistique en quête de reconnaissance.
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