Ce premier roman est un souffle qui emporte le lecteur !
Ce premier roman est un souffle qui emporte le lecteur !
Un livre de violence , celle d'une guerre mais surtout celle qui subsiste au fond de ceux qui ont du la faire malgré eux et que personne ne peut comprendre, cette violence qui réveille la nuit avec cauchemars et cris, cette violence qui vous exclut du monde de ceux qui rient, sont joyeux, "normaux", cette violence qui vous empêche d'aimer. C'est ce qu'on appelle maintenant le stress post-traumatique; même si un nom scientifique a été mis sur ce profond mal-être de ceux qui ont connu l'horreur et la mort de très près, même si des spécialistes très compétents essayent d'y apporter une réponse médicale, des femmes et des hommes traînent leur vie comme un boulet, incapable de participer à un monde dont ils se sentent exclus et incompris.
Le livre d'Aurélie Razimbaud rend hommage à ces vies cassées, à leur famille qui ont essayé de les aider avec tout leur amour, sans résultat, ne pouvant les atteindre là où l'horreur les a enfermés.
Louis, que l'on suit pendant 40 ans, de 20 à 60 ans, est irrémédiablement marqué par la guerre d'Algérie qu'il a subie en tant qu'appelé.
Il est pourtant resté en Algérie où il travaille dans une compagnie pétrolière, y a épousé Rose, fille d'expatrié travaillant pour la même entreprise, y a eu une enfant, Violette.
Et pourtant ce tableau qui semble idyllique est obscurci par la culpabilité qui ronge Louis qui a laissé un camarade assurer une mission à sa place et qui en est mort, ses remords, la peur, l'horreur de ce qu'il a vu.
Contrairement à beaucoup d'autres, il n'a pas fui la partie obscure de sa vie, il l'affronte, là où tout a commencé, en Algérie.
Il s'y enracine avec son travail et une deuxième famille dont il découvre l'existence cinq ans après la guerre, rejetant Rose et Violette qui ne peuvent lui apporter aucun apaisement. Ce fils, qu'il découvre et qu'il veut assumer, c'est comme donner un sens à ce qu'il a vécu, c'est comme dire à l'Algérie et aux algériens, qu'il n'avait pas voulu la guerre, la torture, les morts innocents.
Même lorsque Louis rentre en France et s'installe à Marseille avec Rose et Violette comme rapatriés, il fait venir sa deuxième famille, incapable de rompre le lien qui le relie à l'Algérie et à son histoire intime.
Rose et Violette souffrent terriblement de cet abandon; Rose est touchée par une maladie dégénérative, probablement Alzheimer, qui permet l'oubli de cette souffrance, de cette douleur qu'elle aura supportées depuis son mariage avec Louis. Violette souffre de l'indifférence de son père, voire de son rejet, qui la délaisse pour son fils algérien.
Marseille reproduit la haine entre Algériens immigrés et rapatriés et certains quartiers suent la violence, la blessure jamais cicatrisée entre deux peuples.
Le style aiguisé d'Aurélie Razimbaud sait rendre la tension permanente qui habite Louis, la violence mais aussi l'amour. Les flash-backs incessants entre Alger, Tizi Ouzou, Hassi Messaoud et Marseille et entre les époques sont déroutants et rompent souvent l'émotion, la tension mais il n'en reste pas moins que ce roman est un beau roman, émouvant sur une période dont les traces sont encore là aussi bien en France qu'en Algérie.
Un roman très délicat qui évoque la guerre d'Algérie et le traumatisme des appelés mais de manière originale et pleine de pudeur.
Plusieurs personnages se croisent pendant plusieurs périodes, entre 1959 et 1998, et cela permet au lecteur de comprendre l'histoire de Louis et de sa femme Rose. Chaque chapitre donne une petite clé de compréhension et l'on croise des personnages attachants et me semble-t-il très réalistes.
J'ai beaucoup aimé!
On était fin aout, début septembre,, j’étais convié dans un restaurant iconique du quartier de Montparnasse par Albin Michel pour rencontrer une auteure, Aurélie Razimbaud, dont je n’avais pas lu le premier roman qui venait de sortir, au titre pourtant merveilleux, Une vie de pierres chaudes. Jusqu’au dernier moment j’ai hésité à m’y rendre, me faisant l’effet d’un imposteur. Mais ce livre m’intriguait fort et il y aurait là des gens que j’appréciais. Tant pis, j’afficherais mon ignorance, je serais l’innocent à convertir. Au pire, j’aurais droit au goudron et aux plumes. Parfois, on doit vivre dangereusement.
La rencontre se déroule. Je découvre une jeune femme qui a porté ce livre pendant deux ans, qui a fait des recherches poussées pour s’imprégner de la guerre d’Algérie. Elle parle avec passion, de la structure même de son roman, la logique des souvenirs où les époques se croisent dans une étrange logique, la manière dont la mémoire n’est jamais linéaire. Ça m’intéresse fort. Je devine le livre. Elle parle de son admiration pour les fictions pleines de souffle. Elle parle de la lumière de Camus qui imprègne son roman jusque dans son titre. Le beau soleil de Noces, qui célébrait l’éclat de l’Algérie comme personne. Ou bien celle qui aveuglait l’Etranger. A chaque fois qu’on évoque Camus, j’ai le sentiment qu’on parle de moi.
