Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
En 1993, dans une ville en bordure d’une jungle sud-américaine et d’un fleuve boueux de 4 kilomètres de large, la torpeur tropicale est troublée par l’apparition d’une trentaine d’enfants, âgés de 9 à 13 ans. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, quelles sont leurs intentions ? Leur arrivée au compte-goutte passe d’abord relativement inaperçue, juste quelques mendiants de plus aux carrefours. Mais peu à peu, la cohésion de leur groupe, sans hiérarchie claire, interpelle les habitants, qui ne tardent pas à s’apercevoir que ces enfants parlent un langage incompréhensible. Après l’étonnement vient l’inquiétude, en même temps que les premiers pillages et agressions, avant le choc de la tragédie. Car on sait dès le départ que cela finira mal, la première phrase du roman indiquant que les 32 enfants vont mourir.
Le narrateur de cette catastrophe annoncée est un fonctionnaire des services sociaux de la ville, qui nous raconte, 20 ans après, le fil des événements. Jeune bureaucrate à l’époque, aux premières loges du drame de par son travail, il revient non seulement sur les faits eux-mêmes, mais aussi sur les interprétations et les théorisations qui en ont été faites, sur le ressenti des différents protagonistes (y compris le sien), sur la gestion politique des événements et le battage médiatique qui les a entourés, sur le traumatisme durable qu’ils ont créé dans la région. Il s’interroge aussi sur le trouble et le malaise provoqués par l’apparition soudaine de ces enfants sauvages, qui ne correspondent pas à l’image de l’innocence qu’on associe généralement à l’enfance, sur l’influence qu’ils ont pu avoir sur les enfants de la ville et sur le regard que les adultes portent désormais sur eux.
Tendu inconfortablement entre innocence et perversité, entre civilisation et état de nature, « Une république lumineuse » est l’histoire d’une tentative vaine et tragique de sécession d’un groupe d’enfants qui refusent d’entrer dans le monde des adultes, créant une sorte de communauté instinctive, pour le pire plutôt que pour le meilleur, dès lors que la confrontation de ces deux conceptions de la vie est inévitable.
Pioché presque au hasard (mais y a-t-il un hasard?) sur une table de librairie, cette fable cruelle et émouvante est une très belle découverte. Porté par une écriture puissante et remarquable, ce texte, entre chaos originel et ordre établi, interroge sur l’enfance et ses symboles.
Un très bon livre !
L’enfant est-il innocent par nature ? Voilà le dilemme auquel est confrontée la petite ville de San Cristobál où trente-deux gamins ont saccagé un supermarché, tuant deux grandes personnes par la même occasion. Répondre oui, c’est semer le trouble dans les consciences, remettre en question le principe de l’éducation qui voit dans l’enfant un être pur à modeler. Répondre non, c’est en faire des adultes, s’autoriser les pires extrémités et perdre ainsi son humanité. Ignorant la réponse, les protagonistes de cette histoire sont incapables d’imaginer la réaction la mieux adaptée. Avec cette tragédie, Andrés Barba revisite l’affrontement nature-culture, convoque en ordre dispersé Rousseau, Voltaire et tous ceux (Golding, Defoe, Tournier, Kipling, Burroughs) qui se sont demandé ce que l’homme deviendrait s’il n’était pas élevé par ses semblables, sans repères, livré à lui-même, n’ayant pour référent qu’un environnement vierge de civilisation. Andrés Barba interroge aussi : « l’homme a humanisé systématiquement ce qu’il ne pouvait pas comprendre, des planètes jusqu’aux atomes ».
Tout aussi intéressants, les états d’âme du narrateur, le jeune fonctionnaire qui se retrouve en première ligne. La chienne errante qu’il manque d’écraser au début du roman, la fille de sa compagne qui se dérobe à son empathie, le monstre invisible de ses peurs et de ses fantasmes… tout le ramène au perturbant mystère de ces gosses indomptés, si déterminés dans leur désir de liberté qu’ils ébaucheront leur propre société (avec sa langue et ses codes).
À lire d’urgence. Une fois de plus, le salut du roman vient de l’étranger.
Bilan :
Après un accident de voiture, Marina, 7 ans, se retrouve à l’orphelinat.
