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Entretien avec Samuel Le Bihan pour "Un bonheur que je ne souhaite à personne"

Samuel Le Bihan nous parle de son engagement sur l'autisme : "Je vais me donner corps et âme à ce projet"

Entretien avec Samuel Le Bihan pour "Un bonheur que je ne souhaite à personne"

Il publie Un bonheur que je ne souhaite à personne (Flammarion) et ce n’est ni un témoignage, ni un livre d’entretien : Samuel Le Bihan vient d’écrire son premier roman pour parler d’un sujet qui le touche de près, l’autisme, pour lequel il a décidé de s’engager.

Samuel Le Bihan met en effet en place, avec la Fondation Orange, une plateforme d’écoute et d’information à l’adresse de tous les parents d’enfants autistes, qui verra le jour au printemps prochain.

 

Dans Un bonheur que je ne souhaite à personne, son héroïne dirige une association qui se bat pour défendre l’intégration des enfants autistes : Laura est la maman d’un ado et d’un petit garçon de 5 ans, autiste, qui a besoin d’un auxiliaire de vie scolaire pour pouvoir entrer au CP. Comme beaucoup de femmes aujourd’hui, elle vit seule avec ses deux enfants et est tellement occupée à se battre pour maintenir le navire de son quotidien à flot, qu’elle en passe à côté de sa vie. Jusqu’au jour où, à son corps défendant, elle fera une rencontre à laquelle elle ne s’attendait pas. Une histoire à la Gavalda, lumineuse mais réaliste et pleine de générosité, où l’on découvre le joli et déjà solide talent de romancier de Samuel Le Bihan. C’est à l’occasion de la sortie de son roman, et tandis que s’élabore le grand projet de plateforme d’information qui lui tient tant à cœur, qu’il a accepté d’évoquer son engagement d’homme et de père, avec lecteurs.com.

 

- Vous avez choisi le roman plutôt que le témoignage pour parler du sujet de l’autisme, pourquoi ?

Je voulais sortir du cadre de la célébrité, éviter qu’on s’intéresse davantage au « témoignage » de l’acteur plutôt qu’à l’histoire en tant que telle. Je redoutais d’engager les lecteurs dans une empathie et une émotion à mon égard que je ne souhaitais pas. Il m’est aussi très difficile de me dévoiler sans filtre, j’ai une pudeur naturelle qui m’empêche de me raconter. Et puis la fiction, les personnages sont forcément un moyen assez naturel pour m’exprimer.

Il me semble  aussi que le roman est plus fort. On peut sûrement me démontrer le contraire, mais j’en suis pour l’heure totalement convaincu. Je pense qu’une histoire romanesque, avec des moments d’émotion et de rire, permet de faire passer des idées et de comprendre ce que c’est de vivre avec un enfant autiste. Le roman m’a permis d’évoquer la quête, les questionnements qui jalonnent le parcours des parents d’enfants autistes, et des choses très intimes que je n’aurais pas dévoilées dans un témoignage.  

 

- Votre narrateur est une femme. Pourquoi ?

J’avais envie de raconter une belle histoire, celle d’une mère, d’une femme, qui défie l’Education nationale et qui se bat pour le bonheur de sa famille. C’est avant tout cela qui m’importait.

Le fait que le narrateur soit une narratrice paraît évident aujourd’hui mais à l’époque ce n’était pas si simple. Je trouve formidable que mon éditrice, Anavril Wollman, ait accepté cette proposition de roman, je lui sais gré de sa confiance. Je n’aurais de toute façon pas accepté de raconter mon histoire autrement, mais c’est un sacré engagement d’écrire un livre ! J’ai beaucoup souffert en phase d’écriture. Il fallait aller chercher loin, mettre ses tripes sur la table. Je ne savais pas où j’allais, ni comment raconter les choses.  La rencontre avec Charlotte Pons et son atelier d’écriture Engrenages & fictions, a été déterminante : Charlotte m’a coaché, stimulé, mis au défi, rassuré ; j’avais besoin d’être encadré, protégé. C’était important de me dire que je n’étais pas seul dans cette aventure, face à ma page.

 

- Laura, votre héroïne, repère très tôt l’autisme chez son fils César, alors qu’il a juste 2 ans, tandis que les médecins, souvent, tardent à poser un diagnostic. Pourquoi la médecine est-elle si longue à se prononcer ?  

D’abord, on range beaucoup de choses sous la dénomination d’autisme, parce que la recherche est loin d’avoir élucidé les origines de ce handicap social. Plus la science va avancer sur la connaissance de l’ADN, et plus on va sectoriser l’autisme en différentes catégories, trouver d’autres noms, isoler des formes qu’on pourra soigner. Il y a de nombreuses pistes suivies actuellement, comme celle des perturbateurs endocriniens.

