"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Deuxième tome des enquêtes du capitaine Samejima de la police de Tokyo, après Le Requin de Shinjuku, qui est également son surnom, parce qu'il ne laisse aucune chance à ceux qu'il combat, les yakuzas. Cette fois-ci cependant, il aura fort à faire avec le Du Yuan et sera davantage un spectateur impuissant ayant toujours un temps de retard qu'un flic qui sait déjouer les plans de ses adversaires. Mais il faut dire que Du Yuan est un tueur efficace qui cherche plus à se venger d'un parrain taïwanais qui l'a trahi qu'à accomplir un contrat.
Un peu long par moments lorsque le romancier change de narrateur : il rejoue certaines scènes mais n'y apporte pas vraiment de détails supplémentaires, ce qui ajoute des pages certes, mais délaye un peu le roman. Ce point mis à part, le voyage dans le Tokyo underground d'il y a trente ans est intéressant et Arimasa Ôsawa donne à son héros du tempérament et un vrai point de vue sur son métier, la manière de le faire : "Bien sûr, à mes yeux, il existe des policiers détestables. [...] Ceux qui jouent les cow-boys. Et puis ceux qui n'ont à la bouche que "les intérêts de la nation". j'ai pour règle de ne pas leur faire confiance? L'important c'est l'individu, pas l'organisation ni le système. Un policier se voit confier un pouvoir que n'a pas le citoyen lambda. Mais c'est pour protéger ses concitoyens, pas la Loi. Ce qu'on appelle la Loi est quelques chose d'invisible. Pour moi, le policier figure une espèce de barrière. En la franchissant, on se blesse et on blesse autrui. Chacun sait bien qu'on prend un raccourci en passant ces barrières [...] Malgré ça, certains empruntent le raccourci comme si de rien n'était et si quelqu'un s'en offusque, ils usent de la menace pour le faire taire. Eh bien si nous laissons faire ces individus, nous en encourageons immanquablement d'autres à se dire : Quoi, j'ai été bien stupide d'avoir fait le détour !""(p.102/103)
Ce sont tous ces apartés qui donnent du sens au texte, qui sans cela serait une énième aventure d'un flic solitaire qui lutte contre le crime organisé dans un pays quelconque. Amirasa Ôsawa écrit un polar sociétal ancré dans le Japon des années 90, dans une société en plein changement qui vit entre une grande modernité et une tradition très forte qui imprègne tout le pays et les habitants. Un pays qui n'est pas très accueillant, qui n'aime pas voir débarquer des étrangers fussent-ils de pays proches, très autocentré. Bref, une série de polars marquante, bien traduite par Jacques Lalloz -enfin, j'imagine, je ne parle pas japonais, mais la traduction est plaisante, fluide- et même si j'ai lu en format liseuse, j'ai trouvé qu'il y avait un réel travail de mise en page des éditions Atelier Akatombo.
Une découverte pour moi que ce polar japonais qui m'a laissé un goût de "revenez-y" avec néanmoins quelques réserves. Celles-ci sont davantage sur la forme qui parfois, traîne dans des descriptions notamment sur les différentes armes, sur les parcours de Samejima dans son quartier de Tokyo. C'est somme toute assez mineur et quelques pages peuvent se passer vite. Le reste m'a plu. L'intrigue n'est pas hyper originale ni décoiffante, elle est classique, mais bien menée et entretient une tension jusqu'à la fin. Ce que j'ai aimé c'est le dépaysement : je ne lis qu'un peu de littérature asiatique et japonaise mais pas vraiment du polar -un seul je crois, Out de Natsuo Kirino. Arimasa Ôsawa nous plonge dans le quartier le plus chaud de Tokyo, le plus vivant et si l'on s'imagine un Japon aseptisé, propre et des Japonais au cordeau, il fait sauter cette image : des boîtes, des salles de concert, de jeux, des bordels... Et il le fait avec une écriture simple, directe qui ne s'embarrasse d'aucun artifice. C'est tellement réaliste, que parfois, on a l'impression d'un reportage journalistique. J'aime bien, on sait où l'on va et on entre aisément dans Shinjuku grâce à cela.
Et puis, il y a aussi son flic intègre, le capitaine Samejima surnommé le Requin de Shinjuku "cet inspecteur solitaire qui s'approchait sans bruit pour se ruer tout à coup sur sa proie." (p.48) un solitaire puisque personne ne veut bosser avec lui et qu'il aime bien cette situation, contraint de cacher sa relation avec Shô une chanteuse d'un groupe rock, pour la protéger. A l'heure où la police de Tokyo chasse le communiste -certaines unités sont dédiées à cela-, lui préfère traquer le crime d'où qu'il vienne. Pas très apprécié par ses collègues et même franchement haï par le commandant Kôba issu de la même promotion, qui lui a su grimper les échelons, il mène ses enquêtes comme il l'entend.
Bref, une très belle découverte et j'ai la suite dans ma liseuse -enfin, celle de Madame Yv-, Le singe venimeux.
L’action se passe à Tokyo quartier Shinjuku, dans les années 90. Le requin de Shinjuku est le premier volet d’une série policière à succès et lauréat du prix Eiji Yoshikawa. J’ai bien accroché au mystère de ce tueur de flic en série et de Samejima, le seul enquêteur non conformiste s’il en est, qui osera l’affronter. On trouve beaucoup d’action, de rebondissement et un certain suspense à la japonaise. On en apprend plus sur les événements passés qui ont entraîné le statut peu confortable du talentueux capitaine Samejima ainsi que sur son histoire d’amour avec la jeune chanteuse de rock Shô. C’est aussi agréable de découvrir le Japon des années 90, sa culture, son urbanisme et oui les descriptions des lieux sont tellement bien amenées que l’image venait facilement. J’avoue que j’ai eu un peu de mal à comprendre les raisons sociétales du rejet de Samejima, en revanche j’ai trouvé ce personnage bien dans sa tête même s’il est finalement une victime de sa hiérarchie. Les intimidations voir les humiliations qu’il subit m’ont fait réagir même si je sais après avec lu « Stupeur et tremblements » qu’au Japon ce genre de chose est pratique courante. Il ne fait pas bon contester une institution telle que la police. J’ai beaucoup aimé sa comparaison des structures quasi similaires entre Yakuzas et policiers, concernant les ordres venant d’en haut. Quand les chapitres traitaient des crimes, il y avait une vraie tension et c’est ce que j’aime trouver dans un polar. L’auteur donne beaucoup d’informations sur la culture japonaise et sur des sujets dont je ne connais pratiquement rien, ce qui permet d’ajouter une couche de crédibilité au héros. Notamment lorsqu’il s’agit de discussions sur la balistique et les caractéristiques des armes utilisées sur la scène de crime. Un scénario policier réussit qui donne à réfléchir sur la conformité, la soumission et l’identité. J’espère avoir l’occasion de lire le prochain titre de la série. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2020/09/10/38427247.html
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