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"Le sel de tous les oublis", une histoire qui se fond dans les grands problèmes politiques et sociétaux de l’Algérie de 1963

Une double invitation à l’évasion et à la réflexion

"Le sel de tous les oublis", une histoire qui se fond dans les grands problèmes politiques et sociétaux de l’Algérie de 1963

Le sel de tous les oublis est une histoire qui se fond dans les grands problèmes politiques et sociétaux de l’Algérie de 1963.

Une double invitation à l’évasion et à la réflexion.

 Le sel de tous les oublis, de Yasmina Khadra (Julliard). Mireille B., une des membres du Cercle livresque, nous livre sa chronique.

 

En couverture, derrière un voile taché de couleurs froides, se profilent les spectres de don Quichotte et de Sancho Panza. Bien peu de ressemblance entre ces héros et Adem, si ce n’est un brin de folie mais là encore, folie utopiste pour Don Quichotte épris de Dulcinée, contre la folie mélancolique de Adem qui a bien compris le non-retour de Dalal.

 

« Adem ne voyait pas ce qu’il était possible de réparer. Il est des turpitudes que l’on ne soupçonne pas, des faillites que l’on ne surmonte pas, des prières aussi atroces que les peines perdues. Sa femme venait de le quitter, aucun recours ne semblait en mesure de l’en dissuader ».

Fuir face à la blessure, abandonner son métier d’instituteur, brûler les souvenirs des jours heureux, se retrouver face à sa solitude au cœur de Blida, la ville où ils s’étaient rencontrés, et décider de se livrer à l’appel des grands espaces : ainsi commence la longue trajectoire de Adem Gaït Gacem. Nous sommes en Algérie, au lendemain de l’indépendance.

Dans les premières pages, peu de signes aiguisaient mon appétit de lectrice admiratrice des ouvrages de Yasmina Khadra. La fin d’une histoire d’un couple rattrapé par l’habitude, un homme désormais sans repère, déshumanisé tel l’ermite incapable de relations sociales. C’est dans une longue déambulation poétique, parfois violente que l’auteur compose une ambiance où se révèlent des sentiments de bienveillance et d’espoir, où il décrit des décors apaisants percutés par les aspérités d’une nature non exempte des traces d’un passé encore brûlant.

De cet univers émergent des personnages atypiques, pour la plupart cabossés eux aussi par la vie, pleins d’empathie envers Adem, qui est lui-même antipathique voire grossier et ostensiblement figé dans sa position de révolté. De ces êtres, Yasmina Khadra brosse des portraits très beaux et touchants, dont un des plus remarquables est celui de Mika, nain passablement handicapé, acteur de toute l’histoire.

 

Pourtant, aussi plaisante que soit la lecture, il m’a fallu atteindre la seconde partie du roman pour trouver une accroche plus profonde à l’histoire, là où le conte cède la place à une autre fiction.

Cette seconde partie rompt avec la première par un rythme contemplatif qui décrit une suite de situations légendaires susceptibles d’apaiser l’homme rebelle. Il n’est, en effet, pas désagréable de se laisser porter par la poésie de la plume élégante de l’auteur, dans cet opus où les bons sentiments tiennent une place importante.

De plus l’intérêt de la lecture augmente lorsque l’histoire se fond dans les grands problèmes politiques et sociétaux de l’Algérie de 1963 en faisant corps avec l’homme torturé. Ben Bellah est au pouvoir.

 

Malgré le style et l’approche psychologique très réussie des personnages, je n’ai pas retrouvé l’originalité de la plupart des romans précédents de Yasmina Khadra. Cependant, « le sel de tous les oublis » trouve sa force dans les cent dernières pages et dans son épilogue surprenant.

Pour ces raisons et pour l’envie qu’il m’a donnée de me remémorer l’histoire de la décolonisation, je dirais que ce roman a rempli une double fonction : l’évasion et la réflexion. Je vous invite donc vivement à sa lecture !

 

Et pour garder le ton, en conclusion, une petite phrase philosophique d’un des personnages : « La vie est un navire qui ne dispose pas de la marche arrière. Si on n’a pas fait le plein d’amour, c’est la cale sèche garantie au port des soupirs. »

 

© Mireille B.

 

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