C’est ainsi que chaque parcours de parent est différent. Comme Laura, je me suis rendu compte assez vite que ma petite fille était atteinte d’autisme : le langage ne venait pas, elle ne montrait pas les objets du doigt à l’âge où les enfants le font, je ne captais pas son regard. Je m’intéressais déjà à ce sujet en tant qu’acteur, peut être étais-je donc davantage sensibilisé.  Nous avons eu la chance de rencontrer une pédopsychiatre qui avait elle-même un enfant autiste. Mais ce n’est pas exactement mon histoire que je raconte dans le livre, il y a des choses éparses qui viennent de mon expérience mais aussi de celles de parents que j’ai rencontrés.

- L’une des intrigues du livre repose sur la recherche d’un AVS. Pourquoi est ce si important ?

Un auxiliaire de vie scolaire permet à ces enfants de continuer une scolarité avec tous les autres enfants, sans discrimination. C’est extrêmement important d’aller dans ce sens.

En France, on a beaucoup misé sur les institutions qui coûtent cher, qui séparent les enfants des familles, et qui, de façon plus générale, désocialisent les enfants. Il faut en outre un personnel qualifié pour les garder, les médicaliser… mais qui n’est pas formé pour faire évoluer les enfants. C’est une solution chère qui ne permet pas aux enfants autistes de progresser et de s’insérer ensuite socialement.

L’Italie a fait le choix de l’inclusion, c’est à dire de permettre aux autistes de vivre et d’évoluer parmi les autres, au sein de la société, et pas dans un environnement dédié. L’état italien a investi dans la formation d’éducateurs aux méthodes comportementalistes, qui ont notamment pour conséquence d’améliorer la communication, et ainsi de donner aux enfants une meilleure autonomie. Et qui dit plus d’autonomie pour les enfants autistes, dit également plus de bonheur pour tous les membres de leur famille. De façon générale, ce qui nous soigne c’est d’être avec les autres, et en particulier avec des gens différents. Le mouvement actuel est d’éloigner les vieux, les handicapés, les malades, alors qu’on se prive ainsi des meilleurs outils pour trouver le bonheur et l’accomplissement de soi.
 

- C’est-à-dire ?

Il y a une chimie du sens de l’autre. Je vis et vois cela tous les jours. J’ai passé du temps avec des équipes de « Café Joyeux », qui font travailler des gens avec un handicap cognitif. Et cela peut sembler étrange peut être, mais on se sent plus heureux d’avoir partagé ces moments. C’est un bien-être qui touche l’estime de soi, son rapport à la fragilité de l’existence, une façon de se raccorder et se réconcilier avec ses petits tracas et de se créer du bonheur.

 

- Au printemps prochain, vous allez sortir une plateforme créée avec le mécénat de la Fondation Orange. De quoi s’agira-t-il ?

Ce sera une plateforme d’écoute, de conseils et d’information que l’on a intitulée « Autisme Info service ». Tout est mis en œuvre pour qu’elle soit opérationnelle le 2 avril, qui est la journée mondiale de l’autisme.

La Fondation Orange nous soutient depuis le premier jour où j’ai manifesté l’envie de créer cette plateforme avec Florent Chapel qui est porte-parole du collectif "Autisme". Depuis ce premier rendez-vous, ils nous écoutent d’une oreille attentive et nous donnent des moyens précieux pour construire cette plateforme. Le projet est en effet complexe à monter parce qu’il doit embrasser des domaines très différents : le juridique, le scolaire, le médical, la recherche, les questions administratives aussi, auxquelles se heurtent les parents. On est en train de chercher les meilleures compétences autour de ce projet qui ne peut pas se permettre un quelconque amateurisme. Ce qu’a parfaitement compris Orange.

- Quelle part de vous allez-vous consacrer à ce projet ?

Mon axe principal sera l’inclusion à l’école et la plateforme d’information. Je vais me donner corps et âme pendant deux ans à ce projet. Songez qu’il y a 700 000 autistes en France, c’est la population de la ville de Marseille. On connaît tous un Marseillais, non ? Pareil pour l’autisme. Il est temps d’avoir enfin cet outil. Derrière ce projet de plateforme, s’amorce une stratégie nationale orchestrée par le gouvernement qui suit notre initiative d’un œil attentif : il y a un besoin, on apporte une réponse faite sur mesure par des parents, pour des parents. Le regard sur l’autisme est en train de changer en France. Il faut faire une vraie place à ceux qui sont atteints d’autisme et se donner les moyens de la recherche. C’est un mouvement global à mettre en action.  

Découvrez les actions de la Fondation Orange pour l’insertion des personnes avec autisme

 

Propos recueillis par Karine Papillaud

 

On aime, on vous fait gagner le roman de Samuel Le Bihan

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Vous avez jusqu’au 16 décembre.

