"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Contraint de se mettre au vert suite à un reportage sur le chef d'un gang de motards qui a déplu et un peu perdu par un divorce à peine prononcé, Takeshi Noda accepte de partir loin de la ville pour faire un reportage sur les amas, les plongueuses en apnée. Accompagné d'un jeune stagiaire, il va faire la connaissance de ces femmes qui lui offrent l'hospitalité, lui racontent leur travail et la confiance aidant, débordent sur des histoires personnelles, notamment l'une d'entre elle, quatre décennies plus tôt, qui mène Takeshi Noda aux portes du fantastique.
Roman graphique original, d'abord par son dessin : décors aux traits droits, tirés à la règle, les maisons sont des cubes, comme les voitures, opposés aux formes arrondies des amas et de tout ce qui touche à la mer. Puis, il y a les couleurs : du vert, du jaune orangé, du bleu, des roses, des tons qui tranchent qui racontent le moment de la journée, les retours en arrière et même si je ne sais pas bien les décoder, je les trouve très beaux, ils enjolivent cette histoire et le dessin d'Alexis Bacci.
L'histoire puise dans la tradition japonaise, les amas sont des pêcheuses en apnée, à Wagu dans la baie d'Ago connue pour ses perles. Takeshi Noda les écoute et elle raconte la tradition : ama de mère en fille, la dangerosité du métier et la fascination qu'il provoque, l'impossibilité d'en sortir, l'euphorie lorsque la pêche est bonne... Mais aussi des histoires moins gaies liées aux yakuzas et à un soit-disant trésor coincé au fond de la mer. Puis l'une des amas raconte une histoire à Takeshi Noda. Le fantastique qui pointait déjà prend le pas sur la tradition pour le plus grand plaisir des lecteurs qui voient un très bon reportage -mais classique- se muer en une histoire elle aussi très belle, originale et marquante.
Takeshi Noda sort d'un divorce houleux et d'un reportage dangereux. Journaliste aux poches vides un peu largué, il part avec son jeune photographe Koji au village de Wagu, dans la reculée baie d'Ago, à la rencontre des célèbres plongeuses Ama.
Ces femmes à l'endurance particulière pour la plongée profonde traditionnelle en apnée ne sont plus qu'une poignée, vieillissantes, et détentrices d'un savoir ancestral de la pêche aux ormeaux, poulpes et autres oursins, et bien entendu des perles.
Fujiko Takayatsu va raconter à Takeshi la vie de ces femmes, sororité parfois utilisée, parfois mise au ban et faire plonger le journaliste dans un monde plus intérieur à mesure que les récits de la vieille femme espiègle se font plus intimes...
Un nouvelle lecture pour le prix Orange de la bd 2023, décidément riche en agréables découvertes !
Alexis Bacci m'a eue au tournant, et pas qu'un peu.
Surprise par son style graphique d'abord, passant d'un style narratif très manga à des pages pleines absolument magnifiques.
Ces trichromies variantes (oui, j'invente des termes, j'fais c'que j'veux) toujours faites de noir et gris et d'une teinte colorée déclinée qui change au fil de récit, ces yeux dévorants, ces ombres vivantes, ce trait plein et assumé, tout ça fait un ensemble très moderne et dynamique qui fonctionne en symbiose avec le recit.
Le récit, lui, nous emmène d'abord à la rencontre de ces femmes, plongeuses Ama, détentrices d'une tradition qui s'évanouit, ou l'on s'enrichit de ce monde méconnu, de ses traditions et de ses dangers.
Puis lentement, on glisse dans une sorte de thriller, un peu fantastique, un peu onirique... Comme ces histoires qu'on se raconte le soir pour se faire peur.
Une histoire de vie, dure, cruelle à l'image de l'Homme, des souffrances enfouies, englouties par la mer, la vieillesse, et pourtant qui éveille les curiosité et la soif d'une pêche miraculeuse ou le trésor est fait de vérité et de quête de soi.
Étrange ambiance, plongée en eaux troubles, rencontres uniques, c'est de ça qu'est fait Dérives.
Le Fujiyama, en témoin taiseux, montre l'emplacement d'une lecture assez unique !
Un journaliste quitte Tokyo avec un stagiaire pour un reportage sur les amas, pêcheuses traditionnelles. Les récits de ces femmes vont peu à peu le captiver et le poursuivre même dans ses rêves.
Il y a au départ un aspect presque didactique sur un métier en voie de disparition, celui des amas, femmes puissantes plongeant vers les abîmes de l'océan pour y cueillir des coquillages et capturer des poissons. Puis les récits des femmes se mêlent aux légendes.
L'ambiance est déroutante, aussi dérangeante par moments, que fascinante à d'autres.
Graphiquement, le style est audacieux, avec des couleurs suivant les émotions et flirtant avec l'onirisme.
Une lecture troublante qui ne laisse pas indifférent.
Lecture dans le cadre du Prix Orange de la Bande Dessinée 2023
Le résumé du résumé "Tragédies surnaturelles entre deux eaux" donne bien la tonalité de cette BD.
On se laisse embarquer dans cette histoire avec l'intérêt des références aux Amas, une intrication d'histoires avec un tronc narratif ; le tout servi par un graphisme et des colorations nous plongeant dans l'ambiance.
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