"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Tous les hommes sont mortels – Simone de Beauvoir
L’histoire est d’abord un prologue de 112 pages dont j’ai même oublié que j’étais dans le prologue entre Régine et de Raymond Fosca.
Parce que c'était elle. Dès ce jour où elle s'est assise à côté d'elle sur un banc à l'école.
Andrée, la Zaza si poignante des Mémoires d'une jeune fille rangée. Reine de l'enfance et de l'adolescence de Sylvie/Simone. 13 ans passés en sa compagnie.
Ce récit retrace cette si forte amitié. Au point que toutes deux étaient surnommées les "inséparables "
Il se fait aussi la chronique de ce devenir femme dans une société aux codes si sclérosés et où la possibilité d'une échappée belle s'évanouit au fil des années.
Andrée se veut libre. Andrée veut aimer.
Mais voilà, écrasée par le poids familial, par les attentes d'une mère, par les conventions, Andrée étouffe.
Sous le regard triste de Sylvie. Une Sylvie dont on ne sait pas grand chose et qui se fait surtout la spectatrice de cet astre à la course trop rapide.
La relation avec Zaza fait partie des essentiels de Simone. Déjà avant cette nouvelle écrite en 1954, elle avait tenté de l'explorer à 4 reprises. Et puis en 58, il y a eu les Mémoires. Comme j'ai aimé ces pages consacrées aux Inséparables. Comme j'ai été de nouveau émue. Je ne peux donc que vous en conseiller la lecture.
A l'inverse, je me suis ennuyée lors de ce Malentendu à Moscou. Un Malentendu entre un couple vieillissant qui a du mal à communiquer. Un Malentendu aussi en termes de désillusion face au système soviétique. Narrée tour à tour par les deux protagonistes, cette œuvre aurait pu m'intéresser en raison de son tableau de la Russie, de son traitement de l'incommunicabilité et de son approche de la vieillesse et de ses répercussions. Mais rien n'a fonctionné pour moi. Je suis toujours restée en dehors de ce texte. Comme s'il manquait de liant et peut-être même de souffle.
Enfin, dernier écrit de ce recueil : un article sur Sartre rédigé pour le magazine américain Harper's Bazaar en 1946. Une occasion d'introduire le philosophe au moment de sa tournée aux États-Unis. C'était intéressant mais je crois que je n'en garderai peu de souvenirs. Contrairement aux Inséparables.
« Mémoires d’une jeune fille rangée » est le premier volume de l’autobiographie de Simone de Beauvoir (1908-1986), qui court de ses premiers souvenirs d’enfance à ses 21 ans en 1929, année où elle obtient l’agrégation de philosophie et où elle rencontre Jean-Paul Sartre.
Elevée dans une famille bourgeoise catholique aisée qui connaîtra quelques revers de fortune, la petite fille se plie aux contraintes de son milieu, mais en ressent cependant très vite tout le poids. Tout à la fois curieuse, enthousiaste, exaltée, capricieuse, colérique, elle est une enfant précoce. Plus tard, adolescente gauche au physique ingrat, intellectuelle et cérébrale, elle trace son avenir dans l’étude et un travail acharné : elle sait que plus tard elle écrira et enseignera. C’est son désir le plus cher, même si ce n’est pas ce qu’on attend traditionnellement de la part d’une jeune fille de son milieu. Et même si ses parents, son père en particulier, voient cela d’un mauvais œil – quelle déchéance pour la famille -, avec ce paradoxe qu’il n’y a pourtant pas d’autre issue, puisque aucun bon parti ne voudra épouser cette jeune fille sans dot. Simone souffrira de cette situation (tout en ne souhaitant pas se marier) dans sa relation avec son père, dont elle a toujours cherché l’admiration et la reconnaissance, et qui pendant longtemps n’aura que mépris, voire honte, pour la réussite de sa fille.
Mais Simone va de l’avant, se construit en s’appuyant sur ses amitiés et ses amours platoniques, en s’élevant contre la religion et le carcan social de son milieu, en se nourrissant de lectures et de rencontres, aiguisant sa conscience de la condition féminine et son appétit de liberté, sa soif d’apprendre et de comprendre.
A travers le portrait de cette jeune fille pas si rangée transparaît celui d’une époque (l’entre-deux-guerres) et d’un milieu social étouffant, dont Simone cherche tant bien que mal à s’affranchir.
Ce texte décortique minutieusement le moindre état d’âme, et questionne sans arrêt tant l’auteure que le lecteur (davantage la lectrice, peut-être). La plume est agréable, accessible, sincère, intense, foisonnante, sans doute autant que l’esprit de Simone de Beauvoir.
Elle fut l’Auteure de ma jeunesse, avec un grand A, je l’avais délaissée depuis bien longtemps. Elle est revenue vers moi grâce à une amie qui me veut assurément du bien et au récit offert pour mon anniversaire. Elle, c’est Simone de Beauvoir et l’ouvrage "L’âge de discrétion". Ce cadeau, parfaitement choisi, me va comme un gant.
Plus que d’un roman, il s’agit plutôt d’une nouvelle ou d’un court texte de 89 pages à lire. Il fut pour moi l’exemple parfait du condensé de réflexions, de remises en cause, de retour sur soi. Bref, il parle de cette période de vie, lorsque, à la retraite et allégée des contraintes horaires et des obligations professionnelles, on ne peut s’empêcher de penser que c’est le début de la fin. La narratrice est pourtant, elle, optimiste – tout au moins au départ – à l’inverse de son mari, André, chercheur qui se sent vieux et n’a plus envie de rien. Mais il suffit de pas grand-chose pour enrayer la machine : un livre qui n’a pas le succès escompté (elle était enseignante et toujours auteure), un fils qui décide de prendre son envol et "trahit" cette mère qu’il aime pourtant énormément. Alors tout bascule…
Derrière ce récit on a l’impression de reconnaître l’ombre de Simone de Beauvoir, et pourtant il ne me semble pas que ce soit tout à fait elle. Elle est dans toutes les femmes ou presque, qui forcément s’interrogent sur ce que fut leur vie, ce qu’elle va devenir. Vieillir, qu’est-ce ? Est-ce l’abandon de ses convictions ? La fin de l’espoir, de la création ? La fin de la faim, faim de vivre, de découvrir, de se battre ? "Pendant des années mes classes m’ont donné l’illusion de ne pas changer d’âge : à chaque rentrée, je les retrouvais aussi jeunes, et j’épousais cette immobilité. Dans l’océan du temps j’étais un rocher battu des vagues… Et soudain le flux m’emporte et m’emportera jusqu’à ce que j’échoue dans la mort."
A l’aide d’une écriture enlevée et légère, joliment imagée, l’auteure m’a entraînée à vive allure jusqu’à la fin. Mais je refuse de céder au pessimisme lié à l’âge et même si j’ai largement dépassé celui de discrétion qui est le sien, j’ai bien l’intention de continuer à vivre intensément et de "Ne pas regarder trop loin. Au loin c’étaient…les râteliers, les sciatiques, les infirmités…Nous n’avons pas le choix."
"L’âge de discrétion" une très belle lecture à méditer.
https://memo-emoi.fr
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