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En 2017, la littérature change avec Michel Houellebecq, Leïla Slimani...

Revue de presse : Houellebecq en majesté, partout et toujours. De quoi alimenter les conversations...

En 2017, la littérature change avec Michel Houellebecq, Leïla Slimani...

C’est pour la publication dans les fameux Cahiers de l’Herne, d’un numéro consacré à Houellebecq, qui vient donc côtoyer Blanchot, Céline, Colette et Modiano, que le monde de la critique littéraire s’excite. Le Figaro Littéraire titre même «Tsar des lettres, star des médias.» Le Tsar apparait donc aux foules littéraires béates avec en plus du Cahier, un essai sur Schopenhauer ( En présence de Schopenhauer - éditions de l’Herne ) et la parution en poche de Soumission. Le Cahier dont tout le monde parle, qui fait rarement rentrer dans cette collection un auteur vivant, a été dirigé par Agathe Novak-Lechevalier et compile les contributions d’une soixantaine de spécialistes ou de témoins voire d’autres écrivains.» Houellebecq « lui-même a pris soin de contrôler cette célébration en écartant tout ce qui pourrait nuire à son image et à son aura.» Thierry Clément a donc épluché les 400 pages pour nous en extraire le suc et notamment cette citation du romancier et critique de rock Michka Assayas : «Je pense que d’une certaine manière, Michel absorbe l’époque : la question est de savoir si l’époque ne l’a pas finalement absorbé à son tour.» Rassurons-nous, elle l’a probablement déjà recraché, tel Chronos avalant Zeus, puisque l’article se termine ironiquement ainsi : «Et c’est ainsi que Michel est grand.»

 

Si Houellebecq est donc La star de cette rentrée, la concurrence s’annonce rude avec l’auteur de Chanson douce (Gallimard ) dont Elle fait son mannequin vitrine de une, sous le titre « Leila Slimani, superstar ». Dans cet entretien de deux pages avec Olivia de Lamberterie, la dernière lauréate du Prix Goncourt, qu’elle a décroché « enceinte» précise le titre de l’article, crie son engagement : «Je suis féministe et je le revendique.» Plus loin, elle développe, s’appuyant sur la célèbre citation de Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme, on le devient» : « Je me rends compte que oui, c’est vrai, on devient femme. Dans la confrontation avec la société - dans la façon qu’on a de trouver un travail, d’avoir des relations avec son patron, de s’occuper de ses enfants-, par petites pierres, s’impose ce qu’on voyait de loin et de manière abstraite comme étant la condition féminine. Et ça m’intéresse aussi en tant que romancière. » Vertu de la fiction qui permet à cette femme qui peut « témoigner du fait qu’il est possible d’être une femme et de consacrer sa vie à la littérature. » Elle poursuit d’ailleurs avec discernement : « Un homme qui écrit c’est normal, mais une femme qui choisit de faire garder son enfant pour écrire, pour beaucoup, c’est une égoïste. » Mais avoir le Goncourt a du lever ce sentiment d’illégitimité.

 

Peut-être que son passage dans La grande Librairie, émission littéraire phare de France 5, a aidé Leila Slimani a construire son image de star. Le magazine Lire, en tous les cas, ne doit pas mésestimer l’influence de François Busnel sur les lecteurs, puisqu’il y consacre,  sous la plume de Julien Bisson et d’Estelle Lenartowicz, 6 pages de dossier intitulées « 24h dans les coulisses de la Grande Librairie ». « L’émission est suivie en moyenne par 350 000 à 550 000 spectateurs chaque jeudi, sans compter les 100 000 du dimanche soir lors de la rediffusion, et par 30 000 à 50 000 supplémentaires en replay. » « Pour monter un plateau, il faut s’interroger sur ce qu’on peut apporter à un public qui n’a rien demandé, commente l’ancien directeur de Lire. La télévision crée une relation de confiance et d’habitude avec son public. Il faut donc le surprendre et ne pas le trahir. » Il explique « avoir pour modèle les salons du siècle des Lumières.» Et précise : « Pas les salons mondains, mais ceux des encyclopédistes. Je veux placer face à face des écrivains, des historiens, des philosophes, des auteurs, de bande dessinée...». C’est finalement bien l’art de la conversation que la Grande Librairie remet au goût du jour.