Tout commence dans cette lumière. Louis, va acheter des fleurs à sa femme, Rose. Dès le début, il incarne un malaise, un silence et un poids sur les épaules. Il est revenu d’Algérie marqué, mutique. Dans un flashback, on voit qu’il l’était déjà, taciturne, et que c’est précisément ce qui a attiré Rose. Elle était le contraire, lumineuse, exubérante et charmeuse. Le ténébreux l’attire, comme c’est souvent le cas. Mais son ami Antoine également. Il est celui qui la protège quand Louis n’est pas là, quand il a des réactions violentes et étranges. Quand il disparaît et qu’elle ne sait pas où il se trouve. Il est marqué par les secrets qu’il a ramenés de la guerre, par ce qu’il a commis. Et on le voit briser les gens autour de lui. On les voit mal s’aimer. On les voit quitter l’Algérie pour s’installer à Marseille. On les voit vieillir. On les voit changer. On les voit tenter d’oublier.
Aurélie Razimbaud décrit avant tout les intimités et ne tombe jamais dans l’écueil de la reconstitution historique minutieuse qui empèse bien souvent les romans d’époque. Elle se sert de la guerre d’Algérie comme d’une toile de fond, comme d’un non-dit et d’un silence fondateur, comme une ombre sur tous les destins qu’elle dépeint. Elle la suggère comme ce passé que l’on ne parvient toujours pas à assumer totalement, à verbaliser. Elle décrit l’écho assourdissant de l’histoire lorsqu’elle se répercute sur les intériorités. Il n’y a guère que le roman qui puisse faire entendre cela. L'époque, son tumulte et sa fureur qui nous traversent chacun, qu’on le veuille ou non, qu’on en ait conscience ou pas. Les secrets qui nous rongent, les tourments qu’on tait et les pans d’existence qu’on ignore.
C’est surtout un livre profondément incarné, profondément sensuel et profondément raffiné. Il m’a fait penser à ces voix que l’on devine parfois dans les romans de Sagan ou de Fitzgerald, ces mondes qui se matérialisent dans l’attitude d’un personnage. Ces intimités qui contiennent un univers. La séduction et la solitude de Rose. La sollicitude et la déférence d’Antoine. La violence et les silences de Louis. Tout ce qui passe dans les dialogues. Et ces chapitres qui passent sans cesse du passé des années 60 à la fin des années 90. La façon dont la vie nous marque implicitement. Un drame et une douleur dans chaque ride.
Le non-dit qui étend peu à peu son emprise. Qu’est-il arrivé à Louis ? Qu’a t’il commis ? On serait tentés, dans un premier temps de le considérer comme un salaud classique au sang froid, l’un de ceux qui bousillent ceux qui les approchent de trop près. Mais ici règnent la nuance et la suggestion. Il n’y aura pas de méchants à condamner dans cette histoire. On n’est pas dans un film simpliste ou dans un flash info. Ici tous les personnages gagnent leur existence et leur complexité.
Aurélie Razimbaud se sert des dialogues, de ce qu’on devine, plus qu’elle ne décrit. Elle ne surligne rien. Les choses arrivent. On les ressent très fort. On les entend. On les voit, comme dans des tableaux successifs. Elle écrit comme on se souvient, comme on va au cinéma. Elle donne à voir tout ce qu’on ne dit jamais et tout ce qui nous meut.
On reconstitue leur mémoire, leurs souvenirs, leurs vies. Peu à peu on les connaît, on les comprend, même à demi-mot, on les ressent. On les a rencontrés. Par flashs, par fragments et par scènes. D’une temporalité à l’autre, on peut recomposer leurs portraits éclatés. Peu à peu on comprend leur oubli aussi, celui qu’ils choisissent (quand la réminiscence est trop violente), celui qu’ils subissent (dans le naufrage de la vieillesse).
Ce jour-là, devant l’auteure, je n’ai dit que des généralités. On prenait garde de ne point trop me révéler les mystères qui peu à peu se dévoilaient au fil du roman. On tentait de me préserver la surprise. Et on aurait pu me raconter l’histoire en vérité, ça n’aurait rien changé au raffinement et à la richesse étonnante que j'ai trouvée au style de Aurélie Razimbaud, à tout ce qu'elle parvient à faire entendre. L’économie de moyens, la justesse et le poids de ces existences qui finissent par nous bouleverser. Ces gens qui tentent de survivre à leurs propres tempêtes, à leurs propres démons. Ces gens qui tentent de s’aimer malgré tout.
Ce jour-là, à Montparnasse, dans ce restaurant aux banquettes rouges, entre les regards, entre les sourires et dans la complicité évidente qui s’installait, j’ai rencontré une oeuvre.
Ce jour-là, à Montparnasse, j’ai su que je la lirais et que je l’aimerais.
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