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Parmi les grandes révélations littéraires de ces dernières années en Europe : deux Hongrois qu'on avait presque oubliés et que le happy few comme le grand public ont redécouvert d'un même élan Sándor Marai et Miklós Bánffy. Mais si Marai a conquis depuis plusieurs saisons déjà le public de langue française, Bánffy, devenu un bestseller chez les Anglo-Saxons, n'est encore connu chez nous que d'une petite troupe de lecteurs passionnés dont le nombre il est vrai ne demande qu'à aller croissant.
Le chef-d'oeuvre de Bánffy, la fameuse « Trilogie de Transylvanie » (comparée par la critique à La Marche de Radetzky de Joseph Roth ou au Guépard de G. Tomasi di Lampedusa), composée comme une sorte de douloureux avertissement à la veille de la Seconde Guerre mondiale, renvoie historiquement à un autre avant-guerre : cette Belle Époque du tout début du XXe siècle où la brillante société danubienne, de Vienne à Budapest, s'exténuait dans mille fêtes et mille complots pour tenter d'oublier qu'elle dansait au bord d'un gouffre.
Le premier roman constituant ce triptyque (Vos jours sont comptés, Phébus, 2002) avait été largement salué par la presse et par les lecteurs. On retrouve dans ce deuxième volet la plupart des personnages de Vos jours sont comptés, et d'abord le comte Balint, ce libéral utopiste qui a bien du mal à gérer ses propres amours mais persiste à vouloir réformer l'incorrigible société de son temps ; et Adrienne son ardente maîtresse qui rêve de liberté alors qu'elle se trouve prisonnière d'un mariage de convention.
Tout l'art de Bánffy consiste à faire vivre sous nos yeux, en un vertigineux contrepoint, l'histoire particulière de quelques-uns et celle d'un empire promis à la chute l'une comme les autres faisant mille efforts dérisoires pour échapper à la dégringolade attendue. Danse et virevolte sous nos yeux une société merveilleusement raffinée qui se ruine en banquets, en parties de chasse, en courses de chevaux, et qui par son raffinement même s'est rendue prisonnière de règles et de contraintes d'un autre âge qui ne font que la blesser, la torturer même ; et qui ne trouve d'issue à son enfermement que dans le jeu, le vin, les amours impossibles. La nature elle-même les grandioses paysages de cette Transylvanie peinte aux couleurs d'une enfance désormais hors d'atteinte ne lui est même plus un recours. Et l'on devine que le troisième roman qui viendra clore cette symphonie désespérée aura des accents de marche funèbre...
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