Bravo aux gagnants : Geneviève Munier ; Didier Saelens ; sophie wagret ; Annick Sivaslian ; danielle cubertafon. Un mail vient de vous être envoyé pour valider vos coordonnées

 

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Commentaires (11)

  • Marlène G le 12/02/2019 à 13h05

    un livre qui est certainement à la auteur de cet homme si discret et si juste dans ce qu'il fait .Longtemps discret sur ce sujet ,il ouvre aujourd'hui son vécu sur ce sujet qui est l'autisme .Beaucoup d'amour et de courage transpirent dans le regard de Samuel Le Bihan.

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  • danielle Cubertafon le 14/12/2018 à 22h35

    Quel combat et quel courage le livre doit être prenant mais tellement plein d espoir pour lui

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  • GWEN L.S le 12/12/2018 à 21h23

    Quel vaste sujet que l'autisme. J'aimerai lire ce livre car je connais beaucoup de handicap mais je ne connais pas l'autisme. Plus jeune je mes suis occupée d'une enfant autiste sans formation spécifique et je ne suis pas parvenue, je pense, à établir un lien ou à bien communiquer avec cette jeune.J'espère que cet ouvrage pourra m'éclairer sur l'univers des personnes autistes afin de mieux les connaitre. Merci

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  • Annick Sivaslian le 12/12/2018 à 09h46

    Je participe car il y a des années de ça j'ai découvert l'autisme au travers du livre de Bruno Bettelheim. A cette époque, on disait que les parents étaient "responsables"...double souffrances !!! Heureusement, nous n'en sommes plus là ! Il est important de connaître les terribles difficultés que traversent les parents d'un enfant "qui ne rentre pas dans le moule". C'est le parcours du combattant au sein de l'éducation Nationale pour convaincre les enseignants que votre enfant à sa place dans la classe et qu'une AVS peut faire des miracles.... J'attends avec impatience de lire ce livre !!!

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  • ACBernard le 04/12/2018 à 07h40

    Belle interview, et roman qui rien qu'à son résumé semble déjà poignant! Je suis certaine qu'il s'agira d'une fabuleuse découverte! Merci à Lecteurs.com pour cette nouvelle opportunité!

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  • BERNARD DOMINIQUE le 02/12/2018 à 15h14

    bonjour , pourquoi le livre de Samuel Le Bihan ,certainement parce que je suis moi même touchée à travers l'un des membres de ma famille et qu'il est difficile pour beaucoup d'entre nous d'en parler ensemble ,c'est un petit garçon tout mignon , attendrissant , ses parents font tout pour qu'il participe à la vie de la famille comme si de rien n'était , certains font tout comme , ferme les yeux sur son handicap et je me dis que , si à travers ce témoignage , je comprenais , je pouvais les aider , j'en serai tellement heureuse . Une de mes amies vit la même chose dans sa famille et si grâce à ce livre , je pouvais donner des réponse à ceux que j'aime , ce serait merveilleux . Je vous remercie de m'avoir lue

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  • Sophie Wag le 01/12/2018 à 16h17

    Il a raison de se battre pour qu'il y ait plus d'AVS dans les classes car sans eux, on ne peut intégrer correctement ces enfants dans les classes déjà surchargées! Il faut des moyens pour l'école! Les enseignats en ont besoin et les enfants, tous les enfants, le méritent!
    Je participe pour recevoir son livre!

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  • Kryan le 01/12/2018 à 12h39

    Ce roman me touche et l'histoire de Mr Le Bihan aussi.Je me sens très concernée par ce sujet. J'avais vu et aimé le documentaire de Sandrine Bonnaire " Elle s'appelle Sabine" sur Sabine sa sœur autiste… et il y a le livre de Hugo Horiot qui était très fort! Joseph Shovanec est autiste aussi et il est au gouvernement…On en parle de l'autisme mais il n'y a pas vraiment de vraie politique de vraies solutions concrètes et adaptées … Alors bravo à toutes les initiatives! L'autisme est un vrai sujet avec des vraies familles qui souffrent et qui ont besoin d'être aidées et entendues.

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  • Azimuth le 01/12/2018 à 08h54

    Merci pour ce partage magnifique et tellement émouvant. Une amie chère est exactement dans la situation de l'héroïne de Samuel Le Bihan. Ce serait un grand plaisir de pouvoir lui offrir ce livre pour Noël...

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  • Didier Saelens le 30/11/2018 à 14h01

    Ce livre me permettra de mieux comprendre le combat d'une famille avec un enfant autiste. Combat perpétuel pour une inclusion, un droit fondamental qui leur est pourtant souvent refusé...

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  • Geneviève Munier le 27/11/2018 à 15h13

    Comme d'habitude, cette interview est magnifique. Mais elle est aussi très intéressante et touchante de par le sujet abordé. Merci Karine pour les questions et Samuel Le Bihan pour les réponses complètes, intelligentes et de nature à aider les parents confrontés à ce problème de l'autisme.

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