 

Et en parlant de conversation, dans Le Magazine Littéraire, Maxime Rovere se penche sur l’ouvrage de Frédérique Toudoire-Surlapierre : Téléphonez-moi. La revanche d’écho (éditions de Minuit). Dans ce livre, l’universitaire « entreprend de nous convaincre en plein XXI° siècle que le téléphone c’est mal. » Elle « piste la présence de cette technologie dans les romans, les tableaux ou films. » Comme il est difficile dans ce monde de smartphone, de convaincre de couper la conversation, alors « pour appuyer ses remarques qu’elle formule souvent avec élégance, Frédérique Toudoire-Surlapierre brasse Winicott et Benjamin, les films de Hitchcock, les pièces de Cocteau, les toiles de Roy Lichstenstein ou de Salvador Dali, les romans de Proust et de Kafka. »

 

Et en parlant de Kafka, Olivier Maulin dans Valeurs actuelles titre son article sur le roman Aveu de faiblesse de Frédéric Viguier (Albin Michel) : «Kafka chez les tarés». Le roman raconte l’histoire d’Yvan Gourlet, « adolescent solitaire et mal dans sa peau qui vit avec ses parents dans un petit bourg en voie de désindustrialisation du Nord de la France» et qui sera pris dans une spirale infernale judiciaire dans laquelle «Yvan fait figure de principal suspect et le roman déroule une mécanique froide et implacable qui fera de l’abruti qu’il est un coupable idéal.» Après son premier roman Ressources inhumaines (2015), Frédéric Viguier « continue, avec virtuosité et sans pathos, l’exploration d’une humanité avilie, manipulée, et finalement broyée. Est-elle pour autant innocente, cette humanité ? Rien n’est moins sûr.»

 

S’il est un ouvrage qui démontre toute la beauté de l’humanité, c’est l’autobiographie dessinée du chinois Rao Pingru Notre histoire (Seuil) sur laquelle enquête Le Point. Sous la plume de Sébastien Falletti, nous découvrons l’histoire de « Rao Pingru, ancien officier du Guomindang, artiste calligraphe à ses heures et toujours amoureux transi dix ans après le décès de son épouse adorée, Meitang.» Ce livre « la grande fresque qu’il a consacrée à leur passion de soixante-deux ans, et qui s’entremêle à autant d’années d’histoire chinoise, est devenu un phénomène de librairie en Chine, où il s’est écoulé à 200 000 exemplaires. Il est même devenu le nouveau «Livre Rouge» que les jeunes Chinoises offrent à leur boyfriend en gage de fidélité. » « Je n’avais pas l’intention de publier. Je voulais simplement que mes petits-enfants connaissent leur grand-mère. Et le dessin est le meilleur moyen de toucher les enfants.» dit Rao Pingru. Et le vieil homme, qui fut éloigné de sa femme et interné 22 ans, ajoute, touchant de sincérité : « J’ai beaucoup souffert du sentiment de n’avoir pu offrir une vie meilleure à Meitang. Ecrire m’a libéré de ma culpabilité en partageant mes sentiments avec les lecteurs qui ont vécu ces épreuves.» Gageons que beaucoup d’entre nous n’auraient eu ni la patience, ni la résilience de ces vieux amoureux. Nous aurions sans doute prétendu ne pas avoir d’autre choix que d’ abandonner.

 

L’abandon des prétentions (Fayard) est le premier roman de Blandine Rinkel, qui enthousiasme Léonard Billot des Inrockuptibles. Lui aussi nous parle de cette vieillesse que l’on ne saurait plus cacher. « La jolie môme amoureuse de l’écriture et membre du collectif Catastrophe »... esquisse le portrait de Jeannine, sa mère. Prof retraitée d’un lycée de la banlieue de Nantes, la sexagénaire vit seule dans une maison de la ville de Rezé, prononcez Reuzé. Amatrice de rencontres bigarrées - elle se retrouve à faire des crêpes à un futur jihadiste- et de jeux de mots « pourris », la mère oublie souvent de raccrocher le téléphone quand elle laisse un message à sa fille. Trous de serrure phoniques sur une intimité de solitude et de banalité « C’est ça qui m’a intéressée dit l’auteur, ce côté banal qui dit quelque chose de plus universel sur ces femmes seules et retraitées. »

 

Et finalement c’est par un article intitulé « Les vieillards au pouvoir» que David Caviglioli conclue cette revue de presse par une espérance : celle que porte Une brève histoire du futur de Michio Kaku (Champs Flammarion). « Ce professeur de physique théorique à New York, spécialiste de la théorie des cordes, tente dans ce livre de prédire notre avenir proche (2070-2100 en gros), au terme d’une enquête gigantesque auprès de 300 chercheurs. » « Il évoque l’inéluctable augmentation de notre espérance de vie, à 150 ans environ. Cela nous rappelle la douce prophétie du généticien franco-croate Miroslav Radman, selon lequel notre durée de vie actuelle est parfaite pour la reproduction sexuelle mais pas pour la ‘reproduction culturelle’. Au moment où notre esprit s’est enfin empli de sagesse, notre corps se détériore et rend celle-ci inutile. Quand nous vivrons deux fois plus vieux, dit Radman, nous serons gouvernés par des vieillards de 110 ans robustes et savants. Et on se rappellera sans doute avec effroi l’époque où le pouvoir était confié à de jeunes quinquagénaires idiots. » Vivement le futur !

 

© Abeline Majorel

 

 

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