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Yves Laplace rassemble une vie d'écriture en un million de signes. Voici donc une suite d'essais, d'entretiens et d'articles formant une manière d'autoportrait critique. Suite doublée de nota bene actuels qui constituent, dans leur défilé, un récit plus ou moins troué, en temps de pandémie et de guerre européenne.
Un auteur, des livres, une vie
Une vie de scribouillard rassemblée dans un livre. Sauf que ce fort volume est bien davantage qu'une compilation d'écrits. Yves Laplace nous offre ici une plongée dans le monde littéraire et médiatique helvétique, mais aussi français, le roman d'un écrivain engagé -forcément- et un panorama non exhaustif mais bougrement intéressant des auteurs qui l'ont accompagné.
Commençons par un aveu. J'ai longtemps négligé l'œuvre d'Yves Laplace pour une raison futile, mais qui me semblait alors relever de l'éthique professionnelle. J'étais chargé de la chronique littéraire de l'hebdomadaire Coopération, appartenant au groupe de distribution Coop tandis qu'Yves émargeait pour le groupe Migros, principal concurrent avec son hebdomadaire baptisé Construire. Il n'y avait donc pas besoin de se pencher sur l'œuvre de ce confrère. Fort heureusement pour moi, les choses ont changé dans les années 1980, lorsque j'ai conçu le projet d'un guide littéraire de la Suisse. Cet ouvrage présentant 700 œuvres de la littérature suisse paraîtra en 1991 à l'occasion des 700 ans de la Confédération helvétique. Son objectif était double, montrer la diversité culturelle d'un pays où les auteurs publiaient des ouvrages écrits dans quatre langues différentes et offrir une place aux auteurs actuels.
À la fin des années 1980, Yves Laplace avait la trentaine et déjà publié cinq romans: Le Garrot (1977), Lahore (1978), Un Homme exemplaire (1984) Nationalité française (1986) et Fils de perdition (1989), l'ouvrage qui m'a permis de le découvrir. Patrick Grainville le présentait ainsi dans le Figaro: «Voilà un roman terrible, incantatoire, halluciné. C’est le long cri de révolte d’un enfant écrasé, sorte de Job sacrifié par un monde totalitaire. Or son pays c’est la Suisse, transformée soudain en terrain vague apocalyptique, en bunker où la Genèse est mise à mort. Toutes nos angoisses sont concentrées dans ces pages, portées par un chant magnifique et noir.»
À compter de ce moment et de ce roman, je n'ai plus perdu Yves Laplace de vue ou plus exactement, je n'ai cessé de le lire et – même si nous n'avons qu'un an d'écart – d'en faire une sorte de grand-frère spirituel. Aussi n'est-ce pas sans une certaine émotion que je relis dans cette Vie de l'auteur des textes consacrés à Borges, Duras, Le Clézio, Modiano et bien sûr Voltaire sur lequel il a beaucoup écrit et qu'il a mis en scène à Ferney et en tournée.
Ce formidable choix de ses chroniques littéraires, proposée ici par ordre alphabétique, de Christine Angot à Zucco, s'accompagne d'un chapitre qui dévoile les débuts de l'auteur et son affection particulière pour Moravagine de Blaise Cendrars. L'esprit de l'époque lève aussi le voile sur les mœurs littéraires de la fin des années 1970. Répondant à cette ouverture une troisième partie, Pro Domo, vient conclure ce roman critique qui rassemble les textes autour de ses œuvres et de ses combats. Ils n'ont pas pris une ride. J'y vois la confirmation d'un talent d'écriture, mais aussi la rectitude d'une pensée. Merci Yves. C'est toujours un plaisir de te lire !
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