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Au XVIIe siècle, avec l’émergence de la peinture de genre, les natures mortes se répandent dans la peinture européenne. A côté des fruits, des amas de nourriture ou d’objets divers, la thématique florale occupe une place de choix au sein des écoles nordiques, et dans une moindre mesure en France ou en Italie. Aujourd’hui, une quantité incroyable de bouquets exubérants se présentent aux cimaises (et dans les réserves) des musées. Pourquoi un tel engouement ? Très probablement grâce à son ampleur décorative combinée, il est vrai, à une certaine précision scientifique. Mais, comme Erwin Panofsky l’avait fait pour les primitifs flamands, Alain Tapié, conservateur du Musée des beaux-arts de Caen, met en évidence le symbolisme caché de ces superbes compositions florales, symbolisme le plus souvent religieux, mais parfois profane.
Oui, alors que notre regard est prisonnier de la virtuosité du pinceau pour rendre les couleurs des roses, les textures des tulipes ou la lumière miroitant dans l’eau du vase, nous oublions trop facilement à quel point ces tableaux étaient des jeux pour l’esprit, des sortes de rébus, très souvent complexes et destinés à de fins lettrés. Umberto Eco nous l’a dit : tout est signe, et ce catalogue nous offre un véritable parcours sémiologique au sein de ce jardin floral. En effet, le goût pour la peinture de fleurs se double d’une passion dévorante pour les jardins et les espaces verts. Sans oublier que cet engouement a conduit à une forte spéculation sur les bulbes de tulipes, qui culminera aux Pays-Bas septentrionaux en 1636, avant l’effondrement des cours, l’année suivante.
Le peintre de fleurs fera donc appel à différents contextes, métaphoriquement représentés par les bouquets, les guirlandes ou la fleur isolée : la religion (rose, lys et ancolie sont liées à la Vierge), les cinq sens, la vanité de toute chose ou la mythologie (Adonis est lié à l’anémone ; Daphné se métamorphose en laurier, Hyacinthos en jacinthe, Narcisse en … narcisse). Ce jeu de références littéraires et érudites se retrouve dans un grand nombre d’œuvres de l’époque baroque : de Nicolas Poussin à Ambrosius Bosschaert, en passant par Jan Brueghel de Velours (qui mélange les fleurs en dépit des saisons), Willem Van Aelst, Nicolas Poussin ou Daniel Seghers. Le texte savant (mais très accessible) n’en est que plus passionnant, comme dans une chasse aux indices pour découvrir le secret de l’œuvre. Deux annexes complètent l’ensemble. Tout d’abord, un répertoire des attributs attachés à chaque fleur. Très utile. Ensuite, un ensemble d’œuvres nous présente, toile après toile, le détail des fleurs qui y sont représentées. Ce qui ajoute une dimension supplémentaire : quel n’est pas notre étonnement de trouver des roses anciennes, plus rustiques mais plus picturales que nos trop sages cultivars, ou d’admirer d’énormes tulipes perroquets, flamboyantes et extravagantes, en un mot : baroques. Et de prendre conscience à quel point notre langage des fleurs est l’héritier de cette symbolique plus ancienne.
Un véritable divertissement pour les yeux, les sens et l’esprit, ce livre est un complément parfait à d’autres monographies, plus générales (Germain Bazin) ou plus pointues.
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