« Mon père est mort sir le coup, ma mère ensuite à l’hôpital »
Voilà la phrase qu’elle répète le plus souvent.
Entre fascination et rejet, ses camarades se conduisent étrangement.
Quel roman bizarre, entre hyperréalisme et irréalité.
C’est comme un rêve qui parfois vire au cauchemar et met mal à l’aise.
Mais c’est tellement bien écrit qu’on adhère sans réserve.
Une grande poésie émane dans une ambiance plutôt lourde.
Andrés Barba n'est pas le dernier venu sous nos latitudes francophones, puisque trois de ses livres - deux romans et un recueil de nouvelles -, La soeur de Katia (2001), Et maintenant dansez (2004), La Ferme Intention (2002) ont déjà été publiés aux éditions Christian Bourgois. Pourtant, ce jeune prodige des lettres, né en 1975 à Madrid - certainement l'un des écrivains les plus personnels de sa génération - demeure injustement méconnu.
Certains refrains traversent toute son oeuvre, dont l'incommunicabilité entre les êtres, qui détruit dans sa réalité cruelle les uns et déconstruit le château de cartes imaginaire des autres; la force souterraine des émotions entre vide et plein inspirant davantage de crainte que de libération; la maladie enfin, image incontournable de la déchéance physique et préfiguration de «la forme humiliante de la mort» rejoignant les deux thèmes précédents à laquelle répond en écho une vision plutôt féroce de la religion catholique. Sur le plan romanesque, un personnage central catalyse tout le désir et l'imaginaire des autres, et dans son dernier roman, Versions de Teresa, c'est particulièrement le cas.
De quoi s'agit-il ? Du besoin d'amour, de la fascination du désir et de la mise à nu des sentiments. Parlant très peu, enfermée en quelque sorte dans un monde inaccessible à ses proches - sa mère et sa soeur Veronica - Teresa, une adolescente de 14 ans, est de surcroît une handicapée physique. Dans un camp de vacances, elle fait la connaissance de Manuel, un moniteur trentenaire mal dans sa peau qui semble touché par la grâce de cette jeune fille. Quant à Veronica, qui éprouve pour sa petite soeur une tendresse bien réelle - mais concurrente face à sa mère et Manuel - ne ressent-elle pas le besoin de prendre sa revanche, dans cette relation à trois personnages - incapables de s'aimer eux-mêmes - qui dévie vers une transgression obscure et inacceptable ? Pour qui ?
Ce récit aux relations complexes n'est en aucun cas un roman sur la pédophilie. Presque lyrique et néanmoins concise, épurée de tout artifice, la langue d'Andrés Barba évite toute complaisance et traduit admirablement la peur de l'interdit, les frontières qui s'amenuisent entre la normalité et la différence, l'insatisfaction intime comme réponse à une obsession assouvie dans ce dernier cercle de la douleur et de la culpabilité de Manuel : «Je l'ai utilisée - Teresa - comme une caisse de résonance, où mes propres sentiments étaient amplifiés par les siens. Elle n'était que le vide où résonnaient ces sentiments. Et ça, j'en ai honte.»
A cette image se superpose en miroir le jugement impitoyable de Veronica : «C'est drôle, nu tu es beaucoup plus moche qu'habillé. (...) La chaleur te fait paraître plus vieux, ou plus fatigué, je ne sais pas. Tes pommettes deviennent toutes rouges. On dirait un enfant vieux. Tes bras sont très longs et tu as les jambes trop poilues. Tu es maigre et petit. Habillé, tu as l'air beaucoup plus fort, plus solide, mais nu et fatigué, il n'y a plus aucune vigueur en toi.»
L'amour, un «cérémonial de l'exhibition», un concert de mensonges - à soi-même -, ou une leçon de choses apprise pour appréhender le réel ? N'inventons-nous pas ceux que nous aimons, quand à nos pulsions ne répond que le silence intérieur - ou le vide - de l'autre ? Qui donc est le plus faible et le plus vulnérable, quand le désir s'en mêle : le prédateur ou la victime ?
De ces interrogations - et de bien d'autres - ce livre tire sa force convulsive, ténébreuse, désenchantée, tel cet oiseau à l'aile cassée - tout près de la fin du roman - dont le vol n'est plus qu'une agonie circulaire...
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