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Anne Wachsmann a embrassé le monde de la justice en revêtant l’épitoge. Tout comme son père et son grand-père. Sa famille est alsacienne, juive alsacienne et c’est en retrouvant par hasard une boîte avec divers documents et une correspondance entre son père, Jean-Paul, et son grand-père, Poldi, que l’avocate a décidé de retracer l’histoire de toute sa famille sous l’occupation allemande.
Une famille qui contrairement à beaucoup n’a pas été décimée par la « solution finale » ordonnée par l’ogre nazi et ses ogrillons collaborationnistes français. A la fin de l’ouvrage, l’avocate souligne que la France, et grâce à des excellents Français, n’a pas été aussi touchée par les rafles que d’autres pays européens : 25% de la population juive a été envoyée dans les camps de la mort contre 99% en Pologne, 75% aux Pays-Bas, 55% en Belgique… Néanmoins tous ont vécu la peur au ventre – et c’est un euphémisme – jusqu’en 1945. D’un premier exil intérieur, toute l’Alsace devait être vidée des Juifs, ils vont se retrouver un peu éparpillés sur le territoire mais le lieu principal de la famille direct sera Néris-les-Bains dans l’Allier, à l’instar de beaucoup d’autres.
Après une introduction un peu laborieuse, l’intérêt du livre prend un immense envol à partir du premier chapitre jusqu’au dernier, les ultimes paragraphes du document résonnant de justesse et d’émotion. Avec de nombreuses illustrations, photos de famille, documents d’époque, c’est un travail gigantesque qu’a effectué Anne Wachsmann. A travers l’histoire d’une généalogie, c’est la totale immersion des années d’occupation en France et de la dévastation en Europe. A titre personnel, j’avais l’impression d’entendre mes parents me raconter ce qu’ils ont vécu – bien que n’étant pas juifs : exode, bombardements, délations, cartes de rationnement, la « pétainisation » de la France, propagande, les excellents français côtoyant les âmes les plus vils, le marché noir, les profiteurs, la faim, le froid, les privations, les sirènes, le couvre-feu, les voisins ou connaissances qui se font arrêter, les départs vers des destinations inconnus, la résistance, la peur… le tout amplifié atrocement lorsque vous étiez juifs. Là, c’était l’humiliation, les contrôles, le port de l’étoile jaune, le droit de n’avoir aucun droit, ne plus pouvoir travailler (ou presque), subir les injures, les coups. Etre obligé de se faire tamponner sur ses papiers : JUIF avec les descriptions physiques. Jusqu’à l’extermination finale.
Chaque membre de la famille a pu passer à travers les griffes du diable, souvent en prenant de nombreux risques et certains sont même entrés héroïquement dans la résistance.
A côté de la narration de cette vie, de cette survie quotidienne entre 1939 et 1945 s’ajoute l’histoire de l’Alsace, de sa population qui a dû basculer encore vers l’Allemagne, seule région totalement annexée au III° Reich !
Juste un bémol que je me permets de souligner lorsque l’auteure relate le décès de l’académicien Henri Bergson le 3 janvier 1941. Il n’y a pas eu qu’un « simple éloge funéraire au domicile du défunt prononcé par Paul Valéry ». Au sein de l’Académie française où on retrouvait à la fois farouches opposés au nazisme et collaborationnistes, la séance du 9 janvier n’a pas été facile car rendre hommage à un confrère juif était un risque énorme. Néanmoins, Paul Valéry alors directeur de séance a lu un courageux discours qu’il avait écrit en sa mémoire devant les 10 académiciens présents qui sera, ensuite, envoyé aux absents. Dés la fin du discours Valéry leva la séance en signe de deuil pour marquer les esprits en sachant qu’il enfreignait les règles autorisées. Et accompagnera Bergson pour son dernier voyage au sein d’un cortège réduit au minimum.
Un ouvrage non seulement à lire pour sa richesse informative mais aussi qui serait à diffuser au sein des établissements scolaires pour non seulement rappeler ce que personne ne doit oublier mais aussi pour montrer tous les mécanismes qui s’entrechoquent lorsque la haine se met à gouverner un pays.
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