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Le texte s’expose : Barbara, tête d’affiche de la Philharmonie

Le texte s’expose : Barbara, tête d’affiche de la Philharmonie

A quelques jours du vernissage, nous avons rencontré la commissaire de l’exposition Barbara, Clémentine Deroudille. Elle nous explique les dessous d’une exposition consacrée à l’une des auteures-compositrices-interprètes les plus littéraires de la chanson française, mais aussi les trésors d’ingéniosité qu’il faut déployer pour donner à voir du texte chanté.

 

Le 13 octobre s’ouvrait l’exposition Barbara dont vous êtes la commissaire...

C’est une exposition attendue depuis la disparition de Barbara. D’où ma peur à quelques jours de l’ouverture ! Barbara touche un endroit très intime chez les fans, sans doute parce qu’elle a elle-même livré son intime dans ses chansons. Elle est la première femme auteur-compositeur interprète avec Anne Sylvestre. Les Français de façon générale entretiennent un lien particulier avec elle. La gageure pour moi était de parler d’elle sans la trahir, en restant au plus près de ce qu’elle a apporté aux gens. Et qu’ils retrouvent un peu de « leur » Barbara.

 

D’où vient l’idée d’une exposition Barbara ?

J’avais déjà proposé et présenté une exposition Brassens à la Philharmonie, et je leur parlais de Barbara dès le vernissage ! Faire une exposition sur un auteur compositeur interprète, comme c’est le cas pour ces deux artistes, soulève des problématiques autres que la chanson, et c’est passionnant à mettre en œuvre.

 

C’est à dire ?

Le sujet de la chanson n’est pas traité de façon scientifique en France. Il n’y a pas de lieu comme la cinémathèque ou la BNF pour conserver le patrimoine de la chanson française. Ce serait peut-être le moment de créer un musée de la chanson, où l’on pourrait conserver ce patrimoine. Le patrimoine Brassens est déjà un peu dilapidé. C’est incroyable qu’en France on respecte aussi peu ce patrimoine qu’est la chanson, qui nous fait connaître à travers le monde entier. En ce qui concerne Barbara, deux associations ont acquis un grand nombre d’objets lors de la vente aux enchères qui lui était consacrée, il y a une quinzaine d’années, et ce afin de ne pas dilapider le patrimoine. Mais qu’est ce que tout cela va devenir ?

 

Comment conçoit-on une exposition sur la chanson, dont le propre est d’être immatérielle ?

C’est effectivement compliqué d’exposer la musique et la chanson, sans s’appuyer sur une œuvre plastique, comme la photo, la peinture, la vidéo, ou le livre, même. Certes, Barbara a beaucoup été photographiée mais il s’agissait non pas de rassembler des photos, mais de raconter une histoire autour de son personnage et ses chansons. Ce n’était pas chose facile, Barbara détruisait tout. Alors on a par exemple cherché des manuscrits. On va ainsi pouvoir montrer des chansons inédites, mais aussi les manuscrits de l’Aigle noir et de Nantes. Et puis des vidéos inédites de Barbara, jeune, à Anvers. Cette exposition est conçue comme un grand spectacle d’une heure et demi. Et puis Barbara, c’est aussi une époque qui n’est plus du tout la nôtre. C’est incroyable comme on a changé, en si peu de temps. D’où la complexité d’en parler.

 

Raconter une histoire : qu’entendez-vous par là ?

L’exposition raconte comment Barbara est née et a incarné l’idée même du spectacle. Il m’a fallu aller voir du côté de la force de vie exceptionnelle qui animait cette femme, derrière l’Aigle noir. Cela se fait par les documents et par la façon dont on les montre. L’exposition s’ouvre sur de petits espaces au début, avec son enfance difficile, sombre, et ils deviennent de plus en plus grands, dans la conception de la scénographie. A partir de 1981, elle n’apparaît plus à la télé, refuse que ses concerts soient filmés, et montrait peu de choses d‘elle pour préserver la magie. De même, j’ai choisi de ne pas parler de ses dépressions successives, d’exposer ses lettres d’amour. J’en montre une quand elle me paraît évoquer une chanson. Mon mot d’ordre a été d’éviter ce qu’elle aurait détesté, ce qui ressort de l’ordre de l’intime et qui ne raconte rien, éviter aussi de piétiner l’endroit de la tragédie de Barbara, l’inceste commis par son père. L’exposition montre simplement, factuellement, une photo de son père, mais rien n’est dévoilé.

 

Pour la mise en espace, j’ai travaillé avec deux scénographes d’opéra et de cinéma, Christian Marti et Antoine Fontaine, pour recréer des atmosphères et des émotions, et mettre en lumière ce que le public ne connaît pas. Nous n’avons pas reconstitué ses lieux de vie, mais mis en scène des évocations, notamment de l’Ecluse, cette maison dans laquelle elle a habité vingt ans. On essaie de dévoiler des lieux, des objets, comme son piano de scène et son piano de travail, le fameux rocking chair, des tenues de scène, des extraits de ses passages télévisés bien sûr, mais aussi des vieux messages de répondeur que j’ai retrouvés.

 

Que révélez-vous de Barbara ?

Il y a un chapitre très important dans l’exposition, ce sont ses engagements sur lesquels elle a toujours été discrète. En particulier la lutte contre le sida dans laquelle elle s’est engagée au plus fort de l’épidémie. Elle ne voulait pas qu’on en parle. Elle venait voir les malades, elle a fait installer une ligne de teléphone chez elle, où les malades pouvaient l’appeler jour et nuit. N’accordait plus aucune interview sur son travail, à cette époque, mais en a donné beaucoup pour le Sida. L’exposition en rend compte.

 

A côté de l’exposition, il y aura des concerts… Et des télégrammes !

Dans une exposition consacrée à la chanson, j’essaie que le public soit un peu actif. Barbara envoyait des fax, et comme tous les artistes, elle recevait des télégrammes de ses amis à la fin des concerts. A l’issue de l’exposition, on proposera aux gens d’écrire un télégramme à Barbara. Au  préalable, j’ai demandé à des artistes comme Atiq Rahimi, Cyrulnik, Bernard Serf, Arthur H, Nana Mouskouri, d’en écrire. Au fil du temps, le mur se remplira de télégrammes de gens connus et d’anonymes. Il y a des choses très belles et émouvantes.

Et puis le public retrouvera des petits concerts le vendredi soir à 18h et 19h. Des chanteurs comme Barbara Carlotti, Albin de la Simone, Babx, viendront chanter des chansons de Barbara sur son piano. Un peu plus loin à la Maison de la Poésie à Paris, les lectures musicales que j’ai concoctées. Le 9 novembre par exemple, Mathieu Amalric lit le texte de Jacques Fournier dans Poètes d’aujourd’hui, avec le percussionniste de Barbara.

Propos recueillis par Karine Papillaud

Lire également Barbara : une longue dame brune, s'expose à la Philharmonie

 

En savoir + :

« Barbara »

Espace d’exposition de la Philharmonie

13 octobre 2017-28 janvier 2018

Informations : https://philharmoniedeparis.fr/fr/exposition-barbara

 

 

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