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Prudence ne parvient pas à s’acclimater à cette nouvelle maison dans laquelle ils ont récemment emménagé. Ses parents sont si tristes, lui adressent à peine la parole. Heureusement qu’elle a Lucie, sa grande sœur, celle qui l’accompagne, l’aide, la conseille. Celle à qui elle se confie.
Prudence ne supporte plus ses parents. Quelle idée ont-ils eu de lui donner ce prénom, elle est la risée de ses camarades d’école. Le prénom n’est déjà pas facile à porter mais accolé au nom de famille, c’est difficilement supportable.
« Mais alors avec le nom de famille, « Prudence Rock ». Rien à ajouter ou plutôt si en pleurer. Papa fait souvent cette remarque « Prudence Rock, c’est l’eau et le feu, l’équilibre parfait. » Il le dit comme il déclamerait un poème ou une plaidoirie d’avocat ! Si c’était pour défendre une cause perdue, ce ne serait pas pire. »
Prudence a de plus en plus de mal à supporter son corps. Elle est grande, ronde. Elle se sent regardée, épiée, jugée. Elle veut le faire disparaître, ce corps dont on se moque. Elle arrête de manger.
Nous suivons la vie de Prudence de l’adolescence à l’âge adulte. Une vie qui sera taraudée par l’image qu’elle a de son corps, cette façade qui empêche les gens de voir la personne qu’elle est au delà. Son corps, n’est pas le seul carcan qui entrave Prudence, il y a aussi tout ce qu’on attend d’une femme de son milieu, le rôle d’épouse et de mère qui lui sont imposés par les convenances. Prudence veut fuir tout cela, briser ses chaînes. Elle veut vivre pour elle-même mais en aura-t-elle la force ? Lui donnera-t-on une chance de réussir ?
« « Tu as vu, Romain, c’est magnifique, n’est-ce pas ? La façade est classée ! »
Devrais-je lui demander ce qu’il reste derrière cette façade parfaite, classée ? Que retient-on de cet endroit ? La vue imprenable ou l’âme du lieu ? Sa terrasse ou ses pièces vieilles, dangereuses, insalubres et lugubres ?
Il ne reste rien, maman, que des débris, c’est un cache-misère ta façade, un mensonge, l’illusion d’une beauté passée, un rideau qui cache la réalité : l’obscurité, le manque d’argent pour l’assainir des dangers.
Cette façade est une illusion. Une illusion.
Comme toute ma vie.
Prudence est un personnage attachant qui a du mal à trouver l’équilibre entre l’eau et le feu suggérés par son nom. Tantôt quand elle est trop Prudence, on a envie de la secouer, tantôt quand elle est trop Rock, on a envie de la prendre dans ses bras pour l’apaiser.
J’ai lu Prudence Rock d’une traite. Le style d’Anne-Véronique Herter est à l’image de son héroïne, à la fois plein de force et de fragilité, tout en émotion. Il évolue avec Prudence au fur et à mesure qu’elle prend de l’âge. Je ne peux que vous recommander ce livre captivant ou espoir et désillusion se succèdent. Un livre dont on ne ressort pas indemne avec une fin qui coupe littéralement le souffle.
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