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Interview de Magali Nachtergael pour "Soccer Moms" : "Le football n'a pas de genre"

Un regard de femme sur le sport numéro 1 en France, pour une vision engagée et différente du football

Interview de Magali Nachtergael pour "Soccer Moms" : "Le football n'a pas de genre"

Et si on regardait le football autrement ?

Dans Soccer Moms, Magali Nachtergael nous propose d’aborder ce sport sous des angles nouveaux : une réflexion qui s’appuie sur la passion sportive bien sûr, mais aussi sur des engagements féministes et associatifs. Parce que la place des femmes dans le football – professionnel comme amateur - est souvent réduite à un rôle dérisoire et parce que leur voix est généralement réduite au silence, Magali Nachtergael témoigne ici pour ces « supportrices du dimanche » et à travers ce récit, c’est un tout un pan de notre société qui est éclairé.

Il y a dans Soccer Moms de l’engagement, de l’humour et de l’espoir, mais aussi une très grande lucidité. Nous sommes heureux et honorés de pouvoir donner la parole à Magali Nachtergael, maîtresse de conférences en littérature et arts, pour parler de ses chroniques, que l'on vous conseille vivement de découvrir en cette année si sportive…

 

Interview de Magali Nachtergael pour Soccer Moms : « Le football n'a pas de genre »

- Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est une « soccer mom » ? Le terme est à l’origine américain, quelles sont ses spécificités en France ?

Le terme « soccer mom » provient en effet des États-Unis. C’est le nom qu’on donne aux mères qui accompagnent les enfants au football, et dans les activités sportives par extension. On dit soccer aux États-Unis parce que le terme « football » est réservé à ce que nous appelons le football américain. Il se trouve qu’aux États-Unis, les soccer moms sont une catégorie de la population bien identifiée : des femmes majoritairement blanches vivant en banlieue (on peut penser à la série Desperate Housewives, pour planter le décor), très conservatrices, qui ont même un poids politique aujourd’hui. En France comme en Europe, les mères du foot sont dans une plus grande diversité, du fait que le football est un sport très populaire, et que c’est le sport avec le plus de licenciés en France. De notre côté de l’Atlantique, il y a beaucoup de soccer moms ou des « mamans du foot », et de supportrices en général, mais on n’en parle pas du tout, et c’est la raison pour laquelle je voulais faire un livre à leur sujet.

 

- En quoi le football est-il révélateur des manquements et inégalités de notre société ?

Le football, comme tous les sports, est un miroir de la société, mais à ce niveau les écarts et défauts sont peut-être encore plus visibles parce que c’est justement un sport très populaire qui génère énormément d’engouement, qui a beaucoup de succès, au point d’en être devenu une industrie spectaculaire. Il draine énormément d’argent et concentre beaucoup l’attention, donc quand il y a des inégalités, ou des pratiques condamnables comme le racisme, le sexisme, l’homophobie ou les violences, c’est forcément amplifié. L’idée dans le livre était de regarder le foot depuis le bord du terrain, avec un point de vue féminin et de partir plutôt de l’expérience dans le football amateur, pour sortir aussi des clichés sur le foot business.

 

- Quels liens établissez-vous entre le machisme ou le sexisme qui existent dans le football, et d’autres problèmes graves qui y perdurent, comme le racisme ou l’homophobie ?

Le sport de très haut niveau, et en particulier, le football est constitué sur la performance, et en l’occurrence, dans des équipes en non-mixité : mais quand on parle de football, généralement, c’est de football masculin. C’est quand on parle de de femmes qui jouent au foot qu’on précise qu’il s’agit de football féminin. Pourtant le football n’a pas de genre, et le terrain de foot n’appartient pas aux hommes. Ce sport s’est constitué dans un univers exclusivement masculin porté par des valeurs virilistes et machistes où les femmes ont très peu de place, et où même les indices de féminité ou les faiblesses étaient considérés négativement, ce qui est un des ressorts de l’homophobie. De la même façon, dans la culture du football, pendant très longtemps, l’absence de régulation de la violence verbale, que ce soit dans les tribunes ou sur le terrain, n’a pas contribué à faire des abords de terrain de foot, des lieux pacifiés et inclusifs que ce soit pour les femmes ou les jeunes enfants par exemple. A ce niveau, plus de femmes, plus de mixité, plus de diversité, c’est toujours bon pour l’ambiance et les publics. Certes, les parents éduquent leurs enfants, mais il faut aussi vraiment agir au niveau des fédérations et des éducateurs, et je pense que cela va globalement dans ce sens, même si c’est très lent. Et c’est important que ce ne soit pas que des affichages.

 

- Votre livre, s’il aborde sans détour des sujets graves, est néanmoins plein d’humour et riche en moments porteurs d’espoir. Que peut-on imaginer (et souhaiter !) comme évolutions pour les années à venir ?

Oui, dans le livre, j’ai voulu surtout aborder le foot du point de vue des premiers licenciés c’est-à-dire les enfants tout jeunes avec lesquels on revient vraiment à l’essence du foot, « à la source » comme dit notre coach, c’est-à-dire un jeu collectif qu’on fait avant tout pour s’amuser en plein air et avec les copains copines. On y apprend à vivre ensemble, à accepter les défaites, à respecter les règles et l’adversaire. D’ailleurs c’est la période où les équipes sont encore mixtes, même si les filles malheureusement sont très vite exclues du groupe, encore à cause d’une culture masculine qui s’implante très vite chez les jeunes garçons. C’est un peu le même problème qu’on retrouve autour des cours de récréation. Cependant, avec les jeunes on constate quand même une présence plus importante de femmes, notamment les mères qui accompagnent, soutiennent et encadrent les groupes quand ils ne sont pas sur le terrain. Donc à mes yeux, il faut souhaiter bien sûr que le foot reste un jeu, un sport sympathique et un plaisir pour le plus de monde possible, que ce soit moins une école de la performance et de la réussite. Il faut surtout casser le mythe du projet Mbappé, le petit gars de Bondy « sorti de nulle part » qui devient champion du monde, qui à mon avis fait beaucoup de mal car c’est un miroir aux alouettes. Il faut que ça reste avant tout un espace commun, de vivre ensemble, de diversité et d’inclusion avec plus de femmes. L’ambiance, je pense peut évoluer pour que tout le monde se sente bien aussi joueurs compris, à tous les niveaux, et dans l’ambiance littéralement « bon enfant » du foot amateur qui donne toute sa saveur aux matchs du dimanche, depuis les terrains en périphérie des villes jusqu’à ceux qui passent à la télévision.

 

Propos recueillis par Nicolas Zwirn

 

 

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